L'art religieux du Moyen Âge utilise largement la symbolique du raisin, de la vigne, du vin ou du pressoir. Pour interpréter ces représentations, les spécialistes s'appuient sur l'ancien et le nouveau testament.
Le 2 mars dernier, la cave de Bailly, à Saint-Bris-le-Vineux (Yonne), organisait une conférence sur le thème du raisin dans l'iconographie religieuse. Au travers d'exemples pris dans les enluminures, gravures, peintures ou sculptures du IX e au XVe siècle, Daniel Russo, professeur en histoire de l'art médiéval à l'université de Dijon, a expliqué la symbolique complexe liée à la représentation du raisin et de la vigne.Les rameaux de vigne et le raisin apparaissent dès le IX e siècle sur des couvercles de sarcophages, réemployés comme panneaux d'autel, et en sculpture sur des façades d'édifices religieux. Plusieurs passages de la Bible évoquent la vigne. Le plus explicite est extrait de l'Evangile de Jean (15:1-8) : ' Moi, je suis la vigne, la véritable, et mon Père est le vigneron. Tout sarment en moi qui ne porte pas de fruit, il l'enlève, et tout sarment qui porte du fruit, il le purifie, pour qu'il en porte davantage.(...) Demeurez en moi, comme moi en vous. De même que le sarment ne peut porter de fruit par lui-même s'il ne demeure en la vigne, ainsi vous non plus, si vous ne demeurez en moi. Moi je suis la vigne, vous les sarments... ' D'autres mentions du vin, du foulage et du pressurage sont faites dans les prophéties d'Isaïe et dans l'Apocalypse. Ces différents passages aident les médiévistes à interpréter les représentations. On voit ainsi des croix écotée, le bois grossièrement ébranché portant encore des feuilles et des bourgeons. Sur l'illustration 1, le Christ est crucifié sur une croix portant des rameaux de vigne et du raisin. D'autres gravures représentent le Christ foulant du raisin. Or, le raisin symbolise le Christ. Celui-ci est sujet et objet, celui qui foule et celui qui est foulé. Suivant le contexte de la représentation, la vigne peut symboliser le Christ ou son Eglise. De plus, il faut rappeler que l'Eglise naît du sang qui s'écoule de la plaie du côté droit du corps du Christ crucifié. Le pressoir qui apparaît parfois dans l'iconographie représente aussi l'Eglise. La complexité de la symbolique explique la difficulté à interpréter certaines oeuvres. Concernant les nombreuses sculptures de Vierge à l'enfant que l'on trouve dans les églises, certaines portent une grappe de raisin à la main. Cette grappe représente à la fois l'annonce du sacrifice futur de l'enfant sur la croix et l'attribut de l'Eglise du Christ. Jusqu'au début du XIV e siècle, les gravures et les enluminures figuraient dans des ouvrages destinés essentiellement aux religieux. Elles étaient d'ailleurs très contrôlées par les instances ecclésiastiques. Puis du XIVe siècle au XVIe siècle, certains thèmes, chers aux confréries de laïcs, gagnent en autonomie. C'est le cas notamment du Christ au pressoir. Les métiers de la vigne et du vin sont donc particulièrement bien représentés dans les livres de dévotions illustrés destinés aux laïcs. On constate ainsi dans la deuxième illustration que le pressoir est représenté de façon très réaliste. ' Le Christ est courbé sous le poids de la traverse du pressoir. Autour, reliés par son sang (le vin), sont figurés les sept sacrements de l'Eglise aux laïcs : confirmation, baptême, pénitence, eucharistie, mariage, ordre, extrême- onction. Le pressoir divin, tout ensemble le Christ et son Eglise, sont à la base des sacrements, eux-mêmes à la base de la société chrétienne ', conclut Daniel Russo.