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Laon aux XII-XIII siècles

La vigne - n°129 - février 2002 - page 0

Un livre d'Alain Saint-Denis, écrit il y a quelques années, confirme l'importance du vignoble de Laon (Aisne) à l'époque de Philippe Auguste et de Saint-Louis (1).

Les villages serrés qui s'accrochent sur les flancs de la butte de Laon ont su, dès le Moyen Age, tirer parti de leur position topographique pour établir des vergers, des vignes et des jardins sur les pentes calcaires, pour repousser les prairies dans les fonds humides des vallées, et pour cultiver les blés sur les riches limons de la plaine picarde. Le vignoble s'est d'abord développé sur les pentes exposées au sud et au sud-est, là où coulent les petites rivières de l'Ardon et de l'Ailette, sans oublier la dépression plus lointaine de l'Aisne.
La vigne s'est surtout imposée au XII e siècle avec une multitude de petits défrichements qui s'échelonnent de 1140 à 1180 environ. Au XIII e siècle, on se contente de faire disparaître quelques friches intermédiaires. Cette expansion est due avant tout au formidable appel des provinces du nord, principalement Flandre et Hainaut, qui ont trouvé là, à une centaine de kilomètres de leurs importants centres urbains, le meilleur vignoble de butte de la viticulture septentrionale et, en même temps, le plus facile à atteindre par charrois.
Ce sont les établissements ecclésiastiques de la ville épiscopale et les bourgeois qui ont mené le mouvement, les terres à défricher étant données à des vignerons soumis au partage par moitié de la récolte. Ainsi, dès le milieu du XII e siècle, les chanoises de l'abbaye de Saint-Martin tirent 3 000 muids de vin (de 200 l environ) de leurs vignes. Grâce à l'utilisation des fumiers et des amendements marno-calcaires, les rendements sont élevés pour l'époque. Les vignes sont closes de murets et parfois édifiées sur d'étroites lanières en terrasses appelées faisses.

Chaque pièce de vigne varie de 4 à 20 ares, les petits paysans indépendants n'ayant que 2 ares environ. Cette petite propriété est aussi le fait d'artisans et de petits commerçants qui recherchent le prestige de la vigne et qui n'hésitent pas à défricher les terres moins bien situées au nord et à l'ouest de la ville.
Les vins du Laonnais sont avant tout des blancs. Les plus communs sont produits par un cépage nommé aubier (peut-être l'aubin vert de Lorraine), les plus réputés sont fournis par le fromenteau (pinot gris). Les premiers sont élaborés par les petits vignerons et par tous ceux qui recherchent déjà la quantité, les seconds proviennent des meilleurs terroirs des abbayes. D'ailleurs, les ecclésiastiques prennent soin d'échelonner les dates de vendanges en fonction du degré de maturité. Le vin rouge est plus rare et moins prisé ; c'est une boisson destinée aux ouvriers et aux domestiques. Seules quelques abbayes qui ont des clos dans la vallée de l'Aisne sont réputées pour leurs rouges. Souvent, les rouges ne sont que des blancs colorés avec des produits végétaux, comme les baies de sureau.
Pour parler de la qualité, une donnée ne trompe pas, les prix. En 1274, les meilleurs vins, les blancs de fromenteau, se paient 48 sous le muid. Ils sont produits par les meilleurs clos des abbayes, ceux que l'on vendange ' quand le maître le voudra '.

Une seconde qualité (mélange d'aubier et de fromenteau) atteint les 15 sous, tandis que le plus mauvais vin, le rouge ne s'adjuge qu'à 6 sous. De 6 à 48 sous, le rapport est de 1 à 8, un écart respectable quand on sait qu'ordinairement, dans la plupart des vignobles, l'échelle varie seulement de 1 à 5. Ce sont les bons vins qui prenaient le chemin des provinces lointaines, généralement dans de grands tonneaux de 900 l environ.
Au XIII e siècle, le renom des vins de Laon est si grand que des bourgeois des villes voisines, des châtelains, des abbayes lointaines de Thiérache, de Picardie, de Flandre, des propriétaires de Reims, recherchent la propriété de vignes en Laonnais. On retrouve même l'abbaye de la Sauve-Majeure, dans l'Entre-deux-Mers, propriétaire de vignes et d'un vendangeoir à Laniscourt (au sud-ouest de Laon) pour fournir du vin aux frères de leur prieuré de Gizy, situé hors de la zone de production, dans la plaine de Sissonne, en Champagne sèche, qu'on appelait ' pouilleuse '.

(1) Alain Saint-Denis, Apogée d'une cité. Laon et le Laonnais aux XII et XIII e siècles, Nancy, 1994, 652 pages.

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