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Maturation : un équilibre entre feuilles et fruits

La vigne - n°131 - avril 2002 - page 0

Il faut au minimum 1 m de feuillage exposé au soleil pour faire mûrir correctement 1 kg de raisin. Pour certains cépages, lors d'années de maturation difficile, 2 m de feuillage par kg sont nécessaires. Ces données proviennent d'un réseau national d'observation de l'Institut technique de la vigne et du vin.

En Suisse, sur gamay et chasselas, l'augmentation du rapport feuille sur fruit apporte un gain en sucres jusqu'à un seuil de 1 à 1,4 m² de feuillage exposé au soleil par kg de raisin. L'augmentation de la hauteur du feuillage et le contrôle du rendement permettent donc un gain qualitatif direct.
Afin d'adapter cette approche au contexte national et d'étendre les informations à d'autres variables qualitatives, l'ITV a mis en place un programme d'expérimentation. Le réseau national d'étude s'étend sur les vignobles du Languedoc, de Midi-Pyrénées, de la Savoie, du Val de Loire, du Bordelais et, récemment, de l'Alsace. Les cépages étudiés sont les suivants : grenache, mourvèdre, cot, négrette, colombard, mondeuse, grolleau, merlot, cabernet sauvignon et riesling.
Le dispositif est similaire dans chaque région : un même cépage est étudié sur deux à quatre terroirs contrastés. Sur chaque site, on induit une variation du rapport feuille/fruit par la hauteur de rognage et par la suppression de grappes. Les essais ont confirmé, sur plusieurs millésimes, l'action positive de l'augmentation de ce rapport sur le taux de sucres. Toutefois, quelques exceptions sont notées. Dans les zones où l'alimentation hydrique et l'ensoleillement sont abondants, le grenache n'y est pas sensible. En revanche, il réagit positivement à l'augmentation du rapport dans les zones plus septentrionales.

L'effet constaté sur les sucres pourrait évoquer un simple décalage de maturité. Cependant, l'acidité n'est pas autant liée au rapport feuille/fruit que le sucre. Elle ne baisse pas forcément lorsque ce rapport progresse. Cette tendance avait été notée sur le réseau national Modèle qualité, où l'acidité totale était principalement liée à la vigueur de la parcelle. Dans les essais de l'ITV, seuls les cépages à forte acidité que sont le colombard et riesling, ont montré une bonne corrélation entre l'acidité totale et le rapport feuille/fruit. A la vendange, sur rouges, les premiers résultats sont très encourageants pour le potentiel polyphénolique et les anthocyanes. Certains cépages, comme le mourvèdre, le cot et le grolleau, présentent des corrélations positives significatives. L'effet sur grenache et mondeuse est moins systématique ; il semble dépendre des conditions climatiques et de l'alimentation en eau.
L'avantage est conservé sur vins finis. Pour tous les sites, leur intensité colorante (IC) augmente avec le rapport feuille/fruit. Elle atteint un seuil qui est proche de celui de la courbe de sucre dans les baies. Cette hausse est, là encore, plus ou moins importante selon les cépages. Par ailleurs, l'indice de polyphénols totaux (IPT) affiche des réactions très proches de l'IC. Lors des dégustations, les vins issus des rapports feuille/fruit les plus faibles obtiennent les notes les plus basses. Sur le plan aromatique et de la concentration en bouche, ils sont en général jugés dilués et maigres. En revanche, concernant les rapports les plus hauts, les résultats diffèrent selon les cépages et selon les millésimes. Certains vins ont été jugés trop tanniques ou plus fermés en première année de dégustation. Il a également été observé que les cépages ont des réactions variables. En année de maturation difficile (1999), le mourvèdre nécessite un rapport important (> 2 m²/kg) pour produire des raisins de bonne qualité, quel que soit le terroir. En revanche, en 2000 et 2001 où la maturation eut lieu sous un climat chaud et sec, les terroirs se sont différenciés. Le raisin du terroir équilibré atteint un seuil qualitatif pour un rapport feuille/fruit se situant autour de 1,3. En revanche, dans le terroir vigoureux, le rapport de 1,5 ne semble pas être suffisant. La teneur en sucres et en polyphénols totaux doit encore progresser au-delà de ce seuil.
Dans les essais de l'ITV, le duras est implanté dans deux terroirs très différents quant à l'approvisionnement en eau qu'ils offrent à la vigne. Là où un fort stress hydrique durant la véraison et la maturation (en 2000) a bloqué l'accumulation des sucres, l'ITV a tout de même noté un effet améliorateur des hauts rapports feuille/fruit sur la teneur en sucres. Cependant, la teneur en anthocyanes n'a pas été augmentée.
Avec le colombard, la réponse des sucres à l'augmentation du rapport feuille/fruit est plus importante dans le terroir fertile. Les vins des rapports hauts sont aussi mieux appréciés. Dans le terroir sec, la teneur en sucres est moins influencée par le rapport feuille/fruit et le gain qualitatif est aussi moins évident sur les vins. Enfin, sur ce cépage à forte acidité, l'acidité totale diminue avec l'augmentation du rapport feuille/fruit dans la majorité des cas.
En résumé, dans les essais de l'ITV, l'effet du rapport feuille/fruit sur le sucre est confirmé. Il apparaît aussi sur la couleur de la vendange et des vins. Par contre, l'acidité totale est peu liée à ce critère, excepté sur quelques cépages à très forte acidité. L'obtention d'un rapport feuille/fruit élevé est d'autant plus important que la situation est défavorable à une bonne maturation. Les vins issus des faibles rapports (inférieurs à 1) sont jugés maigres et peu concentrés.

Ces premiers résultats sont à conforter par des données obtenues lors d'années différentes sur le plan climatique, ce qui devrait permettre à l'ITV de préconiser des valeurs seuils du rapport surface foliaire exposée/rendement.
Pour l'heure, il est important de retenir que pour une bonne maturation du raisin, il est indispensable de maintenir un rapport feuille/fruit supérieur à 1 (1,5 pour certains cépages), par une haie foliaire suffisamment haute et un rendement maîtrisé. La maîtrise du rendement est ici obtenue par éclaircissage de grappes, mais elle doit avant tout être réalisée en amont (choix du matériel végétal, taille appropriée, maîtrise de la vigueur, l'ébourgeonnage). De plus, il ne faut pas oublier d'éviter les entassements de végétation. Les lecteurs soucieux d'obtenir une information plus complète sont invités sur le stand de l'ITV, à Innovigne les 19 et 20 juin, à l'Inra de Pech Rouge, où un essai de variation du rapport feuille/fruit sera en démonstration.

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