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Concevoir et organiser le tri de la vendange

La vigne - n°133 - juin 2002 - page 0

Le tri mérite autant de soins que les autres étapes de la vinification. L'objectif de qualité, les contraintes matérielles, la présence de personnel et les impératifs de récolte conditionnent son organisation.

Le propriétaire d'une cave peut vanter les qualités de son pressoir dernier cri. Mais parfois, le tri de la vendange n'est malheureusement pas du même niveau... Mal conçue et mal effectuée, cette phase du processus de production des vins rouges peut amoindrir certains efforts menés au vignoble et à la cave. Les étapes entre la vendange des raisins rouges et leur encuvage méritent autant de soins que la culture de la vigne, la vinification et l'élevage. Elles représentent souvent un point faible du processus. Dans le Bordelais, par exemple, ce poste est depuis quelques années en renouvellement. Mais ce n'est pas le cas dans toutes les régions.
Pour concevoir le tri de la vendange, plusieurs aspects techniques doivent être abordés avant d'investir dans du matériel et avant de réorganiser le travail. ' Il n'y a pas de recette absolue pour organiser le tri. Mais quelle que soit l'étape, il est impératif de respecter le même souci de qualité ', indique Jean-Michel Marron, de la chambre d'agriculture de Gironde. La réalisation d'un tri à l'arrivage devra être en adéquation avec les efforts de qualité réalisés lors de la récolte, du transport, de la réception et du transfert.

La récolte, délicatement réalisée et transportée, rend le tri plus facile. En effet, des baies éclatées par les batteurs d'une machine à vendanger ou par l'entassement dans les caisses à vendange sont collées entre elles ou à des débris végétaux. L'extraction de goûts végétaux indésirables aura déjà débuté. Il faut éviter les foulages prématurés dans les bennes à vendange et dans les conquêts trop profonds. De plus, un égouttage préalable facilite le tri. Le volume égoutté doit être suffisamment important pour que cette opération soit bénéfique. ' Une benne de 2 à 3 tonnes, dans laquelle on transporte environ 25 hl de vendange mécanique, peut générer 5 hl de jus ', évalue Jean-Michel Marron. De plus, réincorporé au niveau de la pompe à vendange, ce jus fluidifie l'ensemble, facilitant l'acheminement vers la cuve, et évite d'autres triturations indésirables.
Le tri proprement dit peut s'effectuer soit avant le passage de la vendange dans l'érafloir, soit après. Dans le premier cas, le personnel participe à l'élimination des gros débris végétaux ou divers, et des grappes impropres (pourries ou pas mûres) à la qualité du vin visée. Ce premier tri est considéré plus qualitatif que quantitatif. Lorsque le tri est effectué à la sortie de l'érafloir, il est plutôt quantitatif, car il est plus difficile de repérer les baies indésirables sur le tapis. Il permet de débarrasser la vendange des restes de pétioles, de feuilles et de fragments de rafles qui sont passés au travers des mailles de la cage de l'érafloir. L'ITV et la chambre d'agriculture de Gironde ont effectué des essais avec différentes combinaisons d'équipements. La quantité de débris végétaux augmente avec la vitesse de rotation des batteurs. La meilleure efficacité a été obtenue avec la combinaison d'un érafloir, suivi d'un tri manuel, pour le merlot et le cabernet-franc de 1999.
Les tables vibrantes égoutteuses sont conçues pour étaler la vendange de façon homogène pour mieux repérer les éléments à éliminer. Elles facilitent beaucoup le tri. De la même façon, cette étape est aidée par le réglage doux de l'érafloir, qui précède la table de tri. Les baies ne doivent pas être éclatées par les batteurs. Certaines formes de batteurs sont moins agressives que d'autres. L'érafloir doit se cantonner à la séparation des baies de leur rafle. Il ne doit pas faire office de fouloir, comme on le voit parfois. Jean-Michel Marron a une méthode pour ajuster la vitesse de l'érafloir afin de travailler le plus qualitativement possible. Elle repose sur l'observation de l'état des rafles éliminées : ' A la sortie des déchets, si on trouve quelques baies attachées ou non à leurs rafles, c'est que le travail de l'érafloir est doux . ' Sans pour autant rechercher ce comportement, mieux vaut limiter la vitesse et la maintenir proche du minimum.
Le réglage des machines (machine à vendanger, érafloir et fouloir) se module chaque année, pour chaque cépage, selon leur maturité et leur comportement lors de leur passage. Au début des arrivages, il est judicieux d'observer le comportement des baies, de régler les vitesses de rotation et de transfert. Malheureusement, la vitesse d'entrée de vendange dans la cave est aussi tributaire de la météo. Il faut donc trouver le compromis entre le respect des raisins et la nécessité de rentrer la vendange.

Mais attention, le tri repose aussi sur le personnel. Les conditions de travail doivent lui permettre de rester très vigilant sur toute la durée d'un arrivage. Le personnel doit disposer d'un bon éclairage pour prévenir la fatigue visuelle. Des renouvellements d'équipes sont à prévoir pour éviter la baisse de la vigilance. Le passage d'une benne à une autre est le moment idéal pour une pause.
L'intégration d'un module de tri dans une cave ne change pas radicalement la façon de vinifier. Les vignerons trouveront peut-être leurs vins moins tanniques et moins agressifs. Cela peut leur déplaire, et faillir à la typicité des vins qu'ils avaient pris l'habitude de produire. En revanche, cela donnera plus de latitude pour la gestion des macérations. Le caractère végétal aura moins de risque d'apparaître, car la vendange aura été mieux dépouillée des éléments ligneux. Parfois, la présence de rafles est recherchée pour participer à l'astringence du vin. Elles se conservent volontiers lorsqu'elles sont bien mûres, elles ne libèrent pas ce caractère végétal.
Pour organiser une chaîne de tri, les caves doivent pouvoir accueillir ces machines et ce personnel. Leur configuration et la place disponible ne leur permettent pas toujours. et leur budget non plus, dans certains cas. ' Les contraintes de travail doivent être intégrées, celles de rendement aussi ', prévient Daniel Granes, directeur de l'ICV de Narbonne. La vitesse de remplissage des cuves en sera souvent ralentie. L'entretien et l'hygiène de ces matériels devront aussi être assurés.
L'expertise nécessaire pour organiser le tri peut se faire avec le concours des oenologues conseils et de différents organismes techniques. ' J'encourage les vignerons à visiter les caves de confrères pour s'inspirer de leur organisation ', poursuit Jean-Michel Marron. Finalement, la priorité d'équipement pour l'obtention de vins rouges est un enchaînement récolte-transport-réception adéquats, puis la maîtrise des températures, et un bon pressoir. Ce n'est pas le cas pour les vins blancs.

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