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Un pouvoir tannant variable selon l'origine

La vigne - n°122 - juin 2001 - page 0

Une récente étude réalisée en Suisse montre que le pouvoir tannant des bouchons varie selon l'origine du liège et les traitements industriels mis en oeuvre.

Jusqu'à présent, on a considéré qu'un bon bouchon de liège était un bouchon neutre, autrement dit ne transmettant pas de mauvais goûts. Aujourd'hui, le sujet s'élargit et certains commencent à considérer qu'un bouchon de liège peut avoir d'autres types d'impact organoleptiques que la simple distinction neutre ou mauvais goûts. Sébastien Fabre et son équipe, de l'école d'ingénieurs de Changins (Suisse), se sont plus particulièrement intéressés au pouvoir tannant des bouchons de liège. ' Nous entendons souvent dire chez nous que sur des vins de chasselas, les problèmes gustatifs sont plus fréquents avec des lièges de certaines provenances que d'autres. Des bouchonniers que nous avons interrogés nous ont confirmé avoir fait cette constatation de façon empirique. Nous avons voulu vérifier scientifiquement cette information. 'Des mesures analytiques et sensorielles ont été effectuées sur des granulats obtenus par broyage des bouchons, puis mis à tremper en solution hydroalcoolique. Cette façon de procéder s'est imposée afin de gommer les importantes différences de poids pouvant exister entre les bouchons et qui auraient biaisé les résultats. De plus, le liège étant un matériau très hétérogène, un bouchon coupé en trois rondelles peut donner trois résultats de pouvoirs tannants légèrement différents. Le granulat permet donc d'obtenir une plus grande homogénéité de l'échantillon. Une première série d'analyses a permis de mesurer, sur des bouchons bruts, l'influence de l'origine du liège. Le pouvoir tannant des bouchons originaires d'Algérie et de Sardaigne est identique (147 mg de PVP (1) par gramme de granulés), celui des bouchons du Var un peu plus faible (129 mg PVP) et celui des bouchons d'Espagne beaucoup plus élevé (327 mg de PVP). Les auteurs soulignent que des variations peuvent apparaître d'une récolte à l'autre. Ils comparent aussi le poids des bouchons selon leur provenance : le poids moyen d'un bouchon de Sardaigne est plus faible que celui d'un bouchon d'Algérie. A volume de granulés égal, les bouchons de Sardaigne contiennent donc moins de tanins extractibles. Pour juger de l'effet potentiel sur une bouteille bouchée, il est intéressant de rapporter le pouvoir tannant extractible à la densité du bouchon brut. ' Les traitements réalisés permettent de minimiser l'extractibilité du pouvoir tannant par le vin sur un bouchon en position dans le goulot. Ils ont aussi pour objectif de gommer les différences existantes selon les origines de liège ', indique Sébastien Fabre. Une deuxième série d'analyses compare l'évolution du pouvoir tannant au fur et à mesure de la fabrication. On constate sur les bouchons de Sardaigne et du Var, que le pouvoir tannant augmente après les opérations de lavage-rinçage. Un résultat inattendu puisque ces opérations ont justement pour but de réduire au maximum les phénomènes de relargage. Pour les provenances d'Espagne et d'Algérie, le pouvoir tannant diminue au cours de ces opérations. Les chercheurs constatent aussi que ce pouvoir est toujours plus élevé pour des bouchons enrobés et siliconés que pour des bouchons bruts, et cela pour toutes les provenances. Or, ces traitements poursuivent pourtant l'objectif inverse. Selon d'autres analyses, le produit d'enrobage augmente l'extractibilité des tanins du fait d'une modification des propriétés physico-chimiques de la solution d'extraction. Certains traitements, dont le rôle est de réduire les échanges entre le vin et le bouchon, peuvent donc finalement augmenter l'extraction. Cependant, la prudence reste de mise car ces résultats sont obtenus sur des granulats. L'étude devrait donc se poursuivre en mesurant cette fois les échanges effectifs en situation réelle, c'est-à-dire avec des bouchons entiers fermant du vin ou une solution modèle. En effet, il est évident que les écarts seront bien moins importants selon les provenances car la surface de contact et d'échange sera moindre que dans le cas des granulats. Des bouchonniers français interrogés sur le sujet se montrent assez réservés. ' Qu'il y ait des échanges tanniques entre le liège et le vin, d'accord ; que ces échanges soient plus ou moins intenses, d'accord aussi. En revanche, il est très difficile de faire des distinctions selon les pays car, dans un même pays, il peut exister des forêts à croissance lente ou rapide, et donc des lièges plus ou moins riches en lignine. Il faut donc une traçabilité parfaite de l'amont pour séparer plusieurs provenances. Par ailleurs, sur un même secteur, la richesse en lignine peut varier d'un arbre à l'autre ', explique l'un d'entre eux. Enregistrant peu de demandes de leurs clients sur le sujet du pouvoir tannant, la plupart préfèrent concentrer leurs efforts sur les problèmes de goût de bouchon, TCA... De son côté, le bouchonnier suisse Chaillot s'est spécialisé dans la fourniture de bouchons de liège organoleptiquement neutres pour les blancs fragiles. ' Il y a dix ans, la capsule à vis est arrivée en force sur notre marché. De deux choses l'une : nous réagissions ou nous disparaissions. Nous avons donc travaillé pour proposer un bouchon de liège totalement neutre ', explique Oliver Flaction, le responsable qualité. Des forêts de chênes-lièges portugaises à croissance rapide ont été ciblées. Une méthode de trempage de bouchons entiers, avec analyse et dégustation des jus de trempage, a été mise au point afin de s'assurer de la neutralité des lots lors du contrôle qualité. ' Attention, précise Olivier Flaction, la garantie de neutralité tannique n'est pas une assurance contre le goût de bouchon. Mais cela permet d'éliminer les faux goûts qui font que le vin perd du fruit et se goûte mal. Or, ces problèmes que les consommateurs attribuent au vin et non au bouchon peuvent faire perdre des clients aux producteurs bien plus sûrement qu'une bouteille bouchonnée dont le défaut est facilement identifié et imputé au bouchon. 'Voici plusieurs années, Arnaud Immelé, oenologue en Alsace, a effectué des dégustations pour comparer divers types de bouchage. ' Des différences nettes sont apparues selon l'origine et le traitement du liège en dehors des défauts classiques. Il pouvait s'agir, par exemple, de notes aromatiques plus fermées ou de l'apparition d'amertume. Pour des vins blancs fruités et fragiles, il est donc important de sélectionner des bouchons neutres. Pour des vins rouges, puissants et tanniques, en revanche, l'influence du bouchon est plus faible. ' L'oenologue effectue d'ailleurs à la demande des tests de macération pour vérifier l'impact organoleptique potentiel de lots de bouchons. (1) PVP = polyvinylpyrrolidone.

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