Philippe Bardet tente de reconstituer des équilibres biologiques en jouant sur les essences implantées autour de ses parcelles et sur l'enherbement spontané.
'Favoriser les populations de typhlodromes a permis de limiter la prolifération des acariens, témoigne Philippe Bardet, vigneron girondin. Mais ce qui a été possible avec les acariens l'est sans doute avec d'autres parasites. Pour rétablir un écosystème, il faut d'abord des plantes hôtes autres que la vigne. C'est bien connu, les écosystèmes les plus riches sont les bocages. En 1996, j'ai décidé de réimplanter des haies autour de mes parcelles. Je me suis rapproché de l'Enita (Ecole nationale d'ingénieurs des travaux agricoles) pour y trouver conseil. ' Il existait alors peu d'information sur ce sujet. Aidé par un enseignant, Maarten Van Helden, Philippe Bardet va progresser dans cette direction.
' En observant ce qui se passe autour et dans des haies existantes, notamment les insectes qu'on y trouve, on commence à avoir des idées sur les essences à planter et sur celles à éviter. L'observation, c'est la clé de voûte de tout. Par exemple, le genévrier ou certains conifères, comme le pin noir d'Autriche, permettent la survie des adultes hivernant de la cicadelle des grillures. Je les ai donc arrachés. Au contraire, sur le figuier se trouve une cicadelle cousine d' Empoasca vitis, avec des stades un peu décalés, mais qui ne parasite pas la vigne. ' Elle favorisera la présence de parasites des cicadelles, les anagrus ( Anagrus Atomus).
Désormais, chaque fois qu'il plante une parcelle, Philippe Bardet prévoit une haie. Il teste différentes essences, en s'inspirant de ce qu'il trouve dans les haies existantes. ' Il faut compter dix ans avant qu'une haie soit opérationnelle ! ' Mais avant tout, il essaie de comprendre la bioclimatologie de sa parcelle. ' Il faut éviter de favoriser les gelées en gênant l'écoulement de l'air froid. De plus, une haie crée une évapotranspiration qui peut entraîner un refroidissement. Les haies implantées nord-sud, placées à côté d'un rang de vignes, doivent être rognées pour ne pas trop ombrager la parcelle. '
Mais le maillage des haies n'est pas le seul élément favorable à l'implantation d'une faune auxiliaire variée. L'écosystème est consolidé par un enherbement spontané ' qui va donner du fourrage aux insectes. Car ils se nourrissent de pollen en phase juvénile. Par rapport au risque de gelées, on essaie de tondre le plus tard possible, pour avoir du pollen . ' Un rang sur deux est coupé afin de préserver des zones pour les insectes.
Les résultats sont là. ' Cette année, pour la première fois, je n'ai pas fait de traitement cicadelle. ' La recolonisation passive des parasitoïdes et de différents insectes a une autre incidence. ' Il y a trois ou quatre ans, nous avons remarqué que les martinets n'étaient présents qu'au-dessus de nos parcelles. '
Ces oiseaux, insectivores, trouvaient là leur nourriture. Des mésanges, des rouges-gorges, des queues rouges... trente-cinq espèces d'oiseaux ont été répertoriées dans les parcelles de vignes de Philippe Bardet.
Mais sachant que les cicadelles ont un vol crépusculaire et nocturne, pour éviter que des adultes ailés ne colonisent ses parcelles, il a installé des dortoirs à chauves-souris. Et lorsqu'il restaure une maison, il aménage dans les toits ' des maternités à chauves-souris '. ' Pour s'installer dans un milieu, elles doivent y trouver à manger et pouvoir s'y reproduire ', explique-t-il.
S'il connait mieux les cicadelles, Philippe Bardet veut comprendre aujourd'hui ce qui se passe dans le sol. ' Dans certaines parcelles, l'analyse du sol indique une carence en acide phosphorique alors que l'analyse pétiolaire montre que la plante en est largement pourvue. Est-ce un problème analytique ou une conséquence de la présence de mycorhizes ? ' Il cherche des partenaires pour travailler sur ce sujet.