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Passer du bricolage au 'pro'

La vigne - n°124 - septembre 2001 - page 0

Le rapport de Jacques Berthomeau sur la viticulture française est sans concessions. Il devrait servir de base à l'élaboration d'un projet stratégique pour la filière. (photo P. Crapon)

Jacques Berthomeau est un homme libre. Dans tous les cas, ses propos et son ton le sont. La lecture de son rapport est un régal pour les neurones. Intitulé ' Comment mieux positionner les vins français sur les marchés à l'exportation ', il dessine la trame stratégique d'un ' rebond ' pour nos vins à l'étranger. 80 pages sans concessions en appuyant souvent ' là où ça fait mal ' : manque de rigueur des responsables, conduite approximative dans les vignobles, double langage des syndicalistes, des coopératives où rien ne bouge car personne ne tranche, des pouvoirs publics qui tergiversent...
Il faut ' bousculer l'approche traditionnelle qui privilégie le clocher (...). On s'abrite derrière la base, cette pâte lourde - sans doute parce qu'on ne la travaille pas beaucoup pour lui faire comprendre les réalités du marché - pour bricoler, pour laisser croire qu'il suffit de restructurer les vignes et rénover la cuverie pour préparer l'avenir. Bref, il faut expliquer ses choix, les défendre, les mettre en pratique ', peut-on lire dès les premières pages. En fait, 80 pages pour que des attitudes plus ' pro ' remplacent les actuels bricolages.
L'auteur s'étonne : ' Les tuiles qui nous tombent sur la tête aujourd'hui - allusion aux mauvais résultats de la France à l'export - surprennent ! Dans les études Booz Allen & Hamilton de 1993 et Ernst & Young de 1998, beaucoup de points étaient contenus dans des scénarios annoncés. Mais comme aucun groupe de travail ne s'est penché sur la faisabilité des actions proposées, aucun arbitrage n'est tenté entre les intérêts divergents des opérateurs, aucun calendrier n'est fixé, on en reste à des généralités. On se fait plaisir, on se donne le sentiment d'un travail interprofessionnel mais, en fait, on laisse les choses en l'état, trop préoccupé par les équilibres syndicaux, régionaux ou de boutiques. ' Et l'auteur enfonce le clou : ' Notre viticulture se caractérise par les non-choix, l'attentisme, la protection artificielle d'une soi-disante gestion collective du marché. Il faut passer d'une gestion du rétroviseur à une gestion d'anti- cipation et de réactivité. '

Concernant la crise actuelle, l'auteur regrette une dérive des rendements, en Europe comme en France ' où on a le génie de masquer les rendements agronomiques par des rendements administratifs optimisés dans une déclaration de récolte '. Il prône le retour à la dissuasion de la distillation obligatoire pour les vins de table et à la sortie des vins de pays de l'OCM, comme c'est le cas pour les appellations. ' Il faut sortir de la mutualisation du vin et de la pratique du grand tonneau. Les VDP de département n'ont aucune légitimité : il faut les orienter, pour ceux qui le méritent, vers une grande zone ou une petite. ' Par ricochet, l'Inao - ' cénacle de défenseurs de droits acquis ' - et l'Onivins sont invités à mieux travailler ensemble avant de demander plus de moyens.
' A l'export, vendre quelques bouteilles ou des millions de caisses, ce n'est pas le même métier. ' Dans cette phrase se trouve l'une des idées maîtresses du rapport : les vignobles génériques, d'appellation comme de vins de pays, doivent être gérés par les entreprises de l'aval, y compris pour les agréments des vins d'assemblages. Le développement de partenariats avec l'amont et des marques sont au coeur de la réussite à l'export. ' Il faut lire notre vignoble à travers les marchés, et non les catégories juridiques des vins. C'est une révolution culturelle ', explique l'auteur.
Sur le front de la promotion et de l'insuffisance des budgets, l'auteur regrette un éparpillement des moyens, le manque d'implication des collectivités locales - ' alors que c'est un financement soft au plan communautaire ' - et que le Fonds de développement de la filière du vin (Fidevi), prôné il y a dix ans déjà, n'ait jamais vu le jour. En conclusion, ' faisons que notre culture du vin ne se cantonne pas à la mise en avant de notre passé, mais sache aussi faire émerger des valeurs plus accessibles à la génération de la Play Station, de l'internet et de Loft Story '.


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