Sur le marché mondial, le vin, la bière et les spiritueux se partagent la quantité d'alcool pur consommée chaque année. En dehors des pays traditionnellement producteurs, comme la France, les nations riches s'intéressent de plus en plus au vin, alors que les pays plus pauvres lui préfèrent la bière.
Le vin n'est plus, comme en 1980, la boisson la plus consommée par les Français au cours des repas. L'eau et les boissons rafraîchissantes sans alcool lui ont grignoté des parts de marché. Bu en dehors des repas, le vin entre en concurrence avec la bière et les spiritueux. L'Onivins a voulu appréhender, au niveau mondial, l'évolution de la part du vin dans la consommation d'alcool. Patrick Aigrain a mené l'enquête en se fondant sur des statistiques commerciales enregistrées entre 1965 et 1995, dans trente-neuf pays. Dans l'échantillon arrêté pour l'étude, les nations riches sont sur-représentées. ' Mais les pays cibles pour le vin sont ceux qui peuvent payer ', explique Patrick Aigrain. Même si de nombreux pays sont absents de l'étude, les trente-neuf restants représentent 96 % de la consommation mondiale de vin.Pour chaque pays, Patrick Aigrain a évalué dans la quantité d'alcool pur consommée chaque année par habitant, les parts provenant du vin, de la bière et des spiritueux, de 1965 à 1995. En se fondant sur l'évolution démographique et sur la pyramide des âges de chaque pays (la consommation d'alcool débute autour de quinze ans), il a tenté d'estimer le marché en 2002. Les résultats de cet énorme travail sont synthétisés dans l'infographie ci-dessus. Le chercheur a regroupé les pays ayant des profils de consommation proches, ce qui l'a conduit à distinguer huit groupes assez homogènes. Les groupes G1 (pays anglo-saxons producteurs de vin), G2 (pays à caractère anglo-saxon mais non producteurs de vin) et G3 (pays baltiques en particulier) jouissent tous d'un niveau de vie plutôt élevé. Au départ gros consommateurs de bière ou de spiritueux, ils ont vu en trente ans leur consommation de vin progresser. Pour le groupe G4 (Allemagne, Autriche, Suisse, Hongrie, ex-Tchécoslovaquie, Uruguay), la part de chaque alcool dans la consommation a peu évolué depuis les années soixante. Ces quatre groupes semblent converger vers une zone où la consommation de bière serait dominante, et où ' la part du vin dans la consommation totale d'alcool pur serait, en gros, de 25 à 30 % ', estime Patrick Aigrain. Les pays producteurs d'Amérique latine ou d'Europe, regroupés au sein de G7, s'éloignent du pôle vin en se rapprochant eux aussi de cette zone de convergence. Dans le groupe G6 (pays sud-américains non producteurs de vin, Turquie, Thaïlande), le niveau de vie est relativement bas. Depuis les années soixante, la consommation dans ce groupe évolue vers la bière, alors que le vin reste une boisson marginale. ' Dans ces pays, les grands groupes ont implanté des brasseries, explique Patrick Aigrain, et le vin reste sans doute trop cher par rapport à la bière. ' Les résultats obtenus avec le groupe G5 (Grèce, Roumanie, Bulgarie, ex-URSS, Afrique du Sud) ne sont pas représentatifs de tous les pays qui le composent. ' Il y a un problème statistique concernant l'ex-URSS ', avoue notre interlocuteur. Ce groupe devra être retravaillé et peut-être scindé. Enfin, le groupe G8 est constitué de deux pays (Chine et Japon) dont le niveau de vie est très différent. Ce qui les rapproche, ce sont des habitudes alimentaires où les spiritueux et les alcools comme le saké restent très présents. Ces deux pays connaissent une évolution similaire, même si elle est décalée dans le temps pour la Chine : la part d'alcool provenant des spiritueux demeure largement dominante, mais celle de la bière progresse, et cela plus que la part du vin, qui ne représente encore pas grand-chose. ' Sur ces marchés, le concurrent du vin, c'est la bière, et pas les autres vins ', conclut Patrick Aigrain. Globalement, aucun groupe de pays n'a connu, entre 1965 et 1995, une progression de la part d'alcool provenant des spiritueux dans la consommation globale d'alcool pur. Cependant, vu l'évolution de la population des pays consommant des quantités importantes de spiritueux (Chine, Japon ou ex-Urss) et leur poids démographique, le bilan reste en faveur des spiritueux. Dans le trio en concurrence, le vin est la source d'alcool pour laquelle les évolutions sont les plus contrastées. La part de l'alcool consommée sous forme de vin croît dans les pays à niveau de vie élevé (G1, G2, G3, G4) ; elle chute dans les nations traditionnellement producteurs de vin (G5, G7) et dans les pays non producteurs à faible niveau de vie (G6). La chute de la consommation de vin entre 1965 et 1995 chez les plus gros consommateurs, également pays producteurs, entraîne, par pondération, un profil global à la baisse pour la part du vin dans la consommation annuelle d'alcool pur par habitant. Mais compte tenu de la croissance de la population en âge de consommer sur la même période, Patrick Aigrain estime que le marché global du vin tend à se stabiliser.