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L'autolyse des levures

La vigne - n°124 - septembre 2001 - page 0

Les mécanismes de l'autolyse des levures dans le vin et, donc, l'influence de l'élevage sur lies sont de mieux en mieux compris.

Plus de gras en bouche, nouvelles notes aromati- ques, plus grande stabilité protéique et tartrique : l'autolyse des levures - et donc l'élevage sur lies - a une incidence sur la qualité et sur le potentiel de garde du vin. Une fois la fermentation alcoolique achevée, les levures meurent et se déposent au fond de la cuve ou de la barrique. Elles deviennent alors le principal constituant des lies. L'autolyse, qui signifie la dégradation des cellules levuriennes mortes par leurs propres enzymes, peut alors intervenir.
Lors d'une conférence sur le chardonnay, organisée par la société Martin Vialatte oenologie, le professeur Michel Feuillat, de l'institut Jules Guyot, à Dijon, rappelait que l'autolyse ne se déclenche pas immédiatement dans le vin. En conditions optimales, à pH 4,5-5 et à 35-40°C, elle démarre très vite et se déroule en quelques jours, voire quelques heures. Dans le vin, à pH 3,3-3,7 et à des températures d'environ 15°C, les conditions sont moins favorables. L'autolyse est alors beaucoup plus lente et précédée d'une phase de latence. Celle-ci dure cinq à huit semaines dans des conditions classiques d'élevage en Bourgogne, deux à trois mois dans les caves plus fraîches de Champagne. Il faut ici rappeler que dans le cas des vins effervescents élaborés selon la méthode traditionnelle, comme les champagnes et les crémants, l'autolyse des levures se déroule en bouteilles après la prise de mousse lorsque le vin est sur lattes.

De nombreuses études ont permis de mieux connaître le mécanisme de l'autolyse et le rôle joué par les différents compartiments cellulaires. ' Les enveloppes cellulaires (membrane cytoplasmique et paroi) jouent un rôle important dans le processus d'autolyse. En effet, la dénaturation des membranes cellulaires permet la libération des enzymes hydrolytiques et leur mise en contact avec leurs substrats spécifiques. Parallèlement, la dégradation des constituants de la paroi augmente la porosité de celle-ci, facilitant ainsi le relargage des produits d'autolyse dans le milieu extracellulaire ', écrit Michel Feuillat dans l'ouvrage collectif OEnologie, coordonné par Claude Flanzy et paru en 1998 aux éditions Tec&Doc. Le contenu cellulaire apporte différents éléments : des acides aminés, des peptides et des nucléotides.
Les acides aminés sont des précurseurs d'arômes et des nutriments pour les bactéries lactiques. Des travaux sur les composés peptidiques ont été réalisés par les chercheurs de la maison Moet & Chandon. ' Environ dix peptides ont été isolés et dégustés. Parmi eux, certains sont responsables de goûts sucrés ou acides. Les dosages montrent cependant qu'aucun d'entre eux n'est individuellement présent en quantité suffisante pour avoir une interaction sur le goût. Et on ne sait pas pour le moment si la somme de ces peptides peut, quant à elle, agir sur le goût du vin ', indique Monique Charpentier. Les nucléotides, fréquemment utilisés en agroalimentaire comme exhausteurs de goût, font aussi l'objet d'une thèse préparée à l'institut Jules Guyot, en partenariat avec Moet & Chandon, par Jérôme Aussenac. Les chercheurs ont constaté que la teneur en nucléotides n'augmentait pas pendant le vieillissement, ceux-ci étant transformés en composés de plus petite taille, les nucléosides. Les seuils de détection gustatifs ont été déterminés. Ils se situent individuellement entre 30 et 50 mg/l. Or, chaque nucléotide est présent en moindre quantité dans le vin. Comme dans le cas des peptides, il faudrait donc étudier l'incidence éventuelle sur le goût des effets de synergie entre nucléotides, comme cela a déjà été fait sur d'autres aliments.
Une étude menée il y a une dizaine d'années au laboratoire des arômes de l'Inra de Dijon mettait en évidence la production d'arômes pendant l'autolyse. Une solution hydroalcoolique, aromatiquement neutre au départ, a été analysée après six mois d'autolyse dans les conditions du laboratoire. Les chercheurs ont alors mis en évidence plus de cent composés aromatiques parmi lesquels des esters, des alcools, des acides, quelques composés soufrés et même des lactones, dont le sotolon. Ce dernier est bien connu dans les vins jaunes du Jura élevés sous voile. Il peut aussi se retrouver dans de vieux champagnes conservés plusieurs années sur lattes. Michel Feuillat rappelle d'ailleurs que si les lies sont sources d'arômes, tous ne sont pas favorables.
La paroi des levures libère des glucanes et des mannoprotéines au cours de l'autolyse. ' L'impact des mannoprotéines sur le vin a été beaucoup étudié au cours des dix dernières années, constate Michel Feuillat. On a démontré leur incidence sur la stabilité tartrique et protéique, leurs interactions avec les arômes avec une diminution de l'intensité, mais une augmentation de la persistance, leur rôle d'activateur de la fermentation malolactique et, dans les effervescents, de promoteur de la qualité de la mousse. '

On sait enfin que des mannoprotéines sont aussi libérées au cours de la fermentation alcoolique et cela, de façon plus ou moins importante selon la souche de levure utilisée. Le choix de la souche jouera donc un rôle prépondérant sur la teneur du vin en polysaccharides si l'on ne souhaite pas réaliser l'élevage sur lies. On sait par ailleurs que certaines souches s'autolysent plus rapidement que d'autres. L'utilisation d'enzymes de type glucanase permet également d'accélérer le processus d'autolyse, et donc de réduire le coût de l'élevage sur lies.
Les travaux actuels s'intéressent aussi à l'élevage des vins rouges sur lies fines. ' Ce type d'élevage permet d'obtenir plus de gras, comme dans le cas des vins blancs. Les tanins sont ainsi moins astringents et la couleur plus stable, observe Michel Feuillat. Les interactions entre les mannoprotéines et les polyphénols sont à l'étude. Il faut cependant rester prudent pour élever des rouges sur lies car le milieu est très riche du point de vue nutritif. Ainsi, faute de conditions d'hygiène très strictes, les risques de déviation microbienne - avec un développement de levures Brettanomyces - sont beaucoup plus importants sur rouges que sur blancs. '


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