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La qualité du bois de chêne

La vigne - n°130 - mars 2002 - page 0

Les vertus du bois de chêne s'expliquent principalement par son origine et son espèce. Son grain en découlerait en grande partie. Ces critères pèsent lors du choix des fûts.

Personne n'a de recette universelle pour réussir le boisé idéal. Quoi de plus normal, puisque le boisé parfait est une histoire de goût. Les réactions qui se produisent lorsqu'un vin vieilli en fûts sont complexes et, pour certaines, encore inconnues. Pourtant, il existe des critères de qualité du bois qui aident le vinificateur à choisir ses barriques. Ces facteurs ont une influence sur les cinétiques des réactions, mais aussi sur l'intensité et la qualité du boisé.
Ce sont tout d'abord les caractéristiques de l'espèce de chêne qui départagent les fûts. L'ITV (Institut technique de la vigne et du vin) de Beaune (Côte-d'Or) a effectué des comparaisons entre des fûts provenant de deux espèces issues de la forêt de Cîteaux (Bourgogne) : le chêne sessile ( Quercus petraea) et le chêne pédonculé (Quercus robur). Les vins de Meursault et de Mercurey, élevés en fûts de chêne sessile, ont été préférés, leur boisé étant davantage marqué par la noix de coco, le café et la réglisse. Cette expérience a montré que le chêne sessile libère beaucoup plus de whisky-lactone, à l'odeur de noix de coco et de bois frais, dont le seuil de perception est très bas. En revanche, les vins élevés dans des fûts issus du chêne pédonculé manquaient de finesse. La vanille s'effaçait derrière les notes de sciure et de planche verte. Une amertume tenace et une sécheresse leur étaient aussi reprochées. Le chêne pédonculé transmettrait plus d'ellagitannins, responsables de ce défaut. De façon surprenante, à l'issue des six premiers mois d'élevage, ce sont plutôt les vins issus des fûts en chêne pédonculé qui étaient préférés. Le chêne pédonculé se prête donc bien aux élevages de courte durée.
Le lien entre les teneurs des arômes dans le bois et dans le vin a été effectué. Mais cette relation n'est pas systématique. Il reste encore des molécules inconnues participant au boisé.

Les principales molécules connues sont de la famille des lactones (comme la whisky-lactone), des aldéhydes phénols (la vanilline à odeur de vanille) et les phénols volatiles (l'eugénol rappelant le clou de girofle). L'ONF (Office national des forêts) et l'Ensbana (Ecole nationale de biologie appliquée à la nutrition et à l'alimentation), à Dijon, ont effectué une étude consistant à flairer des copeaux de chêne. Ils ont confirmé que l'espèce est un facteur significatif au sein d'une forêt mixte et entre forêts différentes. En général, le bois de chêne sessile développe plus d'arômes de noix de coco et de vanille et moins d'arômes de foin que le chêne pédonculé.
Mais pour une même espèce, il y a le facteur géographique à prendre en compte. Selon la forêt, les teneurs en certaines molécules aromatiques varient. Dans une forêt mixte, ces teneurs sont peu différentes entre chênes sessile et pédonculé. L'influence de l'origine n'est pas encore expliquée (effets du milieu, de la sylviculture...). De plus, entre différents arbres d'une même forêt, il y a des nuances. Le chêne sessile est plus marqué par cette variation interindividuelle.
Un autre facteur de qualité du bois est la finesse du grain, qui correspond à la largeur des cernes annuels. Les douelles à grains fins cèdent plus vite le caractère boisé. A l'Ensbana, on a montré que l'intensité de l'arôme de vanille du bois diminue avec la largeur des cernes et augmente avec l'âge de l'arbre. Au cours des premiers mois d'élevage, ce serait le grain qui différencie le plus les fûts, d'après l'ITV. Ensuite, l'origine du bois s'affirme. Au bout de quelques mois d'élevage, les fûts à grains fins donnent le boisé le plus agréable. Mais après, la tendance s'inverse, car leur boisé devient excessif et parfois accompagné d'une amertume. Au terme d'un long élevage, les fûts à gros grains sont préférés. Mais ce comportement n'est pas généralisable à toutes les forêts et serait lié à l'origine du bois. Il reste à savoir si l'espèce du chêne s'estompe aussi avec l'élevage, pour laisser place à l'effet de l'origine. Dans ce cas, on comprend l'intérêt de la traçabilité des douelles de chêne.
La notion de grain n'est pas suffisante pour définir un bois. En effet, le grain est le plus souvent lié à l'espèce : le bois à grains fins est généralement issu de chênes sessiles et celui à gros grains issu plutôt de chênes pédonculés.
Après ces caractères intrinsèques, la fabrication des fûts a son importance. Le débitage, le fendage et le séchage jouent sur la qualité du bois. Le chêne américain ( Quercus alba), de par sa structure, donne des fûts étanches, même s'il est scié. Le séchage et le brûlage sont les étapes pendant lesquelles le potentiel olfactif du bois augmente le plus. C'est donc le savoir-faire des tonneliers qui entre en jeu.

La date d'entonnage du vin joue sur la qualité du boisé. En effet, durant la fin de la fermentation alcoolique des vins blancs ou la fermentation malolactique des rouges, les micro-organismes libèrent des précurseurs d'arômes provenant du bois. Des décarboxylations révèlent le vinyl-4-gaïacol (odeur d'épicé et de fumé) ou le gaïacol (odeur de fumé) dont les seuils de perception sont très bas. En revanche, la vanilline, dont la teneur dépend de l'intensité du brûlage, est réduite en alcool vanillique, qui est pratiquement inodore.
Connaître le type de bois avec lequel marier son vin est une chose. Encore faudrait-il l'adapter au millésime. ' Malheureusement, les commandes de barriques se font généralement au printemps, alors que les vinificateurs ne connaissent pas les caractéristiques du prochain millésime ', regrette Jean-Louis Puech, de l'Inra de Montpellier.



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