Le Moyen-Âge est avare en nom de cépages et ne qualifie les vins qu'en fonction de la localité et de la région où la vigne est cultivée.
De l'an 1000 à 1500 environ, une douzaine de noms de cépages apparaissent, mais il n'est pas toujours facile d'assimiler ces variétés à celles cultivées aujourd'hui. En effet, le nom de pinot ou pineau pose un problème. En 1183, à Mennetou-sur-Cher (Loir-et-Cher), existe un lieu-dit : Plantes de Pineau. Le nom désigne-t-il notre pinot de Bourgogne, cépage noir, ou le pineau de la Loire, cépage blanc ? Est-ce le pinot noir que l'on trouve encore à Menetou-Salon (Cher) un peu plus à l'est, ou le pineau de la Loire toute proche. En revanche, dans un texte de 1406, Jehan Vaillant, marchand de Poitiers, a vendu au duc d'Orléans, pour 36 livres, ' deux pipes de vin de pineau '. De même, en 1534, Rabelais écrit : ' Notez que c'est viande (nourriture) céleste manger à desjeuner raisins avec fouace fraische, mesmement des pineaux, des fiers (sauvignon), des muscadeaux (muscadet ou muscat) '. Dans ces deux derniers exemples, aucun doute possible : c'est le pineau de la Loire, alias le chenin.Une première mention du pinot noir est faite dans les comptes du duc de Bourgogne : en 1375, ' 6 queues et 1 poinçon de vin de pinot vermeil ' ; puis, en 1394, à Saint-Bris-le-Vineux (Yonne), quand on demande aux vendangeurs de séparer les ' tréceaux ' (tressots) et les ' pinoz ' pour les vinifier séparément. Une ordonnance de Philippe le Hardi, duc de Bourgogne, du 31 juillet 1395, mentionne aussi le pinot noir et, par la même occasion, le gamay, qualifié de ' mauvaiz plant '. Ces graphies fluctuantes ont été clarifiées au congrès de Chalon-sur-Saône, en 1896. Pinot a été attribué au cépage bourguignon, pineau au cépage ligérien. En 1302, dans la région de Lamothe-Beuvron (Loir-et-Cher), on plante une terre en ' bons auvernas ' et un texte de 1564 précise : ' Auvernas, à Orliens, sont les raisins noirs qu'à Paris on appelle morillons à cause de leur couleur '. Enfin, un texte des environs de 1250 dit qu'il était dû à Hugues IV, fils de Eudes II et d'Alix de Vergy, une rente de quatre muids de vin noirien pomard. Auvernat, morillons, noirien sont donc bien des termes pour désigner le pinot. Par ailleurs, la mention d'auxerrois, attestée au milieu du XIII e siècle dans le fabliau La Borgoise d'Orliens : ... ' et puis burent et des blancs et des aucherrois '. S'agit-il de l'auxerrois alsacien (pinot auxerrois), du malbec (auxerrois à Cahors) ou de l'auxerrois gris (pinot gris) des côtes de Toul ? Le malbec semble plausible puisque le cépage est opposé au blanc. Nous avons déjà vu le gamay, rival du pinot noir, attesté en 1395. A Puligny (Côte-d'Or), en 1444, il est question d'' un muy de vin de gamey '. Citons encore : l'arbane, attesté aux Riceys (Aube), en 1388, sous la forme alban ; le malvoisie et le muscat, le premier désignant un vin de Grèce, le second un blanc, mais ne disant rien des cépages les produisant ; d'autres cépages blancs, la clairette, citée en 1490 ; le vin blanc de Saint-Emilion, attesté au XIV e siècle, sans qu'on puisse l'identifier à coup sûr avec l'ugni blanc ; le muscadé cultivé à Romans (Isère) en 1473, sans pouvoir jurer que c'est bien notre melon de Bourgogne, appelé depuis muscadet par Rabelais en 1564, le fleuron du pays nantais. Par contre, c'est bien ce cépage dont il s'agit en 1616 : ' s'est trouvé au pays Nantois si grande quantité de vins et vignes appelées Bourgogne, que tous les vieux tonneaux de la ville d'Angers et autres endrois y ont esté menez pour y mettre leur vin '. Pour les cépages noirs, dans une charte rédigée à Lons-le-Saunier (Jura), en 1386, un vigneron doit planter à Chilley ' savaignins noir (pinot noir), polozard (poulsard) et mer gelains (margilien) pour le pris et some de quatre florins de Florance d'or '. A la fin du XV e siècle, apparaît sans doute, dans la région de Lavaur (Tarn), le duras, dont le nom ne reparaît qu'en 1783, sous la forme durac.