Alors que le contrôle du rendement à la parcelle devient une priorité pour l'Inao et la Cnaoc, notre enquête montre que six appellations se sont déjà organisées dans ce sens. Trois d'entre elles ont même intégré la démarche dans leur décret.
Avec la réforme de l'agrément, le respect des conditions de production est porté à l'attention de la profession. Ainsi, la Cnaoc (Confédération nationale des AOC) propose que chaque appellation définisse un ' rendement aberrant ' au-delà duquel une parcelle ne pourra plus être déclarée en AOC.
Pourtant, les syndicats de producteurs de quelques appellations ont déjà pris les dispositions nécessaires pour effectuer le contrôle des rendements des parcelles. Pour certains syndicats, cette démarche fait l'objet d'une clause supplémentaire dans leur décret d'appellation. C'est le cas de Château-Chalon (Jura), Bonnezeaux et Anjou villages Brissac (Maine-et-Loire). Quelques autres appellations ont effectué la demande d'un ajout à leurs décrets : Coteaux-du-Layon Chaume, Fronton, Madiran et Pacherenc-du-Vic-Bilh. Chacune de ces appellations, selon sa taille, ses besoins et son organisation, a défini le fonctionnement de sa commission de contrôle des vignes et du rendement.
Historiquement, les premiers contrôles des rendements à la parcelle ont été effectués à Château-Chalon, ceci depuis 1952. Mais le décret de l'appellation n'a inclus une clause décrivant le fonctionnement de cette commission qu'en 1998.
Une semaine avant le ban des vendanges, toutes les parcelles de l'appellation font l'objet d'un contrôle. La commission se divise en quatre sous-commissions, qui se partagent les surfaces. Chaque sous-commission comprend une dizaine de personnes : vignerons, représentants du négoce, un technicien et un agent de l'Inao. Des représentants de la DDA, des fraudes et des douanes sont aussi invités. En fin de journée, les sous-commissions se réunissent afin de conclure parcelle par parcelle, en ce qui concerne l'entretien des vignes, l'état sanitaire et le rendement estimé. Ensuite, l'Inao expédie un courrier à chaque vigneron, lui indiquant le rendement qui pourra être revendiqué en appellation Château-Chalon sur chacune de ses parcelles.
' Le but n'est pas de déclasser des surfaces importantes. Mais sur le principe, c'est bon ', explique Jean Berthet-Bondet, vigneron à Château-Chalon et membre de cette commission. ' Cette démarche donne aux vignerons la responsabilité d'assurer collectivement la surveillance de l'appellation, et de défendre leur bien collectif qu'est l'appellation ', souligne un professionnel. Au départ, c'est un peu difficile d'appréhender le rendement sur une parcelle ' mais on se cale très vite ', précise un vigneron participant depuis plus de dix ans.
Le vigneron dispose de quatre jours pour faire appel à la suite de la réception du courrier. La commission d'appel, si elle doit se réunir, est composée des présidents de chaque sous-commission. ' Jusqu'à ce que le décret ait été modifié, nous avons eu des problèmes en cas d'appel. Aujourd'hui, tout est fait en un passage, sinon deux ', explique Benoît Ruch, à l'Inao de Poligny (Jura). L'avis de la commission d'appel ne peut être contesté.
Cela peut sembler être une organisation lourde pour une petite appellation de 45 ha, mais elle n'est pas la seule. Depuis 1994, à Bonnezeaux (120 ha), il en est de même. Dès la mi-juillet Pierre-Jean Millet, de l'Inao, repère les parcelles à problème pour les faire viser par la commission. Celle-ci est composée de sept vignerons ayant postulé et ayant été désignés lors de l'assemblée générale de l'appellation. Les membres de la commission sont renouvelés tous les trois ans ' afin de sensibiliser un maximum de vignerons ', précise l'un d'entre eux. Elle décide quelles parcelles feront l'objet d'un courrier, encourageant à remédier au problème signalé. Pierre-Jean Millet repasse à la fin du mois d'août pour s'assurer que cela a bien été pris en compte. Si ce n'est pas le cas, on avertit par courrier que la parcelle sera déclassée. La commission opérant tôt dans la saison, le délai pour effectuer une réclamation est ici de quinze jours.
Avec cette démarche, les conditions de production à la parcelle sont respectées, mais la suite des procédés loyaux et constants de l'appellation ne le sont pas forcément. Il existe donc un maillon faible dans le procédé, surtout dans le cas des appellations dont les aires se superposent. En effet, un vigneron peu scrupuleux ou mal intentionné peut faire des transferts de récolte entre ses parcelles sur sa déclaration de récolte.
Mais cette commission reste utile. D'autres appellations ont aussi ce type de démarche. A Madiran (1 600 ha), une veille existe depuis les années 1990. Son déroulement a été modifié au fur et à mesure des années, car les surfaces visées allaient en progressant. Cette année, le contrôle n'a porté que sur les exploitations entrant dans un créneau de critères, afin de diminuer les surfaces visées. Une grande majorité des surfaces viticoles bénéficie d'un conseil en éclaircissage, ce qui allège le travail de contrôle.
A Fronton (2 200 ha), des parcelles sont contrôlées pour la troisième fois. Les deux premières années, toutes les surfaces de dix exploitations tirées au sort (sur les 180 de l'appellation) ont fait l'objet d'un passage. Cette année, toutes les exploitations ont été contrôlées. Quatre parcelles par exploitation sont visitées (chacune représentant l'un des quatre cépages principaux). Cette été, après un second passage, il restait quelques parcelles sur lesquelles aucun éclaircissage n'avait été effectué malgré le courrier adressé. ' Mais demain, lorsque le décret aura été revu, ces parcelles pourront être déclassées. Aujourd'hui, elles font l'objet d'une démarche pédagogique ', observe Olivier Cabirol, directeur du syndicat de Fronton.
Une telle organisation n'existe que grâce à l'initiative des syndicats d'appellation. Si beaucoup de producteurs l'encouragent, cette démarche sera plus facile à mettre en place. Cette commission sert alors plus à la prévention qu'à la répression, car la majorité des producteurs ont intégré dans leurs pratiques le respect des conditions de production et de rendement au niveau des parcelles. Maintenant faut-il encore que l'ensemble des producteurs soient partisans du respect d'un rendement à la parcelle.