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Analyser ses bouchons p our prévenir la contamination

La vigne - n°131 - avril 2002 - page 0

Jusqu'ici, seuls les grands opérateurs faisaient analyser leurs bouchons, dans leur laboratoire interne ou chez un indépendant. Cette démarche se développe timidement chez les vignerons, qui estiment que l'initiative devrait revenir aux bouchonniers.

'Les vignerons ont besoin d'être rassurés sur la qualité du liège, et c'est assez récent, témoigne Eric Bornert, co-gérant de la société bourguignonne Embag, fournisseur de matières sèches. La filière va très loin dans la connaissance chimique du vin, mais pour le bouchon, les opérateurs ont pris du retard. ' Afin de minimiser les risques, les producteurs peuvent faire analyser un échantillon de bouchons dans l'un des nombreux laboratoires indépendants proposant la mesure des paramètres mécaniques, physiques et chimiques classiques du bouchon. La cellule Qualité bouchage de la chambre d'agriculture de Gironde procède, par exemple, aux examens suivants : choix visuel (teinte, ébréchure, crevasse, marquage), mesure des dimensions (diamètre, ovalité, longueur), examen organoleptique, recherche et dosage de péroxydes, recherche de chlore, calcul du taux d'humidité, test de capillarité et de mouillabilité, mesure de la force d'extraction, mesure de la pression d'étanchéité au liquide puis au gaz, recherche de poussière et mesure du retour élastique. Une page d'interprétation et de conclusion est jointe aux résultats.

A ces analyses classiques se sont ajoutées d'autres mesures plus complexes, uniquement réalisées par quelques laboratoires, dont le but est de déceler les bouchons présentant des risques de conférer le goût de moisi aux vins. Le fameux goût de bouchon, qui toucherait plus de 5 % des bouteilles, commence en effet à être mieux cerné. ' La molécule TCA (2,4,6-trichloroanisole) serait à 95 % responsable du goût de bouchon, les 5 % restants étant surtout attribués à sa molécule cousine, la TeCA (2,3,4,6-tétrachlo- roanisole), dans le cas d'aérocontamination à partir des produits de traitements des bois ', précise-t-on au laboratoire C-Traces, dans l'Ain. Reste à mesurer le taux de TCA et à interpréter correctement les résultats... Il existe deux méthodes pour le déceler, qui consistent à laisser macérer les bouchons dans un solvant. Le seuil critique à ne pas dépasser dans ce solvant s'élève à 5 ng/l pour les vins tranquilles et à 1,5 ng/l pour les vins effervescents. L'appréciation du risque incombe toutefois à l'utilisateur, un vin rouge peu tannique pouvant justifier un abaissement du seuil à 4 ng/l.
' L'objectif de toutes ces analyses vise à savoir quel bouchon présente les meilleures performances pour l'investissement choisi , rappelle Pascal Chatonnet, oenologue conseil au laboratoire Excell, en Gironde. Tout dépend de l'attente de l'utilisateur et de la durée de vie du vin. ' C'est dans cet esprit que les bouchonniers membres de Codiliège ont publié un classeur qui précise toutes les caractéristiques auxquelles doivent répondre les bouchons selon qu'ils soient d'entrée de gamme, de milieu de gamme ou de haut de gamme. Une première au niveau mondial. Prochaine étape de Codiliège, la normalisation des méthodes d'échantillonnage. Car si les techniques d'analyse ont bien progressé, il reste toujours un problème épineux, celui de la représentativité du lot analysé. Sur cette grande question de l'homogénéité, Jean-Philippe Gervais, responsable des activités analytiques de la chambre d'agriculture de Gironde, estime que même s'il existe une marge d'erreur, les analyses restent fiables : ' Il existe un biais dès que la population est hétérogène. Certes, on peut passer à côté de 20 % des problèmes, mais on peut aussi en déceler 80 %. On peut faire un parallèle avec la représentativité de 200 baies quand on effectue les contrôles de maturité . '

La prise d'échantillons se réalise généralement de la manière suivante : sur un lot de 50 000 bouchons comprenant 10 sacs de 5 000 bouchons chacun, on prélève 30 bouchons par sac, soit 300 bouchons au total. Puis on prélève le nombre de bouchons prévus par le protocole de l'analyse (souvent 20 à 40) dans cette sélection.
Le recours aux analyses est une démarche encore balbutiante pour les vignerons, par manque de temps et d'informations, mais aussi en raison des coûts. Le prix de l'analyse de TCA varie de 120 à 190 euros (787 à 1 246 F) selon le protocole choisi, celui de l'analyse des caractéristiques mécaniques et de l'analyse sensorielle des bouchons étant généralement compris entre 120 et 140 euros (787 à 918 F). Les délais s'élèvent globalement à 8-10 jours. En complément de l'analyse des bouchons, les laboratoires conseillent également aux vignerons de mesurer le taux de TCA et de TCE d'un échantillon d'une cuve, qui elle est homogène, pour disposer de plus d'arguments avec le bouchonnier en cas de problème. ' S'il est du domaine de compétence des bouchonniers d'apporter les preuves que leurs bouchons sont conformes, c'est aux vignerons de documenter la qualité de leur vin avant la mise en contact avec le bouchon ', conclut Jean-Philippe Gervais.

En savoir plus : www.codiliege.org

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