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Les vins pâtissent des souffrances de la vigne

La vigne - n°121 - mai 2001 - page 0

Au cours des dix dernières années, des notes désagréables et atypiques de vieillissement se sont répandues sur de jeunes vins blancs allemands. Ces vins sont issus de vignes qui ont souffert de sécheresse et de manque d'azote.

UTA, c'est le nouveau mal qui frappe les vins allemands. Le sigle signifie : goût atypique de vieillissement (abréviation de untypische alterungsnote). Il déprécie des vins blancs auxquels il confère, parfois sitôt la fin du premier sulfitage, des notes de serpillière mouillée et moisie sous lesquelles les arômes fruités disparaissent. Le riesling et le Müller-Thurgau sont les cépages les plus touchés, mais le défaut affecte d'autres blancs. En revanche, les rouges ne sont pas atteints.Les UTA ont surgi et se sont répandus dans les années 90, parallèlement aux efforts menés pour rendre la viticulture plus écologique. Après le goût de bouchon, ils sont devenus la première cause de refus des vins à l'agrément (amtliche qualitätsweinprüfung). Mais l'Allemagne n'est pas le seul pays touché. Selon Wolf-Rüdiger Sponholz, du centre de recherche de Geisenheim, ce défaut a été décrit pour la première fois en 1988 en France. L'Italie, l'Espagne, la Suisse, l'Autriche, les Etats-Unis, l'Afrique du Sud, la Nouvelle-Zélande et l'Australie auraient des vins touchés. Du fait de son importance, tous les centres de recherche s'occupent intensivement du phénomène. Leurs efforts ont permis de découvrir rapidement la principale substance à l'origine du défaut. Il s'agit de la 2-aminoacéto- phénone (AAP), dont la teneur est fortement liée à l'intensité de l'UTA. Les vins en contiennent normalement environ 0,2 µg/l d'AAP. Au-delà de ce niveau, cette substance devient perceptible avec une intensité qui dépend des autres arômes présents dans le vin. Tous les chercheurs sont d'accord sur un point : l'UTA trouve son origine dans les vignes et non pas dans les chais. Il est une conséquence d'une récolte trop précoce, ou d'un manque d'eau ou d'azote. Des rendements trop élevés sont un autre facteur favorisant. Toutes ces raisons expliquent pourquoi les vins de base pour les effervescents (sekt) sont souvent atteints de vieillissement atypique. Ils sont en effet récoltés tôt sur des parcelles très productives. ' A l'opposé, les vins issus de grappes de pleine maturité, qui contiennent assez de composés azotés, ne sont presque pas touchés ', précise Rudolf Fox, chercheur à l'institut viticole de Weinsberg, dans le Wurttemberg. La découverte des mécanismes favorisant l'UTA a conduit l'Allemagne à réfléchir sur ses pratiques, notamment celles qualifiées d'écologiques. Si elles font souffrir la vigne, il faut faire marche arrière, se disent les responsables professionnels. L'enherbement intégral est ainsi remis en cause. S'il concurrence trop la vigne, les experts conseillent aux vignerons de se contenter d'enherber un rang sur deux. Ils expliquent que pour préserver la qualité des vins, les vignes doivent être correctement approvisionnées en azote. La suppression de toute fertilisation azotée entraîne, au bout de quelques années, l'apparition de notes atypiques de vieillissement. Au chai, il y a peu de possibilités de prévenir l'apparition du défaut ou de s'en débarrasser. Les chercheurs ont essayé d'oxyder les moûts, testé diverses enzymes, ajouté des substances nutritives pour les levures, filtré et clarifié ; rien n'y a fait ou si peu. Seul l'addition d'acide ascorbique (vitamine C) après la fermentation et en présence de SO 2 aide à éviter le défaut. Cet additif préserve de l'oxydation le composé précurseur de l'AAP qui est, rappelons-le, à l'origine du goût de serpillière. Malgré cela, aucun expert ne conseille d'utiliser l'acide ascorbique de manière prophylactique, car il peut s'accompagner d'effets indé- sirables, tel le brunissement des vins. En outre, l'acide ascorbique oxydé perd son effet contre l'UTA.Pour déterminer le risque d'apparition de ce défaut, un test rapide a été développé, le Würzburger Utafix-Test. Il est commercialisé par une entreprise du Bade-Wurttemberg, Schliessmann à Schwäbisch Hall. Mais mieux vaut prévenir que guérir, c'est-à-dire alimenter correctement ses vignes en azote.

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