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Par ses choix, le vinificateur jou e sur les combinaisons du SO dans les vins liquoreux

La vigne - n°124 - septembre 2001 - page 0

Dans les vins liquoreux, une faible part du SO apporté reste libre. Mais des sulfitages raisonnés, un choix judicieux de la levure, l'utilisation de thiamine ou la mise en oeuvre d'un mutage adapté permettent de limiter le taux de combinaison du dioxyde de soufre, et donc la teneur en SO de ces vins.

La gestion du dioxyde de soufre est un problème majeur dans l'élaboration des blancs liquoreux de pourriture noble. Des composés carbonylés, présents à des teneurs élevées, réagissent avec lui pour donner des combinaisons inactives vis-à-vis des levures fermentaires. Ces composés proviennent du raisin parasité par Botrytis cinerea, mais ils sont aussi produits par les levures lors de la fermentation. L'optimisation de plusieurs paramètres technologiques permet de limiter cette source.
Afin de quantifier l'effet du sulfitage des moûts sur le taux de combinaison du dioxyde de soufre des vins, deux barriques ont été remplies avec un même moût. L'une a reçu 5 g/hl de SO 2, l'autre pas. Puis elles ont été ensemencées avec la même souche de levure. Le mutage a été réalisé dans des conditions identiques pour les deux modalités. Les vins obtenus présentent des compositions très semblables. Le seul effet du sulfitage à 50 mg/l est de conduire à un vin présentant un pouvoir de combinaison supérieur d'environ 40 mg/l, en raison d'une teneur en éthanal accrue, le SO 2 apporté par le sulfitage étant presque entièrement combiné irréversiblement par l'éthanal dès le démarrage de la fermentation alcoolique.

Comme le dioxyde de soufre ajouté au moût se combine, perdant toute activité antilevurienne, et que les quantités utilisables lors de cette opération sont sans effet sur les bactéries acétiques, le seul intérêt de sulfiter les moûts de pourriture noble est d'éviter toute piqûre lactique avant le départ de la fermentation alcoolique. Cette opération peut donc être remplacée par un refroidissement des moûts dès la sortie du pressoir, ce qui favorisera un éventuel débourbage.
Pour évaluer l'incidence de la thiamine sur le taux de combinaison, quatre barriques ont été remplies d'un même moût : deux ont reçu 50 mg/hl de cette vitamine, les autres servant de témoins. Une barrique supplémentée en thiamine et une barrique témoin ont été levurées avec la Zymaflore ST. Les deux autres l'ont été à l'aide d'Uvaferm BC. Les quatre vins ont été mutés avec la même quantité de SO 2, à un titre alcoométrique de 14,7 % volume. Cet essai confirme qu'un ajout de thiamine en début de fermentation alcoolique conduit à un vin présentant un pouvoir de combinaison plus faible, en limitant la formation de composés combinants comme les acides pyruvique et 2-oxoglutarique. En effet, la thiamine favorise la décarboxylation de l'acide pyruvique par la levure. On note aussi un effet souche, car l'économie de dioxyde de soufre, de 10 mg/l pour Zymaflore ST, atteint 60 mg/l pour Uvaferm BC.
Le rôle de la souche de levure a été étudié au cours des vendanges 1997 à 1999, dans plusieurs châteaux du Sauternais. Pour cela, dans chaque cas, un moût a été divisé en autant de lots (fûts) que de souches à tester. Chaque lot, ensemencé par une souche différente, a fermenté à une température voisine de 22°C. Pour chaque essai, les mutages ont été réalisés de la même manière, au même titre alcoométrique volumique.
D'après l'analyse des composés combinant le dioxyde de soufre, seules les teneurs en trois composés métabolisés (éthanal, acides pyruvique et 2-oxoglutarique) par les levures dépendent de la souche utilisée. Les variations de la combinaison du SO 2 s'expliquent par les écarts de teneurs en ces composés.

L'infographie ci-contre dresse un bilan des écarts observés entre les différentes souches. La Levuline BRG a toujours conduit au vin présentant le plus faible pouvoir de combinaison. Au sein de chaque essai, plus la durée de fermentation est longue, plus le pouvoir de combinaison du vin est faible. Ce temps de fermentation conditionne en effet la durée pendant laquelle les levures réduisent les composés carbonylés combinants qu'elles ont préalablement formés, et dont les teneurs augmentent lors de la phase de croissance exponentielle avant de décroître ensuite.
Pour apprécier le rôle des modalités du mutage, un moût en fermentation a été divisé en trois lots : un lot muté sur lies totales, le second après soutirage et élimination de lies, le dernier après conservation à - 4°C pendant 48 h, sans soutirage. Cette expérience a été renouvelée, en remplaçant la modalité ' mutage après soutirage ' par un mutage après filtration tangentielle. Les quantités de SO 2 ajoutées lors du mutage sont, au sein de chaque essai, identiques pour toutes les modalités.
En fonction des conditions de mutage, les pouvoirs de combinaison des vins peuvent varier de plusieurs dizaines de milligrammes par litre. Ces écarts s'expliquent par des teneurs en éthanal différentes. Un mutage réalisé à froid, ou après filtration, donne les meilleurs résultats. A l'inverse, un mutage effectué sur un milieu en fermentation, sans traitement préalable, entraîne un accroissement du SO 2 combiné de 30 mg/l, à la suite d'une libération d'éthanal par les levures avant leur mort. Un mutage après soutirage et élimination des lies donne un résultat intermédiaire, l'augmentation du pouvoir de combinaison n'étant que de 10 mg/l.
Tous ces résultats montrent qu'une rationalisation de la vinification peut limiter de plusieurs dizaines de mg/l, voir même de plus de 100 mg/l, la combinaison du dioxyde de soufre dans les vins liquoreux.

Note de l'auteur : Nous remercions le château d'Yquem, et le Syndicat des crus classés de Sauternes et Barsac pour leur soutien technique et financier.


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