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Le secteur vitico le français reste très atomisé

La vigne - n°135 - septembre 2002 - page 0

Une analyse de la situation financière de 530 sociétés, commercialisant des vins tranquilles et des effervescents, confirme que notre filière reste très atomisée par rapport aux autres entreprises agroalimentaires. La suite de l'étude, portant jusqu'aux comptes 2001, est en préparation.

La synthèse de l'analyse financière des entreprises de la filière vitivinicole entre 1992 et 1998, qui vient d'être publiée par l'Onivins, permet de mettre à jour les points forts et les points faibles du secteur viticole. Certes, la période étudiée date de trois ans, mais cette photographie des entreprises, dont le chiffre d'affaires dépassait les 20 millions de francs (3,05 Meuros) en 1998, apporte une vision dont les grandes lignes restent d'actualité.
Les résultats financiers de 430 entreprises de vins tranquilles et de 100 entreprises de vins effervescents ont été analysés par Jean-Pierre Couderc, maître de conférences à l'Ensa de Montpellier. La suite de l'étude, portant jusqu'à l'exercice 2001, est d'ailleurs en préparation. La portée politique de cette étude est considérable. En effet, depuis le rapport Booz Allen Hamilton, au milieu des années 1990, jusqu'à toute la réflexion actuelle autour du groupe de travail de Jacques Berthomeau, beaucoup considèrent que la taille de nos entreprises de commercialisation est globalement trop faible pour lutter efficacement, notamment au plan international. C'est sûrement vrai pour certains marchés et certains types de vins. Mais globalement, la richesse et les performances de la viticulture française sont à mettre à l'actif de son tissu de PME, ce qui en fait une spécificité forte, en particulier par rapport aux viticultures du Nouveau Monde.

Premier constat de cette étude : la filière a montré une tendance à la déconcentration entre 1992 et 1998, à l'inverse de ce qui a pu se produire dans les autres industries de l'agroalimentaire.
Ainsi, la comparaison du poids relatif des huit entreprises les plus importantes en chiffre d'affaires (CA) met-elle en évidence un recul de plus de 25 % entre 1992 et 1998. L'entreprise la plus importante de vins tranquilles pesait moins de 5 % du CA total en 1998, tandis que les huit premières cumulaient seulement 20 % du chiffre d'affaires total.
La situation diffère dans le secteur des vins effervescents, lequel est deux fois plus concentré que celui des vins tranquilles. Les huit entreprises les plus importantes représentaient presque la moitié du CA total en 1998. Mais exceptée une multinationale en Champagne (LVMH), aucune entreprise ne dépasse les 5 % du CA global. Au sujet de la concentration du négoce en Champagne, les chiffres fournis par l'Union des maisons de Champagne montrent que le regroupement des négociants n'est pas aussi important que beaucoup le supposent : en 1985, les dix premières entreprises représentaient 78 % du CA du négoce, contre 86 % en 2000, soit huit points de plus en quinze ans.

L'atomisation de la filière engendre plusieurs caractéristiques : 67 % des entreprises étudiées sont dirigées par des familles ; très peu de sociétés dépassent le seuil des 500 salariés, et leur activité est souvent très régionale, en raison du lien au terroir. L'analyse financière des entreprises de vins tranquilles montre un CA moyen de 130 MF (19,82 Meuros) en 1998, en progression de 21 % sur la période 1995-1998, et de 15 % sur 1992-1995. L'export représente 30 % du CA total et les effectifs moyens ont progressé de 9 % entre 1992 et 1998. Le bénéfice net moyen (3 MF, soit 0,46 Meuros) atteint près de 2,5 % du CA, ce qui est dans la moyenne basse des entreprises agroalimentaires et bien en dessous des sociétés du secteur tertiaire, qui dépassent souvent les 15 % de rentabilité. A noter que le bénéfice sur CA est assez faible dans l'agroalimentaire car les marchés sont arrivés à maturité.
Du côté des vins effervescents, la taille moyenne des opérateurs est plus élevée. Le CA moyen atteignait 220 MF (33,54 Meuros) en 1998, avec une activité beaucoup plus capitalistique que celle des vins tranquilles. En 1998, il fallait en effet 200 F (30,49 euros) d'actif net dans les effervescents, contre seulement 80 F (12,20 euros) dans les vins tranquilles, pour réaliser 100 F (15,24 euros) de CA. L'élaboration des vins effervescents exige des investissements plus lourds en cuverie, en chai de vieillissement, en outil d'embouteillage et en stock (trois à quatre ans en Champagne). Les exportations en vins effervescents totalisaient 40 % du CA en 1998, taux qui reste inférieur à ce qu'il était en 1992, avant la période de crise.
Sur le plan régional, l'analyse met en avant que les entreprises bordelaises et bourguignonnes ont rapidement retrouvé leur équilibre financier après la crise. Le Languedoc-Roussillon et la vallée du Rhône affichaient plus de dynamisme, mais des ratios financiers moins bons. En Alsace, dans le Sud-Ouest et en Provence, les entreprises opèrent le plus souvent sur des marchés de niche, qui leur offrent peu de potentiel de croissance, mais une bonne rentabilité. L'étude a également démontré que la taille de la société n'était pas un critère de performance financière : les stratégies de différenciation ou de légitimité du lien au terroir compensent très largement les économies d'échelle.

Jean-Pierre Couderc a également analysé en détail les trente-neuf entreprises les plus performantes, celles dont le bénéfice représentait presque 10 % du CA en 1998 : elles sont de taille modeste, avec un taux d'exportation très élevé, un fort taux de valeur ajoutée et une forte productivité du travail, de forts actifs immobilisés et beaucoup de stocks, des capitaux propres importants dont la rentabilité est bonne, et peu de dettes financières. On peut également ajouter à ce tableau que ces entreprises possèdent généralement des vignes, souvent acquises à une période où le foncier était plus accessible qu'actuellement. De plus, le fait de posséder un vignoble, notamment s'il est prestigieux, permet de mieux valoriser les vins, rareté oblige...
Enfin, contrairement à ce que l'on pourrait penser, il n'y a pas de corrélation entre l'ancienneté de l'entreprise et sa performance économique. Par ailleurs, l'accroissement de la taille de la société tend à diminuer sa rentabilité, alors que la concentration du capital et l'internationalisation sont des facteurs favorisant de bons résultats.

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