Les traitements à la bentonite ou au charbon détruisent la mousse. Ceux à la gélatine, associée à des tanins ou à du gel de silice, la majorent. Quant à l'effet des filtrations, les avis sont partagés.
L'image de marque du champagne et des effervescents est étroitement liée à leur tenue de mousse. ' L'aspect visuel et dynamique de la formation des bulles est un critère de choix primordial pour le consommateur, qui peut refuser un champagne dans un restaurant s'il juge que ce dernier manque de pétillant ', explique Bertrand Robillard, chez Moët et Chandon. Les mécanismes physiques, physico-chimiques en jeu et les pratiques oenologiques susceptibles de modifier la qualité de la mousse font donc l'objet de nombreuses études depuis une dizaine d'années. Elles ont montré que la chimie du vin joue un rôle important sur la stabilité de la mousse. L'éthanol a une action déstabilisatrice à partir de 10 % vol. d'alcool alors que les lipides ne semblent pas être des acteurs fondamentaux, sauf dans le cas d'apports exogènes, notamment par le rouge à lèvres ou les cacahuètes connus pour leur effet dévastateur. Les protéines sont les agents moussants prépondérants malgré leurs faibles teneurs. Toutefois, elles ne participent pas toutes de la même manière, leur capacité moussante dépendant de leurs caractéristiques biochimiques (taille, solubilité, charges électriques, caractère amphiphile, hydrophobicité de surface, capacité de liaison à d'autres composés).
L'étude des effets de la pourriture grise sur les propriétés moussantes est un bon exemple pour mettre en évidence le rôle des macromolécules. Plusieurs équipes de recherche se sont donc penchées sur ce sujet. Le CIVC (interprofession champenoise), Moët et Chandon et le laboratoire d'oenologie de l'université de Reims (Marne) ont ainsi montré que les vins issus de raisins botrytisés ont une mauvaise qualité, voire une absence de mousse. La moussabilité, le temps de versement, la hauteur de mousse diminuent alors que la vitesse à laquelle la mousse disparaît augmente en fonction du taux de pourriture. Tous les vins étudiés ayant les mêmes teneurs en protéines, les différences ne peuvent s'expliquer que par des profils protéiques différents. ' En règle générale, plus les protéines sont grosses, plus elles stabilisent la mousse. Or, le botrytis dégrade le patrimoine protéique, ce qui aboutit à la formation de protéines plus petites. Celles-ci seraient moins actives, d'où un effet destructeur du champignon sur la mousse ', suppose Bertrand Robillard.
La concentration en macromolécules tient également un rôle important sur la stabilité de la mousse. C'est pourquoi les traitements oenologiques avec des adjuvants, qui ont pour propriété d'adsorber les protéines, peuvent avoir des effets catastrophiques. Plusieurs études ont mis en évidence les effets négatifs de la bentonite et du charbon actif. La dernière en date, réalisée par le laboratoire d'oenologie de l'université de Reims, en collaboration avec l'unité de physico-chimie et de biotechnologie des polymères de l'Inra de Reims, a montré que la bentonite diminuait la moussabilité et la tenue de mousse des vins étudiés, quels que soit la dose appliquée (30 ou 80 g/hl) et le cépage. Ainsi, dans le cadre de cette étude, la baisse est de 28 % pour le chardonnay et de 20 % pour le pinot noir à 30 g/hl. Les traitements au charbon actif agissent également sur la quantité et la qualité de la mousse. Richard Marchal, du laboratoire d'oenologie de l'université de Reims, explique : ' Un vin traité au charbon présente une mousse grossière, grisâtre, constituée de grosses bulles que les oenologues champenois nomment oeil de crapaud du fait de leur inélégance '.
Si certaines pratiques détruisent la mousse, d'autres peuvent l'améliorer. C'est le cas des traitements à la gélatine, associée à des tanins de châtaignier ou à du gel de silice qui augmentent significativement la moussabilité des vins collés. Quant à l'impact des filtrations, les avis sont partagés. Dans le cadre de son rapport pour l'obtention du diplôme d'oenologue de l'université de Reims, J.-P. Dargent a montré que trois filtrations successives (sur terres de diatomées, sur plaques et sur membranes stérilisantes) n'affectaient pas les propriétés moussantes d'un vin malgré une perte significative des teneurs en protéines. L'effet sur la moussabilité est néanmoins étroitement lié à la teneur en protéines initiale. Ainsi, un vin présentant de fortes teneurs en protéines au départ ne subira-t-il qu'une faible diminution de sa moussabilité, alors qu'un vin pauvre en protéines subira une perte conséquente de moussabilité. Toutefois, dans une autre étude, Bertrand Robillard a montré que la filtration n'était pas anodine et que la taille des pores des membranes jouait un grand rôle. ' Plus un vin est filtré serré, plus la stabilité de la mousse diminue ', explique-t-il.