Dernier examen avant l'agrément, la dégustation est aussi l'épreuve la plus subjective.
'Avec une analyse, la situation est simple : on est au-dessus ou au-dessous du seuil fixé. En dégustation, les choses se corsent. Prenons un vin moyen : placé dans une série médiocre, il sera accepté alors qu'il risque d'être recalé s'il est au milieu de très bons vins. Autre exemple : pour un même défaut, les qualificatifs peuvent être différents selon les dégustateurs. Difficile alors, en cas d'ajournement, de justifier clairement la décision ! ' reconnaît un président de syndicat.
Ces réflexions posent plusieurs problèmes, à savoir la formation des dégustateurs pour s'accorder sur les mots, l'élimination des dégustateurs atypiques et les effets millésimes à repréciser chaque année pour caler tout le monde. En Savoie, les nouveaux dégustateurs sont invités à participer à quatre ou cinq dégustations d'agrément dans l'année. Ils écoutent, ils apprennent, mais ils ne votent pas. Dans d'autres régions, des cessions de formation spécifiques sont organisées pour les nouveaux participants. ' Nous leur apprennons à reconnaître les défauts pouvant justifier un ajournement. Le manque de typicité en fait partie. Nous leur faisons donc aussi goûter des vins de table ou des vins de pays afin qu'ils fassent la différence avec les vins de l'appellation revendiquée ', explique-t-on dans les côtes du Rhône. Dans cette région où 600 à 800 dégustateurs sont mobilisés à chaque campagne, la formation continue est aussi de mise. En novembre 2001, plus de vingt réunions décentralisées, rassemblant 30 dégustateurs chacune, ont été organisées. Elles sont l'occasion de présenter le millésime et de rappeler quels sont les défauts les plus fréquents, travaux pratiques à l'appui. De nombreuses régions organisent ce type de rendez-vous annuels et certaines envisagent même de les rendre obligatoires.
L'élimination des dégustateurs atypiques est une autre piste à creuser. Certains syndicats, comme Saint-Emilion, intercalent systématiquement un échantillon témoin anonyme dans les séries pour tester les dégustateurs. D'autres, comme les côtes du Rhône, choisissent de séparer les dégustateurs d'un même jury. ' Cela les oblige à goûter seuls et élimine le risque qu'un jury soit influencé par une personnalité dominante ! En revanche, une fois les fiches rendues, ils peuvent confronter leurs opinions. C'est vivement conseillé car cela contribue à les former , précise un responsable. Nous mettons aussi en place un suivi qualité des dégustateurs. Si l'un d'entre eux a des notes marginales comparées aux autres, nous regardons ce qu'il en est sur l'année pour voir si cela se reproduit systématiquement ou pas. Eventuellement, nous regoûtons le vin pour nous faire un avis. Nous devons maintenant décider de la conduite à tenir vis-à-vis de ces dégustateurs hors normes. '
L'objectif de la dégustation n'est pas uniquement d'éliminer les vins à défaut. On doit aussi, en principe, juger de la typicité du vin dans l'appellation revendiquée. Sur le principe, tout le monde est d'accord. Mais pour pouvoir dire qu'un vin n'est pas typique, encore faut-il avoir défini clairement la typicité de l'appellation, ce qui n'est pas chose facile. ' Un bergerac blanc sec peut être constitué de sauvignon pur, frais et fruité, de sémillon élevé en fûts, ce qui donne un vin très gras, ou encore d'un assemblage des différents cépages autorisés. Difficile dans ce cas de codifier les choses ! ' remarque-t-on à la fédération des vins. L'élevage en fûts dans des appellations qui n'en ont plus l'habitude, l'utilisation de la micro-oxygénation, l'extraction poussée à l'extrême... autant de techniques de vinifications qui peuvent dérouter les jurys. ' L'idée est de donner un descriptif a minima de l'appellation ', indique-t-on à l'Inao. Une idée qui laisse les professionnels sceptiques. ' A vouloir tout cadrer, on va finir par standardiser l'appellation. Or, il faut nous laisser une marge de manoeuvre suffisante pour travailler et évoluer ', prévient un Bourguignon.