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Les effets pervers des opérations en vert

La vigne - n°132 - mai 2002 - page 0

Les interventions en vert ne sont pas sans conséquences sur le comportement des vignes les années suivantes. Leur conduite mérite d'être raisonnée sur le long terme.

La conduite de la vigne est un éternel recommencement. Chaque année, les vignerons mettent en route des chantiers de vendanges en vert. Se sont-ils déjà demandés pourquoi il était nécessaire de faire systématiquement tomber de la vendange ? N'y a-t-il pas un phénomène mal connu faisant entrer les pratiques culturales dans un cercle vicieux ? Ces questions commencent à se poser dans les centres de recherche en agronomie viticole. Des essais ont été mis en place récemment pour étudier les effets à long terme des opérations en vert. La réaction de la vigne à ces interventions n'est pas encore entièrement cernée.
Une expérimentation, suivie par Eric Duchêne à l'Inra de Colmar (Haut-Rhin), incite à réfléchir avant d'effectuer l'une de ces opérations. L'essai se déroule depuis 2000, à la fois en serre et dans les vignobles de Bourgogne, de Champagne et d'Alsace, sur les cépages chardonnay, pinot noir et gewurztraminer. Deux groupes de vignes ont été constitués. La première modalité a subi un effeuillage : une feuille sur deux et les entre-coeurs ont été éliminés au début de la véraison 2000. Au même moment, l'autre modalité a subi une vendange en vert d'une grappe sur deux. La seconde modalité présentait alors un fort rapport feuille/fruit favorisant la mise en place de réserves. A l'automne 2001, la première modalité a été entièrement effeuillée pour restreindre encore davantage ses réserves. L'autre modalité n'a plus été touchée. La comparaison va se poursuivre en 2002.
En serre, ces deux modalités ont eu des comportements distincts. Les vignes ayant subi une vendange en vert ont présenté une plus grande quantité de matière sèche dans leurs bois de taille, et détenaient un peu plus d'amidon. En revanche, le nombre d'inflorescences a baissé pour les vignes effeuillées. Le nombre de fleurs par inflorescence chute de 10 % pour les trois cépages. ' Cette dépression de la fertilité des vignes était inattendue ', note Eric Duchêne. Enfin, le rendement des vignes de la première modalité a chuté de 67 % pour le gewurztraminer et de 47 % pour le pinot noir. De plus, la maturation des baies de gewurztraminer a été perturbée. Les vignes ont donc une meilleure fertilité l'année qui suit un éclaircissage. Les vignes en serre auraient pu être influencées par le manque de lumière, leur faible système racinaire ou leur jeune âge. Pourtant, en plein champ, ce comportement s'est confirmé.

Dans le vignoble, en 2001, le gewurztraminer de la première modalité a commencé par montrer un déficit de débourrement : - 8 % de rameaux primaires. Comme dans les serres, l'ensemble des cépages a montré une baisse significative du nombre d'inflorescences. Le nombre de baies par inflorescence chute globalement. En ce qui concerne les rendements, le gewurztraminer a diminué de 50 %, le chardonnay a fait de plus grosses baies en compensation de la vendange en vert, et le pinot noir a fait des grappillons. En revanche, les rognages des vignes de la seconde modalité représentaient 30 % de poids en plus.
L'éclaircissage induit à nouveau une plus forte fertilité l'année qui suit. ' Ces essais montrent que si on commence à égrapper, on entre dans un cercle vicieux. Cette opération est donc une mesure corrective ponctuelle ', insiste Eric Duchêne. Pourtant, à l'ITV de Nîmes (Gard), des essais sur mourvèdre et grenache ne sont pas aussi concluants. ' L'éclaircissage a peu, voire aucun arrière effet sur la fertilité en nombre de grappes ', explique Christel Renaud, à l'ITV. La poursuite des essais devrait apporter des précisions. ' L'effeuillage se préconise le plus souvent sur une seule face pour éviter qu'il ne soit pénalisant . ' Il faut savoir garder et rechercher la surface foliaire adaptée à la quantité et à la qualité de récolte visée.
' Les vignerons se demandent s'ils pourraient équilibrer la charge en fruit grâce à une adaptation du mode de conduite ', note Jean-Pierre Gaudillère, à l'Inra de Bordeaux (Gironde). Ils économiseraient une intervention manuelle. D'autre part, ' la fertilité est dissociée de la vigueur. Cela n'est pas pris en compte dans les pratiques culturales actuelles '.

On recherche les variables qui déterminent la fertilité de la vigne. Les réserves en carbone et en azote des ceps sont donc étudiées.
' Aujourd'hui, les vignerons ont les moyens d'adapter le rapport feuille/fruit pour obtenir une bonne maturation du raisin. Mais ce rapport montre ses limites, car il ne répond pas à la maîtrise de la fertilité les années qui suivent ', explique Jean-Pierre Gaudillère. Des interventions au printemps ou post-récolte pourraient être nécessaires. La date de rognage peut aussi être peaufinée. Finalement, le rapport feuille/fruit n'a pas un optimum absolu à la fois pour la maturité et la fertilité. Dans un futur proche, la conduite de la vigne devra s'envisager en fonction du rendement et de la qualité de la vendange recherchés l'année en cours, mais aussi en fonction de la fertilité et de la vigueur des millésimes suivants.

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