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La pourriture acide

La vigne - n°123 - juillet 2001 - page 0

La maladie provoque une pourriture spectaculaire de la grappe. Mais son apparition sporadique ralentit les recherches. La lutte s'oriente vers les méthodes prophylactiques.

La drosophile arrive-t-elle avant la pourriture acide, ou la pourriture acide avant la drosophile ? Il semble que la pourriture acide peut se développer d'elle-même à partir des micro-organismes présents sur la pellicule des baies de raisin. La drosophile n'est donc qu'un vecteur de la maladie. La pourriture acide fait de gros dégâts très irrégulièrement. Elle se manifeste de façon spectaculaire, mais trop sporadiquement pour étudier le comportement des agents responsables. D'où les difficultés rencontrées pour comprendre et contrer la maladie.Quel est le rôle exact de la drosophile ? Elle est le vecteur et l'amplificateur de la maladie car elle transporte les micro-organismes incriminés. Elle les dépose exactement là où ces derniers trouvent les conditions idéales pour se développer. La drosophile recherche les blessures sur les baies pour s'alimenter en jus de raisin. Deux espèces sont recensées : Drosophila simulans et D. melanogaster. Elles se nourrissent et pondent dans les baies tout en propageant des micro-organismes. Les larves de drosophiles se déplacent et déstructurent la pulpe des baies. Elles se nourrissent de jus de raisin fermenté par les levures et les bactéries. Il existe donc une certaine forme de mutualisme entre la drosophile et ces micro-organismes. La larve de drosophile résiste aux pH rencontrés dans les baies atteintes, qui se situent entre 3 et 4. La pellicule reste intacte, mis à part le trou par lequel est entré la larve. La pellicule lui sert de protection, à la fois contre les prédateurs et les pesticides. ' La drosophile est un amplificateur quasi ingérable de la maladie, explique Marc Fermaud, de l'Inra de Bordeaux. Même un traitement effectué dans de très bonnes conditions n'atteint une efficacité maximale que de 80 %. Sur une parcelle contaminée, des millions d'individus peuvent être dénombrés. Après traitement, il n'en restera plus que quelques milliers. Mais l'insecte est suffisamment prolifique pour être à nouveau menaçant. ' Les traitements visant les drosophiles sont donc peu efficaces. D'autant que le risque toxicologique est important puisque les traitements sont très proches de la date des vendanges. On préfère éviter l'utilisation d'insecticides neurotoxiques à cette période. Une solution pourrait être de traiter les micro-organismes. Mais ces derniers ne sont pas suffisamment connus pour disposer de molécules efficaces. La recherche en est au stade de la détermination des souches responsables. L'Inra de Bordeaux a confirmé que les souches qui avaient été identifiées dans le sud-est de la France sont aussi celles rencontrées en Gironde. Les principales levures sont Kloeckera apiculata, Candida stellata, Pichia membranaefaciens, tandis que les bactéries sont des Gluconobacter et Acetobacter aceti. L'Inra a aussi observé que les micro-organismes responsables de la pourriture acide sont présents sur la pellicule des baies et sur les drosophiles. Cela confirme le rôle de vecteur de l'insecte. La recherche ne se focalise pas sur les molécules actives contre les micro-organismes spécifiques à la pourriture acide. En effet, les produits fongicides ou bactéricides sont suffisamment rémanents pour induire des difficultés de démarrage de fermentation. Il est préférable de ne pas éliminer la flore naturelle des raisins avant les vendanges. C'est d'ailleurs Kloeckera apiculata qui est la plus présente au commencement de la fermentation alcoolique. Ne parvenant pas à inhiber les micro-organismes, la contamination se propage de proche en proche au sein d'une grappe. Une baie atteinte suinte du jus acide fragilisant la pellicule des baies en son contact. Ainsi, les micro-organismes ont la porte ouverte pour dégrader les sucres de baies encore saines. La lutte contre ces micro-organismes est d'autant plus difficile que les baies atteintes se trouvent au coeur des grappes. Seule une drosophile attirée par l'odeur du suc du fruit peut y parvenir. C'est loin d'être le cas des jets d'un pulvérisateur.A l'Inra de Bordeaux, Dominique Blancard et Marc Fermaud s'accordent sur le fait que les pourritures, qu'elles soient acide ou grise, se développent dans des conditions proches. Les études sur botrytis vont améliorer les connaissances sur la pourriture acide. La pourriture grise et la pourriture acide partagent une même niche car les facteurs leur étant favorables sont communs. La distinction entre ces deux maladies peut s'avérer complexe du fait de symptômes proches. Sur une même grappe, on peut observer des baies atteintes de pourriture grise et d'autres de pourriture acide. L'acide acétique inhibant la germination du botrytis. Si la lutte est efficace contre le botrytis, on laisse la place à la pourriture acide. Le complexe parasitaire responsable de la pourriture acide est trop large et trop méconnu pour être maîtrisé. Le positionnement de la maladie à la fin du cycle de la plante fait qu'un traitement pourrait donner lieu à des problèmes de rémanence de la matière active dans la vendange. C'est pourquoi la lutte s'oriente plutôt vers les méthodes prophylactiques. ' La meilleure option pour préserver les baies de la pourriture acide est de diminuer leur réceptivité aux micro-organismes ', insiste Dominique Blancard. Le facteur climatique joue davantage sur la réceptivité de la baie que sur la vitesse de développement de la drosophile. Cette dernière est relativement tolérante aux aléas climatiques. Son cycle de reproduction ralentit si les températures baissent. Des pluies fragmentées à l'approche de la maturité des baies sont néfastes à la résistance de la pellicule. Et les à-coups du climat orageux provoquent de microscopiques blessures sur la pellicule. Les vignes les plus vigoureuses, et celles avec les grappes les plus compactes ou les pellicules les plus fines sont les plus sensibles à la pourriture acide. La lutte prophylactique semble être la meilleure stratégie jusqu'à présent. Elle consiste en un enherbement permettant de limiter la vigueur, en un palissage facilitant l'aération, et en un effeuillage atténuant le microclimat chaud au niveau des grappes. Pour éviter les blessures sur les baies, une bonne protection contre l'oïdium et les tordeuses est recommandée. Car une fois la maladie présente, il est déjà trop tard.

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