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Quand les microrganismes s'allient au vigneron

La vigne - n°135 - septembre 2002 - page 0

Divers microrganismes offrent des perspectives intéressantes dans la lutte contre les maladies fongiques et les ravageurs. Plusieurs équipes se sont engouffrées dans ce créneau et obtiennent des résultats, prometteurs pour certains et décevants pour d'autres.

Des bactéries à la rescousse des vignerons pour lutter contre le botrytis : telle est la piste de travail sur laquelle planchent, depuis trois ans, les chercheurs de l'Unité de recherche vignes et vins de Champagne (URVVC) dans le cadre du Réseau vignes et vins septentrionnaux (RVVS) (1). ' Vu le contexte actuel, il est nécessaire de réfléchir rapidement à des solutions alternatives à l'application de produits phytosanitaires si on ne veut pas se retrouver devant des impasses, à l'instar de la lutte contre les maladies du bois depuis l'interdiction de l'arsénite de soude ', explique Christophe Clément, de l'URVVC à Reims. En 2001, 282 souches de bactéries autochtones ont été isolées. Elles proviennent d'une parcelle de chardonnay située dans la Marne ; elles ont été prélevées à différents niveaux d'organisation de la vigne (racines, tiges, feuilles) et de la rhizosphère.
D'après les tests in vitro, 28 de ces souches protègent efficacement la vigne contre le botrytis à des taux variant de 85 à 100 % par rapport au témoin. L'identification a mis en évidence 15 souches distinctes appartenant à trois genres majeurs : Pseudomonas, Bacillus et Pantoea. 10 de ces bactéries peuvent bloquer la croissance de Botrytis. D'autres induisent une élicitation des défenses naturelles de la vigne.

Parallèlement, les chercheurs appréhendent les mécanismes impliqués en étudiant l'agent de lutte biologique Pseudomonas PsJN . Cette bactérie après introduction se propage dans tout le vitroplant de chardonnay , stimule sa croissance, confère une protection vis-à-vis de Botrytis et une stimulation des défenses naturelles. Ces résultats sont encourageants, mais doivent être validés sur le terrain. Les essais sont en cours. A terme, on peut envisager l'apport d'un cocktail de bactéries par pulvérisation, badigeonnage ou arrosage au sol. Toutefois, Christophe Clément stipule qu'' il ne s'agira pas d'une solution miracle, mais d'une alternative parmi d'autres permettant la réduction des traitements phytosanitaires '.
Sécurité alimentaire et protection de l'environnement obligent, les recherches dans ce domaine abondent. A l'université de Bourgogne, Bernard Paul explique que le sol recèle une multitude de microrganismes, dont certains sont naturellement antagonistes des agents phytopathogènes. Cependant, l'application répétée de produits phytosanitaires détruit ces populations ' utiles '.
Les champignons, tels que Trichoderma, Gliocladium, Pythium ou Sordaria, sont des mycoparasites. Les Pythium étant des cousins du mildiou, ce dernier ne se développe pas en leur présence. Les levures saprophytes, comme Rhodotorula glutinis ou Cryptococcus albidus , inhibent la germination des conidies de Botrytis cinerea en induisant une compétition pour les nutriments et la production dans les feuilles de composés inhibiteurs. De plus, elles produisent des enzymes qui dégradent la paroi du pathogène.
Quant aux bactéries, elles stimulent les défenses naturelles et produisent des composés antifongiques. Plusieurs souches ont été isolées, appartenant aux genres Bacillus, Pseudomonas et Serratia . Bernard Paul a composé un cocktail de microrganismes pouvant être pulvérisé sur la vigne. D'après lui, cette préparation permet de lutter contre l'oïdium, le mildiou et le botrytis tout en ayant un effet préventif sur les maladies du bois. Elle permet de renforcer les défenses naturelles de la vigne. Ce cocktail a été testé en 2001 au sein d'un domaine bourguignon, et comparé avec un témoin et une stratégie de protection chimique raisonnée. Les résultats ont montré une attaque dans la partie lutte biologique inférieure au témoin, mais supérieure à la lutte raisonnée. L'expérimentation sera poursuivie. Grâce à ces résultats, la formule est en passe d'être brevetée.
A l'ITV, les chercheurs ont étudié, en 1999 au vignoble, des spécialités à base d' Ulocladium atrum et de Fusarium sp. sur différents cépages et dans différentes régions. Les résultats ont été décevants puisqu'ils ont obtenu, au mieux, 35 à 45 % d'efficacité en Bourgogne où le développement de la pourriture a été faible (5 %). Dans le Bordelais, le Gaillacois, en Armagnac et en Alsace où les attaques furent plus sévères, les efficacités furent nulles ou quasi-nulles. De même qu'en 2001, les essais réalisés avec Fusarium atrum sur Blanquefort (Gironde) furent très peu concluants.

Quant aux Trichoderma, ' avec des souches sélectionnées au laboratoire, on obtient de bons résultats, mais certaines spécialités mises sur le marché peuvent s'avérer décevantes ', indique un chercheur. La société Biophytech, à Montpellier (Hérault), a fondé son activité sur l'utilisation des Trichoderma ou de ses métabolites en protection biologique des cultures. D'après elle, les vignerons se révèlent satisfaits par leurs préparations et obtiennent de bonnes efficacités. A l'Inra de Bordeaux (Gironde), après trois années d'essais avec Ulocladium, les résultats ont montré des efficacités variables, voire nulles l'année où le botrytis fut explosif en fin de saison. Mais Ulocladium présente l'avantage d'être plus facile à produire industriellement car il est plus robuste que Trichoderma.

(1) Le RVVS regroupe des chercheurs de Champagne, Bourgogne et Alsace.



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