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Bouchons : pas de pénurie à l'horizon

La vigne - n°120 - avril 2001 - page 0

La mise en oeuvre de ressources forestières peu exploitées et le développement de technologies permettant de valoriser la totalité d'une planche de liège laissent penser que la demande croissante du marché pourra être satisfaite.

En juillet 2000, le Congrès mondial du chêne-liège et du liège se tenait à Lisbonne (Portugal). A cette occasion, Miguel Elena Rosselló, directeur de l'Institut du liège en Estremadure (Espagne), a présenté une étude sur les ressources probables en liège pour les années à venir. Il a aussi étudié l'incidence de cette évolution sur le marché du bouchon.La première tâche de Miguel Elena Rosselló a été de dresser un panorama complet des surfaces de chênes-lièges dans les pays méditerranéens. Un travail difficile car les données disponibles varient beaucoup d'un pays à l'autre. Au Maroc où l'administration des eaux et des forêts gère la quasi-totalité des forêts, les informations sont claires. Le Portugal apparaît également comme un bon élève, les ressources étant relativement bien connues et les chiffres volontiers mis à disposition. A l'inverse, en Espagne, 90 % des forêts sont privées et il n'existe pas de système de contrôle de la production. Autre difficulté rencontrée, les deux tiers des massifs forestiers sont mixtes, les chênes-lièges cotoyant alors d'autres variétés. Les critères techniques permettant alors d'évaluer les surfaces de chênes-lièges divergent selon les pays. Pour toutes ces raisons, Miguel Elena Rosselló a systématiquement croisé les informations officielles avec des enquêtes directes, menées auprès d'agents économiques de terrain. La comparaison des résultats obtenus en 2000 avec ceux disponibles en 1950 montre un accroissement des superficies de 518 000 ha en cinquante ans (+ 23 %). L'Espagne a été essentiellement concernée tandis que, dans le même temps, les forêts françaises de chênes-lièges perdaient du terrain. Miguel Elena Rosselló a aussi évalué à 391 000 ha les surfaces de chênes-lièges sous-exploitées en 2000. Ces superficies ne sont pas exploitées pour différentes raisons : manque d'accès, fortes pentes, anciens incendies, faible rentabilité de la mise en valeur, problèmes sociaux et politiques. ' La moitié de ces surfaces inactives se trouve en Afrique du Nord. Il faudrait y ajouter la plupart des forêts de chênes-lièges d'Algérie, dont l'activité est actuellement très faible, explique le scientifique espagnol. L'autre moitié se situe dans le nord de la Méditerranée ; elle correspond à des zones traditionnelles ayant peu à peu abandonné l'activité forestière. ' Ces dernières années, l'augmentation des cours des rondelles et des déchets (servant à fabriquer les agglomérés, les 1 + 1 et les bouchons techniques, également appelés de troisième génération) permettrait aujourd'hui de rentabiliser la récolte de ces forêts sous-exploitées. Par ailleurs, au fur et à mesure des récoltes, les exploitants pourront tirer des lièges de plus en plus qualitatifs, et donc une meilleure rentabilité. Une autre option consiste à reboiser et à améliorer l'exploitation des forêts (par le nettoyage ou la densification). Elle pourrait porter ses fruits d'ici à 2005. Environ 272 000 ha sont concernés, essentiellement en Espagne et, dans une moindre mesure, au Portugal. Parallèlement à ces possibilités d'augmenter les surfaces en production, il faut prendre en compte les facteurs de réduction des surfaces : incendies, pression urbaine, travaux publics ou avancée du désert au Maroc notamment. Miguel Elena Rosselló évalue l'ensemble de ces pertes à 5 % de la superficie productive. En tenant compte des potentiels sous-exploités, du repeuplement et des pertes, la surface potentiellement productive de chênes-lièges passerait de 2,688 à 3,185 millions d'hectares entre 1999 et 2015, soit une augmentation de 18 %. Une fois cette évaluation des ressources effectuée, il convient d'en mesurer l'incidence sur la structure du marché du bouchon. L'infographie présente l'évolution de la demande des différents types de bouchons entre 1990 et 2000. Ces données ont été obtenues au travers d'une enquête auprès des fabricants et des associations professionnelles, en tenant compte du potentiel de production des matières premières liège. L'auteur s'est appuyé sur ces données pour effectuer ses prévisions à l'horizon 2010. Le marché des bouchons mono-pièce (naturel et colmaté) devrait rester stable aux environ de 9 milliards d'unités. L'arrivée en production de nouvelles subéraies compense la mortalité naturelle ou accidentelle des arbres. L'augmentation de la production serait au maximum de 5 % sur ce segment grâce à d'éventuels progrès dans les techniques d'extraction. Selon le marché, une partie des bouchons prévus en naturel peuvent être dirigés vers le colmaté, et inversement. Par ailleurs, un bouchonnier souligne que compte tenu des prix actuellement plus élevés du marché du déchet, il peut être plus intéressant d'orienter les colmatés bas de gamme vers le broyage. ' Pour les bouchons faisant intervenir un processus de trituration, le marché est plus élastique. Ceci permet globalement de suivre la demande, même si, ponctuellement, de petites tensions peuvent apparaître, comme ce fut le cas en 1998 avec les rondelles destinées aux 1 + 1 et aux effervescents, remarque Miguel Elena Rosselló. Entre 1990 et 2000, le bouchon aggloméré est le secteur qui a le plus augmenté. Ce mouvement devrait se poursuivre dans la décennie en cours. La croissance pour ce type de bouchon n'est en effet déterminée que par la demande et le prix. Les matières premières ne sont pas spécifiques et certaines, traditionnellement utilisées en ameublement, pourraient être utilisées ici. ' Cette opinion n'est pas partagée par tous. Pour certains bouchonniers, il n'y a aucun intérêt pour le liège à vouloir se positionner sur tous les marchés et il vaut mieux laisser certains créneaux peu qualitatifs à d'autres types de bouchage. Pour les bouchons 1 + 1, composés et techniques, l'analyse se fait conjointement. Là encore, selon le chercheur, il n'existe pas de limite structurelle à la fourniture de matières premières. Les techniques actuelles permettent en effet de valoriser toutes les familles de produits issus d'une planche de liège, y compris les farines grâce aux bouchons de troisième génération. Toutes ces données permettent à Miguel Elena Rosselló d'affirmer que la perspective d'une pénurie de bouchons de liège n'est qu'un fantasme entretenu par les promoteurs du bouchon plastique. ' En effet, même si le marché du bouchon mono-pièce reste stable, les autres produits en liège pourront suivre la demande du marché vitivinicole dans sa future évolution ', conclut-il.

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