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Géorgie

La vigne - n°132 - mai 2002 - page 0

Au coeur du Caucase, la Géorgie est fière d'être l'un des berceaux mondiaux de la viticulture. Des investisseurs étrangers tentent aujourd'hui de redynamiser un vignoble qui ne compte plus que 62 000 ha.

En l'an 330 après J.-C., quand saint Nino évangélisa la Géorgie, elle tressa des sarments de vigne avec ses cheveux et forma ainsi la croix qui symbolise aujourd'hui la religion chrétienne du pays. Cela montre l'attachement des Géorgiens à la vigne. En outre, des scientifiques ont établi qu'à la suite des glaciations, qui ont détruit toute forme de végétation en Europe occidentale, seuls quelques foyers ont permis de conserver différentes espèces végétales. A la fois éloignée des eaux froides de l'Atlantique et protégée des vents glacés de Sibérie par la chaîne du Caucase, la partie orientale de la mer Noire fut le refuge de la vigne. Une soixantaine de variétés de Vitis vinifera sauvages ont ainsi été découvertes et analysées par des généticiens soviétiques.
L'attachement culturel des Géorgiens pour le vin est l'un des facteurs qui a permis à ce petit pays montagneux de cinq millions d'habitants de se construire une identité nationale forte. On trouve du raisin sur toutes les tables ; en ville, il s'accroche d'un balcon à un autre ; chaque monument, chaque église en sont décorés. Sous l'égide soviétique, la viticulture était l'une des principales ressources du pays : dans les années cinquante, on comptait 120 000 ha de vignes ; aujourd'hui, la surface a été divisée par deux pour une production de 830 000 hl de vin. On dénombre encore près de cinq cents cépages (!), mais seulement une cinquantaine est utilisée à des fins productives : rkatsiteli, saperavi, mtsvane, alexandrouli, ogaleschi, cabernet sauvignon et pinot noir sont les principales espèces. Les vins rouges ' historiques ', tels que mukuzani ou napareuli, ont une robe rubis très foncée et sont le plus souvent doux et sucrés. Les blancs sont nerveux et robustes. Certains vins locaux sont devenus célèbres car très appréciés par Staline, enfant du pays. Le chtraveli peut être ici une véritable liane s'accrochant aux arbres et dont la récolte se fait à une quinzaine de mètres au-dessus du sol !

La région de Kakhétie, située dans une large vallée au pied du Caucase, longue de près de 80 km, s'étend à l'est de la Géorgie, près de l'Azerbaïdjan. Comprise entre 500 et 800 m d'altitude, elle bénéficie d'un climat continental sec et d'un large ensoleillement. A Telavi, capitale de l'ancien royaume de Kakhétie, on dénombrait, dans les années quatre-vingt, plus d'une vingtaine de fabriques, moins aujourd'hui. Ici, chacun produit du raisin et la majeure partie des fermes produit leur consommation pour l'année. Depuis l'indépendance du pays, en 1991, les agriculteurs ont du mal à écouler leur récolte, les structures laissées en place sous l'Union soviétique sont difficiles à gérer par cette jeune république.
La particularité de la Kakhétie tient au fait que le vin est fabriqué dans de grandes jarres appelés kvéris pouvant contenir jusqu'à 500 l. Cette méthode dite kakhétienne consiste à laisser fermenter le jus et la grappe dans ces jarres pendant trois mois environ. Elle était utilisée de manière industrielle dans les coopératives d'Etat, mais elle est peu à peu abandonnée depuis les années quatre-vingt-dix, pour laisser la place à des techniques de vinification plus stables. Dans la cave de Samgorigeo, près de Télavi, on peut encore voir les deux cents jarres qui, aujourd'hui, sont remplacées par des cuves en Inox italiennes.

Aujourd'hui, la Kakhétie ne compte plus qu'une dizaine de ces fabriques. Les infrastructures démesurées et bien souvent vétustes ne permettent pas aux viticulteurs de les relancer. Seuls les apports d'investisseurs étrangers ont permis de renouveler le potentiel industriel : principalement des Canadiens, mais aussi des Australiens et des Francais, comme Pernod-Ricard, se sont implantés dans le pays. Actuellement, le principal client étranger est toujours la Russie, les liens commerciaux entre les deux pays étant restés en place malgré un climat politique plus difficile. Cependant, la qualité des vins géorgiens semble intéresser de nouveaux pays, comme l'Allemagne et l'Angleterre. La position stratégique de la Géorgie, au carrefour de l'orient et de l'occident, est aussi un atout commercial pour les investisseurs.
GWS (Georgian inné and spiritous) est ici un exemple de réussite. Cette structure existe depuis 1975. On y produit une gamme de trente vins sur 500 ha de vignobles, répartis dans les diverses régions viticoles du pays, depuis la région de Racha (province d'Ambrolauri), où l'on produit le Khvanchkara, mais aussi en Iméretie (centre du pays), avec des vins tels que Odjaleshi et Aladasturi. Depuis 1996, Pernod-Ricard détient la majeur partie du capital de GWS. Dans une fabrique aujourd'hui entièrement rénovée, on peut déguster toute la gamme de vin qu'offre la Géorgie. ' Les blancs étant plus appréciés dans le pays, il a fallu orienter petit à petit les producteurs vers des cépages noirs afin de s'ouvrir sur les marchés européens ', explique-t-on sur place. Actuellement, GWS exporte principalement vers la Russie puis, à partir de là, vers l'Ukraine et la Biélorussie. Mais les dirigeants de GWS envisagent de s'étendre aussi au Japon et en Allemagne.
Certains négociants organisent des rencontres internationales autour du vin afin de développer des contacts avec d'autres pays, espérant ainsi toucher des investisseurs étrangers. Mais la situation de la viticulture géorgienne reste difficile, à l'image de l'état économique du pays.

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