A l'heure où l'on souhaite limiter les résidus de pesticides dans les eaux, certains sont tentés par le désherbage thermique. C'est une technique complémentaire intéressante, mais coûteuse en temps.
Le désherbage thermique est une technique ancienne, mais des remontées de chaleur peuvent endommager la plante. Son développement a été freiné en viticulture. Aujourd'hui, ce problème semble résolu, et quelques machines tournent dans les vignes. Des sociétés comme Onzain Agricole (Onzain, Loir-et-Cher), Souslikoff (Saint-Yzans-de-Médoc, Gironde) ou Nofrost (Bonnac-la-Côte, Haute-Vienne) exposent leurs matériels lors des salons professionnels et multiplient les démonstrations.Pour certains, le désherbage thermique, qui ne laisse pas de résidus dans les sols, est une alternative au désherbage chimique. Pour les vignerons en agriculture biologique, c'est une technique complémentaire du travail du sol. Elle consiste à faire brûler du gaz (ou du fioul chez Nofrost) à la hauteur des mauvaises herbes, pour provoquer un choc thermique engendrant l'éclatement de leurs cellules. Le peu de recul acquis sur cette technique en viticulture concerne les appareils à gaz. Ceux de Nofrost, fonctionnant au fioul ou au diester, sont encore peu diffusés. ' Je pensais que le désherbage thermique me permettrait de désherber le cavaillon en remplaçant totalement le travail du sol avec un intercep. Il faut oublier cette idée. C'est surtout un complément, et un moyen très efficace au printemps pour contenir les herbes en attendant le travail du sol, mais cela ne le remplace pas ', témoigne Didier Hauret, vigneron en Val de Loire. Utilisée seule, cette technique nécessite un nombre de passages trop important. Les vignerons alternent souvent ce mode de désherbage avec le travail du sol. Pour Dominique Souslikoff, cette technique peut aussi permettre à un vigneron réalisant trois traitements chimiques, de passer à un seul herbicide complété par deux désherbages thermiques. Comme Jean-François Babin, lui aussi en Maine-et-Loire, Didier Hauret traîne son matériel derrière un quad, et travaille même sur sols détrempés. ' Cette technique évite de se mettre en retard. C'est important en bio ', indique-t-il. Comme lui, Jean-François Babin est en bio, et comme lui, il désherbe thermiquement sous le rang. ' On utilise ce désherbage au printemps dans les terrains les plus lourds et, en été, sur les coteaux où les sols sont plus durs. ' Le Champenois Alain Réaut, vigneron en biodynamie, traîne son appareil derrière une moto à chenilles. Mais ces choix les obligent à passer dans tous les rangs. Avec des vitesses d'avancement de 2 à 4 km/h en général, il faut du temps pour désherber une parcelle. ' Pour bien faire, la vitesse d'avancement doit être de 3 km/h ', considère Alain Réaut. En vignes étroites, cette vitesse se traduit par un temps de travail considérable à l'hectare. Pour contourner cet inconvénient, Gabriel Fournier, vigneron bourguignon en agriculture raisonnée, a installé les brûleurs d'Onzain Agricole sur son enjambeur, et désherbe quatre rangs à la fois. Avec des densités de 11 000 pieds, il met tout de même 1 h 40 pour faire le tour d'un hectare, mais peut intervenir en cas d'intempéries. ' Cette technique est coûteuse en temps ', confirme Jean-Noël Pascal, à l'ITV de Mâcon, qui travaille sur le développement de ces appareils en vignes étroites, pour lesquelles les références manquent. L'an dernier, les premiers essais ont montré que désherber ainsi était possible. Cette année, il regardera si le désherbage thermique nécessite plus d'interventions que le chimique. Pour Pierre-Yves Prud'homme, son collègue de Bordeaux, c'est clair : ' Le nombre de passages est supérieur. Il le restera, même en améliorant le matériel. Le brûlage se fait en surface, c'est uniquement un défanage. ' Didier Hauret compare cette technique à un paraquat, qui brûle la plante sans la détruire. ' L'effet est assez fugace ', juge-t-il. En complétant ce mode de désherbage par un travail du sol, il réalise trois, parfois quatre passages lorsque, comme l'an dernier, l'été est pluvieux. Quant à Gabriel Fournier, il effectue trois passages par an. Il pense n'en faire que deux s'il les associe à un labour. Gabriel Fournier utilise cette technique comme un foliaire, en intervenant au même stade. Jean-François Babin souligne que le choc thermique est plus efficace sur des plantules de deux à trois feuilles. ' La végétation ne doit pas être trop haute. Il faut toucher la tête ', ajoute-t-il. L'efficacité est également améliorée lorsque les herbes sont humides, avec la rosée du matin notamment. ' La plante parait plus réceptive, elle a ses stomates ouverts, elle accuse plus le coup ', explique Didier Hauret. ' Ça marche très bien après les gelées sèches de l'hiver ', ajoute Alain Réaut. Quand au coût, Gabriel Fournier indique que chaque intervention est équivalente à un passage avec un Basta, à 30 F près. Les chiffres avancés vont de 200 à 400 F/ha pour un désherbage sous le rang. ' Désherber en plein est trop coûteux ', juge Didier Hauret. Enfin, Jean-Noël Pascal souligne que travailler avec du gaz oblige à respecter certaines consignes, à vérifier l'état des flexibles. D'autre part, l'usage de brûleurs peut être restreint dans des régions sujettes aux incendies. Des arrêtés préfectoraux concernant l'écobuage, ou des restrictions communales limitent à certaines dates l'usage de ces appareils. Les contraintes étant différentes d'une région à l'autre, chacun doit se renseigner.