Tous les vignobles subissent le risque de grêle, le Sud-Ouest étant en première ligne. Mais les associations de lutte veillent au grain et font progresser les connaissances.
La grêle frappe souvent sans prévenir et les vignerons, impuissants, ne peuvent que la regarder tomber en priant pour que les dégâts soient limités. Ils se posent l'éternelle question : ' Pourquoi moi et pas mon voisin ? ' Pourtant, contrairement à une tempête, la grêle n'est pas un phénomène exceptionnel. Chaque année, en France, on dénombre trente à cinquante journées de grêle, mais seule une minorité occasionne des dégâts sur vignes. Et contrairement à ce que l'on peut croire, les grêles du coeur de l'été (juin, juillet, août), les plus destructrices, ne représentent que 10 % des chutes (1). La majorité a lieu en fin d'hiver et au printemps.
Globalement, le nombre de chutes de grêle annuel diminue selon un axe nord-ouest/sud-est, du Finistère au Languedoc. Les Côtes atlantiques et le nord de la France sont particulièrement exposés. Suivent l'Aquitaine et la côte basque, puis le Bassin parisien, le Nord et le Nord-Est. Les côtes du Languedoc et du Roussillon sont les espaces les moins grêlifères de France. Toutefois, il faut bien distinguer la grêle d'hiver, souvent bénigne, de celle d'été (mai à septembre), et la répartition des chutes par région, différente selon la saison. Sur la période juillet-août-septembre, le Bassin parisien perd sa suprématie, le Sud-Ouest s'affirme, le Nord-Est se maintient, le Centre-Est et le Sud-Est ont un potentiel grêlifère élevé.
Les vignes du Sud sont donc en première ligne, le Sud-Ouest étant la région la plus exposée car elle cumule non seulement le risque de fin de printemps, mais aussi celui d'été. Le vignoble alsacien est moins concerné que ceux du Sud-Est et de la vallée du Rhône. Mais pour la petite anecdote, c'est en Alsace que fut trouvé le plus gros grêlon, le 11 août 1958, près de Strasbourg (Bas-Rhin). Avec un poids de 978 g, mieux valait ne pas se trouver dessous ! Les vignobles d'Arbois et de Savoie peuvent également subir de fortes chutes. Personne n'est à l'abri. En terme de fréquence ponctuelle de la grêle d'été, elle va de 0 à 1,33 chute par an. Les fréquences les plus élevées sont recensées à l'est du Lot-et-Garonne, dans le Lot, le Tarn-et-Garonne et l'ouest du Tarn. Il en est de même dans le sud de Bordeaux (Gironde), où la fréquence ponctuelle est élevée.
Autre critère permettant de caractériser une chute de grêle, son intensité. Sur une même région à fréquence équivalente, on peut avoir un gradient d'intensité. C'est le cas dans les Charentes où l'intensité croît du littoral vers l'intérieur, car la continentalité la renforce. Des différences similaires sont observées entre la zone atlantique (Charentes) et la zone méditerranéenne (Aude, Pyrénées-Orientales, Ariège) où les chutes sont plus violentes. Pourquoi ces inégalités face au risque de la grêle ? La présence d'une épaisse couche d'air instable, chaud et humide, provenant souvent d'Espagne, conditionne l'apparition d'un orage de grêle, ce qui explique que le Sud-Ouest soit en pleine ligne de mire. Ajoutons à cela l'obstacle généré par les Pyrénées et les conditions sont réunies.
Cependant, tout cela ne répond pas à la question de l'hétérogénéité des dégâts observés sur un même terroir. En effet, la trace au sol présente souvent le même schéma : un couloir orienté obliquement par rapport au vent avec, en plus, la présence de coeurs de grêle, dans lesquels les dégâts vont de 90 à 100 % de destruction de récolte. Le phénomène est simple. Tout orage de grêle débute par une phase de concentration rapide, aboutissant à la formation des coeurs de grêle, puis se dissipe. Les chutes deviennent alors intermittentes et mêlées de pluie. Cette particularité fait que, parfois, à 10 m près, la vigne va subir des dégâts allant du simple au double.
En 2000, pour toutes les cultures, 175 millions d'euros ont été versés comme indemnités, dont 32 millions pour la vigne et le houblon, d'après la Fédération française des sociétés d'assurances (FFSA). Prévenir le risque de la grêle est donc l'une des préoccupations majeures des vignerons.
Plusieurs associations de lutte antigrêle ont été créées en France. Elles étudient la grêle grâce à des plaques de polystyrène, montées sur une tige en métal, qui vont recevoir les impacts de grêlons. Ces grêlimètres permettent de mesurer le diamètre des grêlons, le nombre total de grêlons de diamètre supérieur à 7 mm et l'énergie cinétique globale. L'Association nationale d'étude et de lutte contre les fléaux atmosphériques (Anelfa) est née en 1951. Actuellement, forte d'un réseau de 1 060 grêlimètres en 2001 pour une surface de 60 000 km² sur quinze départements, l'Anelfa étudie également les différentes trajectoires des orages de grêle et la lutte active par injection d'iodure d'argent grâce à des générateurs au sol. Présente dans le Sud-Ouest, puis dans quelques départements comme la Drôme, le Cher et la Loire, elle s'active du 15 avril au 15 octobre.
Les résultats sont là puisqu'à une densité d'émission de onze générateurs, répartis sur 1 000 km², correspond une diminution moyenne de la grêle de 42 %.
Autre structure engagée dans la lutte active, l'Association climatologique de moyenne Garonne (ACMG) a été fondée en 1959. Elle travaille actuellement à la mise en oeuvre de la lutte par ensemencement des nuages avec des sels hygroscopiques. En Afrique du Sud, les essais ont montré que ce système augmentait les pluies de 25 à 30 %. Equipée d'un radar et d'un récepteur d'images, l'ACMG prévoit les cellules orageuses sur le Lot-et-Garonne, le Tarn-et-Garonne et une partie de la Gironde. En outre, son réseau de grêlimètres permet un suivi scrupuleux des orages. En Savoie, l'Association d'étude et de défense contre la grêle utilise des fusées pour ensemencer les nuages en iodure d'argent. Près de 3 000 ha de vignes et de vergers sont protégés par 175 postes de tirs pour 400 tireurs, depuis le bassin d'Ugine jusqu'à la Chautagne et l'Avant-pays Savoyard.
(1) Chiffre statistique issu de la répartition des 7 653 jours avec chutes de grêle recensés dans 79 stations Météo-France, entre les années 1961 et 1995.