La taille est un travail demandant des connaissances, se faisant dans des conditions pénibles, et généralement mal rémunéré. Les difficultés parfois éprouvées pour trouver cette main-d'oeuvre saisonnière risquent de perdurer.
Certains domaines viticoles ont déjà rencontré quelques soucis pour trouver de la main-d'oeuvre destinée à la taille. Cet hiver, ces difficultés vont peut-être se renouveler. Ces besoins saisonniers sont inégaux selon les régions viticoles. Les situations sont également variables au sein même des régions, car la surface d'un domaine et le nombre de salariés permanents influencent le besoin d'embauches pour la taille.
Ces dernières années, beaucoup d'entreprises viticoles se sont étoffées et ont augmenté leurs surfaces, engendrant un accroissement de leurs besoins en main-d'oeuvre. Par ailleurs, il apparaît un net glissement de l'activité de certains vignerons vers le commerce. En contrepartie, ces derniers deviennent moins présents dans leurs vignes. Enfin, la mécanisation limite le nombre de saisonniers lors des vendanges. Ce personnel, habituellement disponible, ne peut plus travailler au cours des deux saisons et s'est donc dirigé vers un autre secteur. Les vendanges manuelles reviennent au goût du jour dans certains domaines, ce qui, peu à peu, fait revenir la main-d'oeuvre. Mais à l'ANPE (Agence nationale pour l'emploi) de Pauillac (Gironde), on parle d'un ' manque cruel de main-d'oeuvre qualifiée '. L'hiver passé, on y recherchait 216 personnes alors qu'il n'y avait que 74 demandeurs d'emploi.
Mais les vignerons éprouvant des difficultés pour trouver cette main-d'oeuvre sont nombreux à s'être tournés vers le travail ' au noir '. Cela pallie le problème ponctuellement, mais les inquiète. ' Certains reviennent en arrière. Ce type de travail est plutôt 'vite fait, mal fait' et pose des problèmes, à long terme, sur une tâche capitale pour la qualité du millésime ', avoue un professionnel dans le Val de Loire. ' Le vigneron économise en charges sociales, mais cela est compensé par des charges fiscales ', observe un responsable d'une ANPE régionale. L'incidence de la réduction du temps de travail n'est pas perçue partout, des petites entreprises n'y étant pas encore passées. Mais les entreprises déjà aux 35 heures n'ont pas forcément embauché en conséquence, ce qui n'arrange pas les choses.
De plus, ' le travail viticole détient une très mauvaise image, comme le bâtiment et la restauration ', précise une responsable dans une agence de l'ANPE. C'est un travail nécessitant une certaine qualification et beaucoup d'efforts, car il se déroule dans des circonstances rudes. Les salaires sont souvent dévalorisants. Le mode de rémunération de cette tâche pose aussi des problèmes. Selon la région et l'entreprise, l'ouvrier est payé au forfait ou au pied. S'il a un bon rythme, il cherchera un employeur qui le paie au pied. Les vignerons doivent réviser leurs tarifs pour garder leurs bons ouvriers. Sinon, ils ne trouveront personne.
' Les jeunes préfèrent livrer des colis en voiture et jouir d'une certaine liberté, plutôt que de se plier à ce type de tâche ', observe un professionnel. La population des tailleurs en activité est donc vieillissante. D'ailleurs, dans la vallée du Rhône, de nombreux retraités d'entreprises viticoles reprennent le travail pendant une période inférieure à cent jours, à condition que ce ne soit pas chez leur ancien employeur. Des formations sont mises en place pour remplacer les professionnels partis à la retraite. Toutes les régions ne se sont pas mobilisées pour en organiser. Dans certaines, les organismes comme l'ANPE, un lycée viticole et la chambre d'agriculture se sont associés pour créer des formations selon les fonds disponibles. Elles sont aussi destinées aux novices du monde viticole. Le FAFSEA propose des formations destinées au personnel des entreprises viticoles souhaitant se perfectionner.
La profession viticole s'est beaucoup intéressée à la main-d'oeuvre peu onéreuse, peu qualifiée et très disponible. Mais elle commence à être boudée par les travailleurs saisonniers qui, dans un contexte économique plus favorable, ont trouvé des emplois plus attractifs.