A travers le réseau Toxicovigilance mis en place en 1998, la MSA recueille les témoignages de personnes ayant eu des problèmes de santé à la suite de l'exposition aux phytos. Ce réseau aide à revoir certaines consignes de sécurité.
D'après la MSA, les vignerons sont parmi les plus exposés aux produits phytosanitaires au sein du monde agricole. Pourquoi ? Sûrement parce qu'ils effectuent, en majorité, leurs traitements avec des tracteurs sans cabine. Notre filière est également l'un des secteurs agricoles où l'on traite le plus. Certaines mesures de sécurité pourraient être améliorées avec une meilleure connaissance des produits. C'est notamment pour cela que la MSA a mis en place, en 1998, le réseau Toxicovigilance. Elle recueille des témoignages anonymes d'agriculteurs souffrant de maux, éven- tuellement dus à l'utilisation de produits phytosanitaires.
D'après cette étude, 14 % des intoxications ont lieu au moment de la préparation des produits, 28 % lors du traitement et 16 % en intervenant dans la culture à la suite de la pulvérisation. ' Les 250 déclarations annuelles d'intoxication ne représentent que la partie visible de l'iceberg , soupçonne Jean-Pierre Grillet, médecin conseiller technique national de la MSA. Depuis vingt ans, 20 % des personnes enquêtées déclarent présenter des troubles qu'ils rattachent à leur exposition aux phytos. Même en minimisant ce pourcentage (aucune expertise individuelle ne tranche sur le lien de cause à effet), sur environ 500 000 professionnels de l'agriculture potentiellement exposés aux phytos, on s'attendrait à recenser plusieurs milliers de déclarations ! ' Le réseau est principalement composé des témoignages recueillis lors des visites médicales annuelles des employés agricoles. Un quart des déclarations sont faites spontanément, émanant souvent des chefs d'exploitation. Avec la création de la nouvelle assurance maladie (Aaexa), le spectre d'action du réseau devrait donc s'élargir à eux.
Les cas déclarés ne sont pas tous dus à une mauvaise protection. ' Nous ne voulons pas nous enfermer dans le discours binaire des firmes recommandant de se protéger. Nous savons qu'il est difficile de faire porter une tenue d'astronaute à un vigneron traitant sous le soleil. Nous disposons d'autres moyens de prévention ', précise Jean-Pierre Grillet.
Même avec une protection raisonnable, les professionnels sont exposés aux risques encore mal connus des phytos. Le réseau contribue à l'identification de ces risques. Il est impératif de déclarer tout ce qui, a priori, peut être induit par l'exposition aux produits. ' Il ne faut surtout pas se censurer. C'est cela le principe d'une vigilance ', insiste Jean-Pierre Grillet. La MSA veut sensibiliser les médecins généralistes, surtout en milieu rural, pour qu'ils alimentent le réseau. Une autre voie pourrait passer par les femmes des agriculteurs, plus à l'écoute des problèmes de santé que leurs maris !
' Nous ne pouvons pas tirer tous les enseignements sur les phytos grâce à ce réseau. Il met en évidence leurs effets aigus. Concernant les effets chroniques, une enquête transversale sur une population plus large est nécessaire ', explique Didier Depernet, médecin et directeur de la sécurité du travail à la MSA en Champagne.
Pour établir des liens entre les intoxications chroniques dues à la viticulture, il faudrait que les retraités de cette activité aient le réflexe de les déclarer à la MSA. Citons quelques maladies à long terme trouvées plus fréquemment chez les professionnels agricoles : leucémie à tricholeucocytes, maladie de Parkinson, altération des fonctions cognitives et lymphomes. La MSA s'intéresse également aux interactions entre les différentes matières actives auxquelles sont exposées les vignerons, phénomènes qui ne sont pas réalisés lors de l'homologation du produit. Seul, ce réseau peut mettre en évidence les méfaits de ces cocktails, comme leurs interactions avec certains médicaments.
La MSA signale donc tout enseignement issu du réseau au moment de la réhomologation des produits. Des consignes de sécurité peuvent ensuite être revues. Une charte graphique pourrait être imposée pour l'information des consignes de sécurité sur les étiquettes de produits. On envisage d'imposer le port de gants aux personnes venant travailler au champ durant les premiers jours qui suivent un traitement. Un délai de non-intervention est aussi envisagé sur les parcelles traitées.
' Les applicateurs ne sont pas assez pris en compte face aux problèmes induits par les produits phytosanitaires, contrairement aux consommateurs. Ce réseau doit servir à alimenter un contre-pouvoir face aux firmes ', conclut Jean-Pierre Grillet.