Au XVIII siècle, 79 noms de cépages apparaissent, alors que de l'an 1000 à 1700, 50 variétés seulement s'étaient révélées.
Le XVIIIe siècle se situe sous le signe de la profusion de nouveaux noms de cépages, contrairement aux années 1701-1750 au cours desquelles seuls 26 variétés apparaissent. La nouveauté : ces noms ne surgissent pas tous au hasard d'un texte isolé. Des agronomes, nous dirions des chercheurs aujourd'hui, prospectent systèmatiquement une région pour trouver de nouveaux plants, les proposent à des collègues d'autres provinces, voire les multiplient sur leurs domaines pour juger de leurs aptitudes.
En 1706, apparaît le colombard, dans la région des Charentes, cépage blanc aujourd'hui bien connu du Blayais et dont le moût est à la base de nombreux pineaux des charentes. En 1715, c'est l'aragnan blanc, qui entre toujours dans l'appellation palette ; le téoulier noir, longtemps cultivé dans la région de Manosque, mais qui a fortement régressé depuis le XIX e siècle ; le bouteillan noir, lui aussi provençal ; le mourvèdre, toujours prisé, et qui occupe une belle place des Pyrénées-Orientales au Gard, sans oublier Bandol qui en a fait son cépage dominant. Enfin, dans ce bouquet de 1715, connu grâce à Pierre Garidel qui décrit les plantes des environs d'Aix-en-Provence, l'olivette blanche, raisin de table aujourd'hui peu connu, qui précède l'olivette noire, variété différente originaire de la Russie méridionale.
En 1722, l'aubin blanc est localisé dans la région de Metz et de Toul. En 1732, le béclan noir apparaît, toujours présent dans le Jura, et le moulan blanc (c'est le peurion de Besançon), jurassien aussi et dont le nom a parfois désigné le chardonnay ; mais c'est surtout le savagnin blanc, cépage d'excellence qui, dans ce même Jura, donne le vin jaune, ce vin étonnant et confidentiel ; le trousseau, cépage noir de la même région, est lui aussi très prisé et souvent associé au poulsard.
En 1736, l'abbé Bellet, chanoine de Cadillac et académicien associé de l'Académie royale des sciences, belles-lettres et arts de Bordeaux, dresse pour cette académie un catalogue des différents cépages qui se cultivent dans la province de Guyenne. 10 noms figurent dans ce catalogue pour cette période.
Et d'abord le sémilion, dit encore saint-émilion, le raisin blanc qui domine dans la région de Sauternes et produit les grands liquoreux. Avec ce cépage, la muscadelle (appelée guillan doux ou musqué), toujours présente en Gironde et en Dordogne. Autre blanc, l'enrageat, plus connu sous le nom de folle blanche, qui est promis à un bel avenir dans la production d'eaux-de-vie. D'ailleurs, en 1732, sous le nom de gros plant, ce cépage est mentionné à Saint-Herblain (Loire-Atlantique). Ajoutons la chalosse sans que l'on puisse dire exactement à quel cépage il est fait référence, puisque divers plants portent ce nom dans le Sud-Ouest, mais à Lavilledieu (Haute-Garonne), la chalosse est aussi la folle blanche. Le malaga désigne le muscat d'Alexandrie, parfois même le sémillon. L'abbé Bellet écrit qu'il est ' rare, bon pour les liqueurs et confitures '.
Dans les cépages noirs, on relève le mancin, le morrastel, le périgord (appelé mérille en Dordogne), le gros et le petit verdot, qui sont ' bons ' tout comme la grosse vidure (cabernet franc) ou la petite vidure (cabernet sauvignon).
Par ailleurs, en 1738, on parle du lyonnais noir, appelé gouget à Montluçon, mais qui désigne aussi le gamay par la proximité du Beaujolais. En 1750, est signalé le blanc fumé qui est le nom du sauvignon dans la Nièvre (vin de Pouilly-Fumé). Le tokay (pinot gris) et le riesling, cépages alsaciens, s'affirment dans ces mêmes années. Les noms sont connus depuis le XV e siècle dans la région rhénane, mais il n'est pas possible d'affirmer qu'ils sont, au XVIII e siècle, les descendants de ces anciens homonymes allemands ; l'essentiel est que leurs qualités soient toujours reconnues.