Une enquête épidémiologique présentée récemment se montre originale à plusieurs titres. Menée en France, elle indique qu'une consommation modérée de vin ne préserve pas seulement des maladies cardio-vasculaires, mais diminue les risques de mortalité, toutes causes confondues.
'Sang et vin ', tel est le titre du colloque organisé en avril dernier à l'université de Bordeaux, au cours duquel de nombreux conférenciers ont exposé des résultats montrant les effets bénéfiques pour la santé d'une consommation modérée de vin, ainsi que les propriétés physiologiques de certains de ses constituants.Parmi les participants, le docteur Renaud, à l'origine du paradoxe français, a rapporté les résultats d'une enquête épidémiologique effectuée en France, portant sur plus de 36 000 hommes de 40 à 60 ans, suivis pendant plus de dix-huit années pour certains, afin de connaître l'incidence de la consommation de boissons alcoolisées sur les risques de mortalité. Cette enquête est particulièrement intéressante puisqu'elle concerne une population française, alors que jusque-là, elles étaient pratiquées dans des pays dont les habitudes alimentaires pouvaient être différentes des nôtres. En outre, cette enquête a pris en compte non seulement les causes de mortalité par accidents cardio-vasculaires ou coronariens, mais également les mortalités toutes causes confondues, notamment par cancer, cirrhose, mort violente et autres. Rappelons ce qu'est le paradoxe français : parmi les habitants des pays industrialisés du monde de l'Ouest, les Français, en dépit d'un niveau élevé de facteurs de risque (cholestérol, diabète, hypertension, tabagisme) et d'une consommation élevée de graisses saturées, présentent la plus basse mortalité par maladies coronarienne et cardio-vasculaire (36 % plus bas que les Américains et 39 % de moins que les Anglais). Dans cette enquête, les individus sont répartis en trois groupes : les buveurs de vin (22 093 sujets et 2 080 morts pendant la durée de l'enquête), les buveurs de bière, qui consomment au moins 40 % d'alcool sous cette forme (2 466 sujets, dont 334 morts), et les buveurs de bière et de vin (7 673 sujets, dont 811 morts). Les abstinents, ne buvant pas de boissons alcoolisées ou occasionnellement, constituent le groupe témoin (4 018 personnes, dont 392 décès au cours de l'enquête). La quantité de boisson absorbée quotidiennement est bien définie : moins de 250 ml, 250 à 500 ml, 0,5 à 1 l, 1 à 2 l, 2 à 3 l, plus de 3 l, ainsi que la quantité d'alcool correspondante (1 l de vin titrant 12° contient 120 g d'alcool). Les données sont ajustées selon l'âge, le tabagisme, l'activité et la corpulence. Pour une consommation quotidienne modérée de vin (moins de 54 g d'alcool), le risque de mortalité, toutes causes confondues, est plus faible que chez les abstinents ou les buveurs de bière (baisse de 20 %). Le risque relatif chez les buveurs de vin et de bière a une situation intermédiaire. Mais ceux qui consomment plus de 130 g d'alcool par jour (plus de 1 l de vin) dans les trois groupes ont un risque de mortalité accru. Pour une consommation modérée de vin (22 à 54 g d'alcool), les risques de mortalité par accidents cardio-vasculaires ou coronariens sont abaissés jusqu'à 45 %, alors que les buveurs de bière doivent absorber 55 à 98 g d'alcool pour observer une baisse de 40 %. Chez les buveurs très modérés de vin (20 à 30 g d'alcool), les risques de mortalité par cancer sont abaissés de 10 à 20 %, alors qu'avec la bière, une telle baisse n'apparaît pas. Mais pour une consommation plus importante de bière ou de vin (plus de 130 g d'alcool), les risques augmentent rapidement. Cette enquête confirme les précédentes observations sur la diminution des risques de mortalité par accidents cardio-vasculaires ou coronariens, mais elle apporte de nouveaux éléments en faveur du vin. En effet, il apparaît que les risques de mortalité, toutes causes confondues, dans la tranche d'âge étudiée sont aussi abaissés, notamment par cancer. Elle contredit ainsi les arguments souvent avancés par les opposants au vin, selon lesquels la diminution des risques de mortalité par accidents cardio-vasculaires ou coronariens est largement compensée par l'augmentation des autres facteurs de risque dus au vin. Concernant la diminution du risque de mortalité par cancer, le vin contient de nombreux composés phénoliques, dont les procyanidines connus pour leurs activités antioxydante et antiradicalaire, pouvant s'opposer aux risques dus à l'alcool. Le vin contient également du resvératrol, qui fait l'objet de nombreuses recherches. Lors du colloque, le docteur Raul, de l'université de Strasbourg, a mis en évidence les propriétés anticancéreuses in vitro et in vivo de ce composé. Mais il faut savoir garder raison et ne pas vouloir attribuer au vin toutes les propriétés physiologiques de chacun de ses constituants, présents parfois en quantités si faibles qu'il faudrait absorber des volumes déraisonnables.