On peut maintenant apprécier si un champignon représente une réelle menace pour sa vigne grâce à des logiciels. Certains vont même jusqu'à indiquer le moment où la couverture par un produit devient insuffisante.
Lorsque les informations fournies par divers réseaux de lutte raisonnée, les conseillers en viticulture, les services de la Protection des végétaux et les firmes ne semblent pas suffire, pourquoi ne pas se servir d'un logiciel d'estimation du risque. A partir des données météorologiques de son vignoble, il permet de réajuster son jugement concernant la nécessité d'un traitement, et son positionnement optimal.Si certains modèles sont élaborés par des services de Protection de végétaux et réservés à leur utilisation exclusive, d'autres ont été intégrés à des logiciels conviviaux, et sont sur le marché. Ceux que peuvent acquérir les vignerons sont au nombre de cinq. En ce qui concerne l'oïdium et le botrytis, les modèles se limitent à une quantification du risque de maladie. Les méthodes de raisonnement actuelles suffisent pour contenir ces maladies. Certaines modélisations sont encore à l'essai. Lorsqu'il s'agit du mildiou, les modèles sont beaucoup plus performants. Ils se distinguent en deux catégories. Les premiers (proposé par l'Acta) donnent un indicateur du risque de maladie. Les seconds (Adcon, Lufft, Metos et Pulsonic) retracent le cycle de vie du champignon afin d'indiquer le moment du repiquage (et donc les périodes à risque), ainsi qu'un indice du risque montant jusqu'à 100. De plus, certains intègrent dans leurs calculs l'activité des traitements. Ils peuvent estimer la date à laquelle un traitement n'est plus assez efficace. Seul le logiciel de Pulsonic amène une information sur l'indice de surface foliaire attaquée en fonction du cycle du mildiou et du traitement. Quand le logiciel intègre les données issues des traitements, il est nécessaire de saisir la matière active et donc le type de traitement (contact, pénétrant, systémique ou osmodiffusant), la dose et la date. Chez Pulsowin, la durée d'activité du produit est fixée selon son mode d'action. Mais chez AdVantage, il faut la saisir, car elle n'est pas forcément celle prescrite par le fournisseur. ' Il ne faut pas inclure dans la durée de persistance l'effet de rattrapage du prochain traitement ', explique Jean-Marie Balland, conseiller en viticulture à Bué (Cher) et utilisateur du logiciel de Adcon en réseau. Ces deux logiciels font apparaître un tableau listant les principaux événements caractérisant la parcelle modélisée comme le stade phénologique, les repiquages, les traitements. Les calculs des logiciels sont issus d'équations et donc de modélisations différentes. Pourtant, leurs méthodes d'analyse sont assez proches. Ils ne calculent pas tous le risque à partir des mêmes données météo : la durée d'humectation des feuilles n'est pas toujours nécessaire. Avant de faire le calcul du risque, l'utilisateur peut et doit superviser les données météo, afin de vérifier leur validité. Il a ensuite accès au stade biologique du mildiou (sauf avec Météopro) et au risque. Pour le logiciel de Adcon, avant d'obtenir une estimation du risque, l'utilisateur doit saisir le stade phénologique de la vigne. Cela peut paraître comme un inconvénient, mais cela incite ainsi l'utilisateur à songer exactement à la situation qu'il a pu observer. Soit ces logiciels accompagnent l'achat d'une station météo, soit ils sont vendus séparément. Leurs prix varient entre 2 450 F et 6 000 F. Après avoir investi dans un logiciel, il faut convenablement l'installer. Cela implique surtout le bon téléchargement des données issues d'une ou plusieurs stations météo. Tous les logiciels ne sont pas prédisposés à intégrer les données issues de toutes les stations météo. Il est parfois nécessaire de convertir les fichiers pour les rendre exploitables. Lors de l'installation, les fournisseurs proposent un service d'aide. La maintenance et la réactualisation des logiciels font souvent partie du contrat d'achat. Après chaque campagne, il est vivement conseillé de faire un bilan et de comparer ce qu'affichait le logiciel avec les observations sur le terrain. Ces critiques servent à réajuster les équations. C'est le cas du modèle le plus connu en France, donnant l'état potentiel d'infection (appelé EPI) développé par Serge Strizyk. L'EPI est la base du logiciel Météopro de l'Acta. L'EPI fait état de la capacité du parasite à se développer, quelle que soit sa forme. Le potentiel varie entre - 10 et + 20. Si la valeur est positive, les conditions sont favorables. Contrairement aux autres modélisations, l'EPI n'intègre pas la réceptivité du végétal, donnée qui devra être prise en compte par l'utilisateur.Le modèle EPI actuel, que propose la Sesma, délivre des informations sur les maladies suivantes : mildiou, black rot, eudémis, brener, oïdium et cochylis, ainsi que sur la durée d'efficacité des traitements. Mais cette modélisation n'est pas directement accessible aux vignerons. Quelques organismes comme l'Institut technique de la vigne et du vin, des interprofessions, des chambres d'agriculture et une firme (Aventis) mettent ces enseignements à la disposition de leurs adhérents ou clients. Ainsi, un vigneron peut faire interpréter ses données météo et obtenir les EPI issus de la modélisation la plus récente, par un intermédiaire. Ces logiciels sont-ils fiables au point de n'effectuer des traitements qu'à leur signal ? Sûrement pas. Le vigneron ne peut pas se permettre d'être aveuglé par une courbe et un taux de risque potentiel. Il ne doit pas ignorer les informations des spécialistes et doit confronter son observation et son savoir-faire avec ces estimations. L'utilisation de logiciels à titre privé est conseillée pour des domaines de taille importante, des collectivités ou des réseaux de vignerons encadrés par des conseillers en viticulture. Ces logiciels s'intègrent parmi les outils d'aide à la décision. Il s'agirait même plutôt ' d'outils d'aide à la réflexion ', comme l'indique Guy Waksman de l'Acta.