En quatre ans, le château Haut-Monplaisir est passé du ' 100 % en vrac ' au ' 100 % en bouteilles '. Retour sur un virage rapide négocié avec brio.
Elle aurait dû être institutrice. Aujourd'hui, elle est vigneronne, à la tête du château Haut-Monplaisir, en appellation Cahors (Lot). Une chose est sûre, elle aurait mené sa classe avec autant de passion qu'elle dirige son exploitation, car Cathy Fournié ne fait rien à moitié. Lorsqu'elle s'attelle à une tâche, elle donne le meilleur d'elle-même. A 36 ans, cette jeune femme pourrait s'enorgueillir d'être un exemple de reconversion qualitative. Dans le petit monde viticole cahorsien, ils sont plusieurs à la citer comme telle.
Pourtant, lorsqu'elle parle de son travail, c'est toujours avec modestie. ' Ce sont mes parents qui ont créé le domaine. Je me contente de transmettre le flambeau... ', dit-elle. C'est d'ailleurs cette volonté de perpétuer l'engagement familial qui l'a décidée à travailler sur l'exploitation, il y a une dizaine d'années, lors de la mort prématurée de son frère.
En 1990, elle s'installe en Gaec (Groupement agricole d'exploitation en commun) avec son père et sa mère. A l'époque, la propriété vend toute sa production en vrac. Lors de ces premières années, son travail sur l'exploitation tient plus de l'exécution de tâches commandées par son père que de l'engagement personnel. Pas facile, en effet, de faire sa place aux côtés d'un homme pour lequel l'expression ' chef de famille ' est à prendre au sens littéral... Peu à peu, Cathy s'investit dans sa nouvelle vocation. Elle aime goûter les vins ' de Cahors ou d'ailleurs', et s'aperçoit vite que celui qui est produit sur le domaine n'a pas de quoi faire sa fierté. ' Mon pire souvenir, c'est en 1997. J'en ai pleuré, raconte-t-elle. Nous avons eu des vendanges pléthoriques. Le vin était comme dilué. En comparant avec d'autres productions, on pouvait reconnaître ceux qui avaient maîtrisé ou non leurs rendements rien qu'à la couleur... '
Le château Haut-Monplaisir est situé sur des terrains argilo-siliceux qui mettent la vigne à l'abri de la sécheresse. Ce qui peut être utile en cas de pénurie d'eau, mais qui peut devenir un dangereux handicap en cas de pluies abondantes, comme en 1997 !
Ce fameux millésime, Cathy a aimé le faire goûter, jusqu'à il y a peu, ' pour montrer à la clientèle en quoi la conduite de la vigne peut faire la différence '. C'est donc en 1998 qu'elle et son mari obtiennent l'autorisation paternelle de mener les choses à leur façon ' au moins sur une partie du vignoble '. C'est à cette période que démarre la vente directe : en plus du vin de l'année, Cathy et Daniel Fournié embouteillent des anciens millésimes et participent à leur premier salon.
Le souvenir de cette manifestation, organisée à Paris, les fait aujourd'hui sourire. ' On s'est pris une claque magistrale , raconte Cathy. Avec du recul, je me dis que c'était prévisible. ' Les acheteurs professionnels n'ont pas d'indulgence pour les nouveaux venus. Il n'empêche. Pour Daniel et Cathy, cette confrontation avec le marché les renforce dans la conviction qu'il faut faire toujours mieux.
A partir de ce moment, la nouvelle façon de conduire les vignes va gagner l'ensemble du domaine. Une conquête, parcelle après parcelle, que le père de Cathy critique jusqu'à son départ à la retraite en 2000. ' Il nous disait qu'à force d'effeuiller la vigne, on allait la faire crever... , se souvient Daniel Fournié. Lorsqu'il nous voyait faire tomber du raisin, il nous traitait de fous en nous mettant en garde contre la grêle . ' Et celle-ci finit par tomber. ' C'était le 2 juillet 1999. Nous avons perdu 40 % de la production ', rapporte Cathy. Là encore, grâce au travail effectué au vignoble, le jeune couple sauve la vendange. Les raisins restent sains et atteignent 13 ° de moyenne. Du jamais vu sur l'exploitation, habituée à chaptaliser. C'est aussi cette année que, pour la première fois, la vendange est triée.
Peu à peu, le château Haut-Monplaisir progresse. L'essor qualitatif éveille l'attention d'un producteur voisin, Pascal Verhaeghe, propriétaire du château du Cèdre, qui marche très bien. Ce vigneron possède une petite activité de négoce et décide de commercialiser les vins des Fournié. Il convainc Cathy et Daniel d'investir dans des barriques et leur dispense ses conseils techniques.
Aujourd'hui, les vignes sont enherbées. Depuis deux ans, le désherbage chimique sous le rang a été abandonné au profit de l'intercep. L'apport d'engrais est limité et toujours très ciblé. ' La vigne est moins abondante, mais bien plus résistante ', constate Daniel. Cela se traduit par une économie en terme de traitement. Un élément non négligeable, d'autant que le passage rapide du vrac à la bouteille a un coût de trésorerie. ' Il y a presque une année sans aucune rentrée d'argent , explique Cathy Fournié. Nous avons financé l'immobilisation des vins en cave par un emprunt . '
Les bouteilles du château Haut-Monplaisir sont vendues dans une fourchette allant de 5,34 à 8,38 euros HT, prix départ propriété. Nos vignerons comptent également sur leur future cuvée, travaillée dans le cadre de la charte qualité du syndicat de Cahors, pour présenter leur très haut de gamme. Car pour Cathy Fournié, la qualité, c'est vraiment une quête : ' Je ne suis toujours pas parvenue à produire le vin que je voudrais faire... '