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Liquoreux : mieux vaut enlever de l'eau

La vigne - n°122 - juin 2001 - page 0

Comparées à la chaptalisation, les techniques soustractives d'enrichissement donnent des vins à la fois plus complexes, plus longs et plus typiques.

Parmi les appellations bordelaises, seules celles vouées à l'élaboration de vins blancs liquoreux issus de pourriture noble sont régies par un décret interdisant l'enrichissement des moûts à l'aide de techniques soustractives. A la demande des professionnels, des expérimentations ont été mises en place afin de comparer l'effet du mode d'enrichissement sur la qualité du vin. Leurs résultats se montrent nettement en faveur des techniques non autorisées. L'essai présenté ici a été réalisé en 1999, afin de comparer la chaptalisation à l'osmose inverse et à l'évaporation basse pression, lors d'un enrichissement de 2 % volume, le maximum autorisé pour ces appellations.Les matériels d'Entropie, pour l'évaporation basse pression, et d'Indagro, pour l'osmose inverse, ont été utilisés. Cet essai a été mené sur un moût affichant un titre alcoométrique potentiel de 16 % vol. Il a été divisé en trois lots d'une centaine de litres qui ont tous été enrichis de 2°, soit par chaptalisation, soit par concentration partielle. Ils ont ensuite été vinifiés de manière identique (fermentations de même durée, réalisées avec la même souche de levure). Les mutages ont été réalisés par une adjonction de 25 g/hl de dioxyde de soufre, au même titre alcoométrique volumique. Sur le moût, la concentration partielle s'accompagne d'une hausse de la teneur en substances combinantes, évaluée par le TL50 (teneur en SO 2 total nécessaire pour avoir 50 mg/l de SO 2 libre), et de la concentration en composés spécifiques des raisins botrytisés, tels que l'acide gluconique et le glycérol. Ni le perméat (eau éliminée par osmose inverse), ni l'évaporat (eau éliminée par évaporation) ne contiennent de composés combinant le dioxyde de soufre, qui sont donc concentrés dans le moût enrichi. Le perméat renferme un peu de sucres, d'acide gluconique, de glycérol et d'acide acétique, mais à des teneurs si faibles que les fractions éliminées du moût sont négligeables. En revanche, il est impossible de détecter dans l'évaporat, très dilué par l'appareil utilisé avec de l'eau du réseau, les composés détectés dans le perméat. L'acidité volatile est plus importante pour les vins concentrés partiellement, certains composés produits par Botrytis cinerea et inhibant le développement des levures étant, eux aussi, visiblement concentrés. Le vin chaptalisé est le moins combinant, alors que les deux autres vins présentent des pouvoirs de combinaison légèrement supérieurs et apparemment identiques. Au début de l'hiver qui a suivi les essais, les vins ont été dégustés à l'aveugle par dix-sept dégustateurs. Deux types de dégustation ont été mis en place : un test de préférence et un profil organoleptique. Dans ce cas, le jury a noté, sur une échelle allant de 0 à 7, l'intensité de différents descripteurs portés sur une fiche de dégustation, que ce soit au niveau olfactif (intensité, netteté, complexité, typicité) ou gustatif (équilibre, gras et rondeur). Selon les résultats, il existe des différences significatives au seuil de 5 % entre les vins pour les descripteurs complexité, typicité et longueur en bouche, mais aussi pour la netteté, l'équilibre et le gras. Toutefois, pour ces trois derniers paramètres, on note un ' effet juge ' qui résulte d'une utilisation différente, selon les dégustateurs, de l'échelle de notation. Le vin issu du moût osmosé est significativement préféré, devant celui enrichi par évaporation basse pression, le vin chaptalisé étant le moins apprécié. Ce classement est significatif au seuil de 1 %. Une seconde dégustation, avec le même panel, réalisée après un an d'élevage, confirme ces résultats. Cet essai a clairement montré que la substitution de la chaptalisation par des techniques soustractives, pour des vins blancs issus de raisins botrytisés, conduit à un gain qualitatif très net. Le vin enrichi par osmose inverse est le plus complexe. Il est aussi le plus long en bouche et le plus typique. A l'inverse, le vin chaptalisé est le plus simple, le plus court et le moins typique. Le vin issu du moût concentré à basse pression se situe entre les deux, tout en étant plus proche du vin osmosé. D'un point de vue chimique, un intérêt notable des techniques soustractives est d'augmenter la teneur en glycérol des vins. Toutefois, par rapport à la chaptalisation, et ce dans la limite d'un enrichissement de 2°, ces techniques donnent des vins avec plus d'acidité volatile et un peu plus de composés combinant le dioxyde de soufre, ce qui, en pratique, les limiteraient sans doute à des moûts issus de raisins particulièrement bien triés. Ces résultats vont dans le même sens que ceux obtenus par la chambre d'agriculture de la Gironde lors des vendanges 1997.

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