Depuis une loi de 1995, le passage du paiement des fermages en vin à un paiement possible en monnaie entraîne des interprétations différentes des textes de loi, que la jurisprudence tente d'affiner.
Les propriétaires de vignobles, en l'état de l'embellie sur le marché du vin, auraient tendance, lors de la conclusion d'un bail à ferme, à exiger un loyer important. Mais l'article L 411-11 du code rural est là pour modérer leurs prétentions. En effet, le loyer doit s'inscrire à l'intérieur d'une fourchette établie par arrêté préfectoral entre un minimum et un maximum d'hectolitres de vin à l'hectare, en tenant compte de la qualité des biens donnés en location.La loi du 2 janvier 1995 fait échec à ce mode de fixation, à titre obligatoire pour les terres nues, à titre facultatif pour les cultures pérennes, en particulier la vigne. En effet, si le fermage des terres nues est impérativement établi en argent, le fermage des vignes peut, au gré des parties, être établi en argent ou continuer à être déterminé en quantités de vin. Dans cette hypothèse, la difficulté se fait jour au cas où le bail a été conclu par référence à une denrée non prévue dans l'arrêté préfectoral. Tenant compte du caractère d'ordre public attaché à l'article L 411-11, le problème se pose de savoir si la partie, généralement le locataire, qui a signé un bail portant fixation d'un fermage incompatible avec la réglementation, peut revenir sur son consentement pour exiger le respect strict de la loi. Deux arrêts significatifs ont été rendus par la Cour de cassation dans les mois écoulés. Une première difficulté lui a été soumise : le loyer avait été convenu sur la base d'une quantité de vin à l'hectare, mais il était précisé ' côtes-du-rhône village ', à régler en espèces au bailleur au cours de cette appellation. Le preneur n'ayant pas réglé la somme ainsi calculée, le bailleur agissait en résiliation pour défaut de paiement. Le preneur a contesté la somme réclamée en faisant valoir que l'arrêté préfectoral fait référence aux ' côtes-du-rhône ' et non aux ' côtes-du-rhône village ', et qu'ainsi la clause relative au calcul du fermage était nulle. Tout le problème était de savoir si la référence à ' côtes-du-rhône village ' équivaut à celle de ' côtes-du-rhône ' visée par l'arrêté. Aux termes d'un raisonnement subtil, la cour d'appel validait le fermage stipulé. La Cour de cassation ne l'a pas admis en posant d'une manière explicite un principe fondamental, ' qu'en statuant ainsi, alors que la liste des denrées retenues par l'autorité administrative est limitative, la cour d'appel a violé l'article L 411-11 '. Conséquence pratique dans notre cas particulier : le fermage était illégal. Conséquence plus générale, chaque fois qu'a été adoptée une denrée non strictement prévue par l'arrêté, le loyer est illégal et doit être judiciairement établi depuis l'origine du bail. Une seconde difficulté a été soumise aux tribunaux : le preneur faisait valoir que la quantité de vin stipulé était supérieure de plus de 10 % à la valeur locative de la propriété et, dans ce cas, il lui appartenait d'introduire une action en révision réglementée par l'article L 411-13. Point essentiel en cette procédure, le tribunal paritaire doit être saisi au cours de la troisième année de jouissance ; à défaut, la saisine est irrecevable et c'est ce que soutenait le bailleur. La cour d'appel avait admis son point de vue et déclaré l'action irrecevable ; la cour suprême jugera que la troisième année de jouissance commence à partir de l'acte authentique, car il fixe le point de départ de la location et donc de la jouissance. Il n'est pas inutile de faire remarquer que l'entrée en jouissance est fixée en tenant compte du moment où le preneur prend l'exploitation, et pour un locataire entrant, en matière viticole, ce ne peut être qu'après les vendanges de son prédécesseur. Il reste en suspens le problème du point de départ du prix révisé. Pendant longtemps, il a été admis que la révision demandée au cours de la troisième année ne prenait effet qu'à partir de la quatrième année du bail, si bien que le locataire devait le loyer, aussi exagéré soit-il, pour les trois premières années du bail. Récemment, la Cour de cassation a modifié sa position : c'est dès la troisième année que prend effet la révision du loyer.Les difficultés manifestées à l'occasion de la fixation du fermage des vignes données en location fait comprendre l'hostilité des bailleurs à l'égard de la conversion instaurée par la loi du 1 er août 1984, tant et si bien que la loi du 30 décembre 1988 avait prévu qu'un décret fixerait les modalités de la réparation du préjudice qui serait causé dans les bouleversements des rapports contractuels, mais on attend toujours le décret... Références : Cour de cassation du 13 décembre 2000, BC 2000-III-188, et Gonnet du 13 décembre 2000, revue DRT rural 2001 N de février.