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La greffe en vert cherche sa place

La vigne - n°119 - mars 2001 - page 0

Utilisée uniquement pour produire des plants certifiés, la greffe bouture herbacée n'a qu'un avenir limité. Mais mise à profit plus en amont dans la chaîne de production des plants, elle pourrait permettre aux pépiniéristes de s'adapter plus vite au marché.

Sur les quatre pépiniéristes intéressés au départ par la greffe bouture herbacée, seuls les Bente, à Lamotte-du-Rhône, dans le Vaucluse, multiplient dans leurs serres les plants de cette manière. ' Cette technique est trop coûteuse en main-d'oeuvre, trop coûteuse en énergie ', indique l'un de ceux qui ont jeté l'éponge. Ce coût de revient ne permet pas aux plants d'arriver sur le marché à des prix compétitifs. ' Contrairement à ce qu'on pensait au départ, la qualité sanitaire de ces plants, le développement de leur système racinaire et la meilleure soudure entre le greffon et le porte-greffe, n'ont pas permis de mieux les valoriser ', regrette Olivier Brun, chez Mumm. Cette maison de Champagne a travaillé pendant cinq ans avec l'Inra pour mettre au point la greffe bouture herbacée, qui fait l'objet d'un brevet. Les plants standard ainsi multipliés démarrent à 9 ou 10 francs. Pour des plants spéciaux, le prix grimpe à 15, voire 20 francs. Les gens sont prêts à payer le prix fort pour du matériel rare, mais pas pour des plants plus communs.La greffe bouture herbacée intéresse aussi les chercheurs, pour obtenir plus rapidement des résultats sur les variétés nouvelles. Mais sa principale qualité est de réduire le délai entre la demande d'un plant et sa mise sur le marché. Or, elle est peu exploitée. ' Aujourd'hui, il n'y a pas assez de petit verdot ou de tannat pour faire face à la demande, explique Roger Burgdorfer, pépiniériste suisse associé à la famille Bente. Avec la méthode traditionnelle, on aura, d'ici dix ans, le tannat ou le petit verdot dont les vignerons ont besoin, aujourd'hui. Or, dans dix ans, la demande ne sera plus forcément la même. Avec la greffe en vert, en moins de deux ans, ces plants peuvent être sur le marché. ' Les boutures proposées par les pépiniéristes français descendent toutes d'un matériel initial conservé à l'Inra ou à l'Entav (Etablissement national technique pour l'amélioration de la viticulture). Ces plants offrent des garanties de qualité sanitaire et de pureté variétale. Il existe seulement une dizaine de pieds de matériel initial par clone, à partir desquels peuvent être produits, chaque année, plusieurs centaines de plants, qualifiés, encore, de matériel initial, qui partent pour les établissements de prémultiplication. Ces structures produisent, à partir de cette matière, du matériel de base qu'ils vendent aux pépiniéristes. Ces derniers établissent alors des vignes-mères de greffons et de porte-greffe, à partir desquelles ils produiront des plants certifiés, vendus aux vignerons. ' Dans le meilleur des cas, avec la technique traditionnelle, un nouveau clone arrive chez le vigneron au bout de six ans, confirme Michel Leguay, de l'Onivins. Avec la greffe bouture herbacée, ce délai peut être ramené à deux ans. ' Pascal Bloy travaille à l'Entav où la greffe bouture herbacée sert essentiellement pour des indexages, mais aussi ponctuellement, pour fournir plus vite du matériel de base aux pépiniéristes. ' Il n'est pas toujours facile d'anticiper toutes les évolutions. Un nouveau clone du petit verdot a été agréé en décembre. Nous allons d'abord fournir du matériel initial aux établissements de prémultiplication. Dès l'an prochain, avec la technique de greffe bouture herbacée, nous produirons du matériel de base, qui devrait pouvoir être livré en pot aux pépiniéristes dès 2002. En trois ou quatre ans, ce nouveau clone sera disponible. ' Roger Burgdorfer martèle que l'unité de Lamotte-du-Rhône serait mieux utilisée, si elle pouvait servir, elle-aussi, à multiplier du matériel de base, et pas seulement des plants certifiés, comme aujourd'hui. Elle permettrait alors aux pépiniéristes de mieux coller aux besoins du marché. Olivier Brun est de son avis : ' C'était une erreur d'utiliser cet outil pour produire des plants commerciaux, il est plus adapté à la production de matériel de base. ' Cependant, en France, les établissements de prémultiplication doivent être agréés. Il existe, aujourd'hui, un peu moins d'une vingtaine d'établissements de ce type. ' Et la profession avait émis le voeu de ne pas augmenter leur nombre ', précise Michel Leguay. L'unité de Lamotte-du-Rhône pourrait trouver sa place en tant que prestataire de service, en produisant des plants de base sous contrat avec des organismes de prémultiplication. Une demande devrait être faite dans ce sens. En attendant que la greffe bouture herbacée trouve enfin sa place dans la filière française, les étrangers s'intéressent à cette multiplication rapide en condition contrôlée, à la manière de Vivai Cooperativi Rauscedo, gros producteur de plants en Italie. Les Australiens commencent leurs premières greffes en vert, en exploitant la licence de Mumm et de l'Inra. Ils ont, d'ailleurs, effectué plusieurs stages chez les Bente. Les Chiliens envisagent aussi d'utiliser ce brevet. ' Pour les gros pépiniéristes italiens, proposer des plants nouveaux, c'est un bon moyen d'éliminer la concurrence. La greffe en vert leur permet d'avoir très vite de nouveaux clones à leur catalogue. Les étrangers sont très friands des nouveautés, alors qu'en France, une fois que cinq clones sont agréés dans une famille, ça nous suffit ', explique Olivier Brun. Et, il ajoute : ' Il serait dommage que cette unité disparaisse. Si c'est le cas, elle se remontera ailleurs, et sans doute hors de nos frontières. '

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