Les dix premiers mois 2001 montrent une reprise des exportations de vins français vers le Japon. Ce timide essor ne profite pas au cognac qui souffre toujours de la crise nippone.
Un litre de vin pour deux litres de spiritueux : il ne s'agit pas d'une nouvelle recette de cocktail, mais de la quantité bue par un Japonais adulte au cours de l'année 1989. Dix ans plus tard, la consommation de vin est devenue aussi importante que celle d'alcool. Elle s'élève, en moyenne, à 2,5 l/an/adulte. ' Depuis le début de la décennie 90, le marché japonais des spiritueux est en déclin. Le détournement de la consommation de produits distillés au profit de produits de vinification s'accentue d'année en année ', analyse le CFCE (Centre français du commerce extérieur).
L'histoire d'amour tissée entre les Japonais et nos vins n'est pas un long fleuve tranquille. Toutefois, la situation se normalise. Le surplus engrangé en 1998 est presque écoulé. ' Le déstockage, qui aura duré près de deux ans, a été marqué par des ventes à perte pratiquées par certains importateurs. Cela a perturbé le marché du vin, surtout au niveau des prix ', témoigne un opérateur. Autre changement observé : la situation économique peu favorable a plombé les dépenses de consommation des ménages, ce qui explique les mauvais résultats du cognac, considéré comme un produit cher. Pour l'eau-de-vie charentaise, ce pays est passé de la deuxième place mondiale en 1997-1998 (32 755 hl d'alcool pur) à la quatrième en 2000-2001 (16 340 hl d'alcool pur).
Les perspectives sont plus favorables aux vins. D'une part, la dive bouteille est rentrée dans les habitudes de consommation, notamment chez les jeunes et les femmes. D'autre part, les circuits d'importation et de distribution se sont simplifiés. A côté du schéma traditionnel (importateurs, grossistes, détaillants) qui cumule les prises de marges, on voit apparaître des distributeurs, leaders mondiaux (Carrefour, Costco...), assez puissants pour avoir une structure d'importation directe. Pour les experts du CFCE, cela ' devrait favoriser en réaction des modifications dans la gestion des rayons de vins par les chaînes de grandes surfaces japonaises '.
Sur les dix premiers mois 2001, les exportations de vins français vers le Japon ont progressé de 16 % en volume et de 13,5 % en valeur. Les côtes du Rhône (17 155 hl exportés en 2000) font partie des meilleures progressions en valeur (23 % à fin octobre 2001). L'interprofession mise sur la formation des prescripteurs : acheteurs en grande distribution, importateurs, mais aussi restaurateurs, sommeliers... Elle a monté un dossier pour bénéficier de fonds européens. ' Pour obtenir ce crédit, il fallait réunir trois conditions : faire de la promotion collective, s'associer avec au moins deux régions européennes, viser un pays tiers ', explique Emmanuel Drion, directeur d'Inter Rhône. Les vins des côtes du Rhône se sont donc rapprochés de ceux d'Alsace et de Jerez - deux produits qui ne sont pas concurrents - pour mener une opération de formation vers les CHR (cafés, hôtels, restaurants) japonais. L'enveloppe consentie s'élève à 457 347 euros (3 MF), à répartir entre les partenaires sur trois ans.
Les vins de Bourgogne (61 172 hl exportés en 2000) jouent aussi la carte de la formation des prescripteurs : voyages de presse à l'occasion des Grands jours en mars, séminaires de dégustation lors de Vinexpo Tokyo au mois de juin 2002...
En revanche, d'autres sont passés à la vitesse supérieure avec une communication tournée vers le grand public. C'est le cas des vins du Beaujolais (65 753 hl exportés en 2000). L'UIVB (Union interprofessionnelle des vins du Beaujolais) organise une dégustation gratuite de ces AOC, en avril à l'occasion de la fête des fleurs. La manifestation, qui se déroulera dans l'un des plus grands parcs de la capitale, vise 10 000 personnes. ' Bien que jeune, ce marché est déjà très mature, affirme Michel Deflache de l'UIVB. Il s'est ouvert au beaujolais nouveau en 1980, mais s'intéresse déjà à toute la gamme de cette région. '
Même type d'analyse à Bordeaux (123 042 hl exportés en 2000). L'interprofession prépare la sortie d'un nouveau visuel pour sa campagne d'affichage. Après avoir ciblé les jeunes femmes actives, les Bordelais s'attaquent aux Nippons de plus de 40 ans et de niveau social élevé. Cette communication par voie d'affichage sera complétée par un spot télévisuel de dix secondes, en préparation. De quoi accompagner le développement de la consommation de vin hors et à l'intérieur du foyer...