Grapescan donne de nombreuses informations sur la vendange. Mais avant d'envisager un paiement différencié, les caves doivent l'avoir bien en main, et engranger assez de données sur leurs cépages pour interpréter ses résultats.
Grapescan est un analyseur infrarouge qui délivre, en moins de deux minutes, une analyse complète de la vendange. Alors qu'on parle de paiement à la qualité, il séduit car en plus du taux de sucres, de l'acidité totale, du pH, des acides tartrique et malique, des composés phénoliques, des anthocyanes, de l'azote assimilable ou du potassium, cet appareil évalue objectivement l'état sanitaire du raisin à l'aide des indices botrytis, pourriture acide et activité fermentaire.
Matthieu Dubernet, du laboratoire Dubernet à Narbonne, s'est investi dans le développement de cet outil. Pour lui, les indices sanitaires fonctionnent, sauf en Bordelais où l'évaluation du botrytis est à retravailler. Pourtant, à la cave de Rauzan (Gironde), William Brisset semble satisfait, mais l'indice utilisé, englobant le botrytis, la pourriture acide et l'activité fermentaire, a été modifié, en pondérant chacun de ses composants.
A la coopérative de Baixas (Pyrénées-Orientales), comme à la Chablisienne, un gros travail de calibrage de l'appareil est réalisé afin de coller aux spécificités locales et d'affiner les résultats. Mais pour Philippe Birolleau, à Chablis, ' cette méthode est la plus sûre aujourd'hui pour juger de la qualité de la vendange '. Jacques Rousseau, à l'ICV, est plus réservé. Il observe une dispersion importante entre la notation visuelle et l'indice botrytis, et remarque que le marselan donne des résultats aberrants. A Tuchan (Aude), la cave hésite à investir dans cet outil coûteux après une première campagne décevante. ' Nous avons besoin d'une autre campagne d'essais , annonce Jérôme Colas. Peut-être n'est-ce qu'une question de prise en main . '
La cave de Rauzan travaille sur un autre marqueur de la qualité plutôt prometteur, la teneur en anthocyanes. Pour l'exploiter, elle a mis au point un protocole de préparation des échantillons avec broyage des raisins.
' On ne peut comparer que des voyages d'un même cépage, et sur une région homogène ', avertit Matthieu Dubernet. La cave doit donc réaliser un calibrage par cépage. Cependant, l'ICV note que dans ses essais, le temps de transport et l'état de la vendange influent sur le résultat. ' Avec Grapescan, il faut maîtriser les apports ', conclut Jacques Rousseau.
La liste des analyses réalisées par Grapescan ouvre de nouvelles perspectives. La cave de Baixas travaille sur un indice eudémis. ' On a des marqueurs. On sait qu'une attaque est corrélée à un taux de sucres élevé, un début de piqûre acétique, une acidité élevée et beaucoup de couleur. Avec cet indice, on pourra aiguiller les apports vers une vinification adaptée ', explique Robert Martin. A Rauzan, on tente de relier les observations au vignoble aux données de Grapescan. ' Aujourd'hui, on isole le mauvais. Demain, il faudra comprendre d'où il vient pour l'éviter ', commente William Brisset. Mais Jacques Rousseau insiste : ' Grapescan ne remplacera pas la sélection au vignoble. Il aidera à segmenter les apports en deux ou trois lots '.
Face aux quelques ratés, Matthieu Dubernet avance que les mauvaises manipulations constituent le premier problème de Grapescan. ' Une formation des utilisateurs est nécessaire ', juge-t-il. Il ajoute que même si des ajustements restent à faire, comme sur l'acide tartrique, le potentiel de cette méthode analytique est immense.