Comme nos voisins suisses et allemands, nous observons la réapparition de certains parasites secondaires dans le vignoble. Alsace, Bourgogne, Aquitaine et Midi-Pyrénées signalent des pyrales, cicadelles des grillures et autres thrips en recrudescence.
'Depuis que l'on n'utilise plus aucun neurotoxique, thrips, punaises vertes et cicadelles sont en recrudescence. On voit aussi des pyrales et des cigariers ', observe Jean Schwach, à la chambre d'agriculture du Haut-Rhin. D'abord, l'emploi généralisé des régulateurs de croissance - sur 60 % des vignes alsaciennes depuis une quinzaine d'années - a entraîné une diversification importante des parasites secondaires. Ensuite, on constate des cas de parasitisme unique très forts (cochenilles notamment) correspondant souvent à des vignobles où les traitements chimiques ont été abandonnés. ' Or, dans ce cas, roténone et purin d'ortie ne sont pas des solutions. '
On découvre des parcelles où toutes les feuilles sont mangées par les punaises vertes, alors que ce ravageur n'est même pas recensé comme parasite secondaire en France. Le raisin arrive difficilement à maturité. Et ce problème peut s'accroître d'année en année. ' Dans de tels cas, il est urgent d'intervenir avec un neurotoxique, organophosphoré ou carbamate. ' Jean Schwach tire la sonnette d'alarme : ' Abandon des traitements et des fertilisants... Il ne faut pas exagérer dans la douceur ! On voit de plus en plus de vignes faibles et fragiles. ' Les vignerons doivent également apprendre à reconnaître les insectes et leurs symptômes. ' Les jeunes ne connaissent pas les pyrales, car il n'y en a pas eu dans le vignoble depuis une vingtaine d'années. '
En Bourgogne, on assiste depuis deux ans à une remontée de la pyrale. ' On en avait au début des années 80, puis elles ont disparu. C'est un phénomène cyclique, note Claude Magnien, de la Protection des végétaux de Beaune (Côte-d'Or). On en a beaucoup vu l'année dernière en Côte-d'Or sans que les seuils de traitement soient atteints. ' Sur les huit dernières années, c'est le ravageur qui a le plus évolué. Et l'on ne peut pas expliquer son extension par la modification d'une pratique agricole ou des produits utilisés. ' En revanche, rappelle Claude Magnien, les acariens sont passés du statut de ravageur principal à celui de ravageur secondaire. Les typhlodromes ont bien recolonisé le milieu. C'est la conséquence directe de la mise en oeuvre de la protection raisonnée. ' D'ailleurs, pour comprendre les équilibres faunistiques dans les vignes, l'ITV de Beaune travaille depuis deux ans au recensement des ravageurs occasionnels, de leurs parasitoïdes et prédateurs. Mais à l'ITV, Gilles Sentenac avoue manquer de recul pour communiquer un premier état des lieux.
Dans le vignoble de Gaillac, la nouveauté c'est le thrips. Depuis trois ans, la population a augmenté et cette année, les premiers symptômes sont apparus. Le thrips fait de petites piqûres translucides sur les feuilles qui se nécrosent en bordure et finissent par se rabougrir.
' Avant, on ne parlait pas de thrips. Maintenant, on dit aux vignerons qu'il faut compter avec ', constate Solange Dremière, à la chambre d'agriculture de Gaillac. La population de cicadelles des grillures est, elle, plus importante mais stable. Les trois traitements annuels contre la flavescence dorée l'auraient-ils affectée ?
' En Midi-Pyrénées, le parasite secondaire qui s'est le plus développé au cours de ces cinq à six dernières campagnes, c'est le thrips. On a mis en place des essais, avec les sociétés phytosanitaires, pour tester l'efficacité de certains insecticides ', ajoute Bertrand Bourgoin, à la Protection des végétaux.
Les insectes se trouvent surtout en Armagnac, de façon localisée, mais également à Fronton, Gaillac, et un peu à Cahors. ' Cette recrudescence peut être due à un changement de calendrier de traitement, à un produit que l'on n'utilise plus, au cycle biologique du parasite, ou encore à un effet climatique. D'autant que ces dernières années sont très perturbées sur le plan climatique. '
Sur les vignes localement très attaquées l'année précédente, on préconise des traitements efficaces (Décis et Karaté sont les plus utilisés, Microméthyl, Maxicap et Orytis sont aussi homologués). ' L'important est de traiter précocement. Si la végétation est rabougrie, c'est déjà trop tard. '
Pour la première fois cette année, des attaques significatives de thrips ont été signalées à Madiran. Des populations ponctuellement importantes sont aussi observées depuis 1999 dans le Médoc et à Buzet, plus récemment dans l'Entre-deux-Mers. Toutefois, le thrips reste un ravageur secondaire en Aquitaine. Il menace juste de retarder le débourrement. De plus, Bernard Hermelont, à la Protection des végétaux d'Aquitaine, remarque que ' depuis le mois d'août, les cicadelles vertes sont très nombreuses, surtout par rapport à 2000 '. Tout le vignoble est touché, sans que l'on sache pourquoi. Il y aurait eu, dans certains cas, des traitements contre la flavescence dorée ou les vers de la grappe, mal positionnés vis-à-vis de la cicadelle verte. Avec les fortes chaleurs d'août, quelques grillures ont été notées. Mais les dégâts ne sont préjudiciables qu'en période de stress hydrique. Or, cette année, les réserves en eau des sols étaient suffisantes.
Tandis que certains spécialistes invoquent des raisons naturelles pour expliquer la réapparition de parasites ' oubliés ' (cycle de l'insecte, climat...), d'autres y voient la conséquence de pratiques raisonnées. ' On vit avec une faune beaucoup plus importante qu'avant. On revient à une situation plus naturelle, estime François Murisier, de la station viticole de Changins (Suisse), essentiellement du fait de l'évolution des pratiques, et secondairement pour des raisons climatiques. ' Dans ce pays où 50 % du vignoble est en confusion sexuelle, l'érinose refait surface, surtout dans les parcelles menées en bio. On voit des thrips, surtout en été, des punaises vertes dans le Tessin, des cochenilles chez les viticulteurs bio... Très localement, on traite contre la cicadelle verte ou le thrips lorsque les seuils sont dépassés. ' Mais est-ce vraiment grave sur le plan économique ?' Il faut se poser la question et chercher un moyen de lutte raisonnée si cela est nécessaire. ' Et surtout, ne pas revenir aux insecticides à large spectre. '