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L'entretien de la vigne

La vigne - n°131 - avril 2002 - page 0

Taillée et labourée à la sortie de l'hiver, la vigne va être l'objet de soins constants jusqu'aux vendanges.

Dès le printemps, les échalas qui maintiennent le bois taillé et soutiennent les pampres de l'année sont mis en terre, fichés au maillet, au fiche-échalas ou à la planchette matelassée fixée sur l'estomac du vigneron. Les bois taillés sont généralement liés à l'osier. Au fur et à mesure que les pousses nouvelles s'allongent, il faut les attacher avec des brins de seigle, les gluis, appelés gleux, glieux, gliots, engleuyres, fars ou fouarres, selon les régions.
L'accolage prend des noms divers. En Médoc, c'est l'acanage ; dans l'Yonne, l'écoulage ; en Bourgogne, on dit accouler ou écouler. L'ouvrier est l'accolat et il lie avec des accols ou accolures. Dans la région d'Orléans, faire des carrosses, c'est lier tous les brins en touffe autour de l'échalas. En Savoie, on lève et on emploie des levures pour effectuer la lierie.
Il faut ensuite ôter les bourgeons superflus, écimer les pampres de l'année, une fois la fleur passée, pour faire refluer la sève vers le fruit. En Saintonge, ôter les gourmands se dit champiser. Dans la Meuse, c'est le débrougnage. Dans la Vienne, on ébaraude, tandis qu'on ébionne en Bourgogne, qu'on écossonne ou qu'on écharbote dans le Blésois, qu'on émouche dans le Bordelais, qu'on évouille dans le Bourbonnais, qu'on ébouine en Champagne, qu'on émandronne en Auvergne, qu'on dépointe en Languedoc. Ces travaux pénibles sont souvent effectués par les femmes et les enfants, qui sont bien moins payés que les hommes.
Si insectes, chenilles et escargots pullulent, on mène oies et dindons dans les vignes. En été, afin de favoriser la maturation, il arrive qu'on effeuille, mais c'est surtout un moyen pour nourrir les bêtes lorsque l'herbe manque. Il est peu courant de vendanger en vert, car il y a rarement abondance de grappes à une époque où on ne connaît guère la taille à long bois.

Il faut ensuite aérer la terre et éliminer l'herbe qui repousse toujours, surtout en saison humide. Or, le vigneron veut une vigne propre, car il est persuadé que la croissance de l'herbe fait du tort à la plante. Les anciens comptes n'en finissent pas de détailler le nombre de jours passés à effectuer ces différents labours, légers certes, mais qui peuvent être renouvelés deux ou trois fois avant les vendanges.
En mai, on donne un second labour, on dit alors qu'on bine. Il est effectué avec une houe plus légère que pour le labour d'hiver. Biner, en Médoc, c'est abriquer ; dans la Meuse, on utilise l'acoeu à fer demi-circulaire. Dans le pays de Retz, proche de l'estuaire de la Loire, on refend. Dans l'Yonne, on rebeuille ; en Languedoc et en Provence, on reclot ; en Champagne, on refuit, tandis qu'on remouve un peu partout ou qu'on rabat. Sur les coteaux très pentus, ce travail s'effectue en remontant la terre, qui a tendance à glisser.
Si besoin, en juillet, on effectue un troisième labour, ce qu'on appelle tiercer ; il a pour but d'éliminer l'herbe. En Vendômois, on dégible, voire débine ou rebine. Dans l'Hérault, on passe ; dans le Nivernais, on récure ; en Haute-Garonne, on traverse ; en Anjou, on regaille.
Lors des années trop humides, quand l'herbe pousse plus que de coutume et que la terre se tasse, un quatrième passage s'avère nécessaire. On dit alors qu'on retierce, qu'on reterse ou qu'on retrousse. En Languedoc, ce travail s'appelle le grappinage ; en Orléanais, c'est le quartage. Un peu partout, on râcle à la râclotte.
Ce qui est frappant, c'est que le vigneron d'autrefois était toujours occupé. Une vigne qui n'était pas régulièrement houée était considérée comme mal soignée, la terre devant rester meuble et propre. Que diraient ces vignerons s'ils voyaient des vignes en con-labour, comme on dit aujourd'hui, des vignes enherbées contrairement à tous les usages anciens, ces fameux usages locaux, loyaux et constants comme on se plaît à le répéter sans les respecter.

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