Avec 5 250 ha, le vignoble valaisan est le plus vaste de Suisse. Les surfaces émiettées et les terrasses font que la viticulture est ici presque du jardinage et de l'acrobatie.
Le décor est vite planté. Depuis la route du col de la Forclaz, l'une des voies d'accès au Valais depuis la vallée de Chamonix, le regard embrasse d'un seul coup le vignoble valaisan. Ici, les 5 253 ha de vignes dessinent sur la rive droite du Rhône un gigantesque escalier. Sur les 69 communes où la vigne est présente, 26 d'entre elles, situées dans le bas Valais (de Fully à Leuk), se taillent la part du lion avec 90 % des surfaces.Planter de la vigne dans le Valais relève de la gageure. Il faut d'abord bien défoncer la terre sur une profondeur de 80 cm à 1 m afin que les racines puissent y trouver de l'eau. Les sols sont pauvres et caillouteux. Ensuite, il y a la déclivité, qui peut atteindre 70 %. Les vignes s'échelonnent le plus souvent au pied de falaises abruptes, de 450 à 800 m d'altitude, voire 1 000 m, d'où la nécessité des terrasses. A cela s'ajoute un climat marqué par des étés secs et torrides et un vent chaud (le foehn) soufflant jusque tard en automne. En effet, les sommets de plus de 4 000 m bloquent les dépressions. Il tombe moins de 600 mm de précipitations et l'insolation totalise une moyenne annuelle de 2 094 heures. ' De cette diversité résulte la richesse des terroirs du Valais et leur aptitude à accueillir une myriade de cépages ', dit Thierry Constantin, vigneron embouteilleur à Sion. Le Valais compte ainsi 47 cépages (31 blancs et 16 rouges). Mais il faut relativiser ce chiffre car un tiercé se partage 85 % du vignoble : le chasselas (1 780 ha) qui donne le fendant, un vin sec et fruité, le pinot noir (1 800 ha) et le gamay (990 ha). Contrairement à une idée répandue, les cépages rouges (2 800 ha) l'emportent sur les cépages blancs (2 400 ha). Pour Jean-Bernard Rouvinez, négociant à Sierre, ' la viticulture valaisanne a un peu trop longtemps rimé avec abondance et 'gros blanc' convivial, le fendant '. Jusqu'aux accords du Gatt en 1996, les viticulteurs valaisans évoluaient dans un marché protégé, où l'essentiel de la récolte était consommé sur place. Il n'y avait pas de limitation à la production : le Valais a produit jusqu'à 710 000 hl en 1989. Ce total est aujourd'hui descendu à 450 000 hl, grâce à l'introduction de l'AOC en 1991 avec ses rendements plafonds et ses degrés minimaux par type de cépage. En 2000, 1 kg de chasselas se paie 3 francs suisses (FS). En Valais, la vigne représente une activité lucrative, voire spéculative pour les amateurs. Des parcelles se négociaient jusqu'à 100 FS/m² ! Depuis le 1 er janvier dernier, le système des contingents des vins étrangers est levé et la Suisse peut importer 1,7 Mhl. ' Pour résister, il faut augmenter la part des cépages autochtones : humagne et cornalin en rouge, amigne et petite arvine en blanc ; sans compter ceux qui se sont bien adaptés ici (marsanne blanche, syrah...), estime un responsable. La consommation de vins locaux va se maintenir : 20 % de la production sont consommés sur place, 80 % dans les autres cantons. Mais à Zurich, nous sommes traités au même niveau que des vins étrangers. ' ' Je travaille 5 ha de vignes situés dans un rayon de 20 km et disséminés sur 14 parcelles, de 2,8 ha à 400 m², explique Thierry Constantin. Là dessus, j'ai 10 à 12 cépages différents avec 20 rangs de chardonnay, de syrah, de pinot noir et de sauvignon. Cela peut paraître fou, mais les vignerons voulaient profiter au maximum de la situation pédo-climatique. Cette année, j'ai fini de vendanger le 7 octobre. 'Les coûts de revient sont en relation. ' La norme est à 1 300 heures par an pour 1 ha, affirme notre interlocuteur. Sur mon exploitation, j'ai quatre employés pendant la période de végétation. Cela tient à l'exiguïté des parcelles, à la pente qui exclue la mécanisation, à l'entretien du réseau de murets de pierres et des escaliers qui les relient, à la densité de plantation (12 000 à 14 000 pieds par hectare). ' Quant aux soins culturaux apportés à la vigne, ils relèvent pratiquement du jardinage. Côté traitements, la moitié du vignoble valaisan est désormais en lutte raisonnée. On pratique aussi... l'arrosage. ' Le peu de matières organiques contenues dans nos sols et la faiblesse des précipitations en été (20 à 30 mm) nous obligent à arroser pour limiter le stress hydrique de certains cépages, affirme un viticulteur. Une installation d'arrosage coûte 1,50 FS/m², plus 20 cS/m² pour l'entretien. Cela pèse sur le prix de revient du vin. ' Pour l'heure, les structures viticoles valaisannes demeurent assez figées, avec une grosse coopérative, Provins Valais, qui commercialise le vin de ses 5 500 adhérents, soit une production de 100 000 à 120 000 hl/an. Le reste se partage entre 450 vignerons embouteilleurs et une centaine de marchands de vins ou de négociants. ' En Valais, vous avez une viticulture à deux vitesses, constate un responsable. D'un côté, une majorité de vignerons amateurs, souvent âgés qui n'ont pas les moyens de renouveler leur cépage et se contentent de livrer leur raisin au négociant ; de l'autre, des jeunes vignerons qui mettent en bouteilles des vins plus haut de gamme et qui, souvent, n'arrivent pas à répondre à la demande. ' 1 franc suisse = 4,30 francs français.