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Avec la chaleur, des rouges plus expressifs

La vigne - n°135 - septembre 2002 - page 0

En Beaujolais, le chauffage du gamay avant fermentation donne des vins nettement plus colorés et aux arômes plus intenses. En Bourgogne, les pinots noirs gagnent à être chauffés après la fermentation. Ces procédés sont à l'essai dans d'autres régions.

Deux techniques permettent d'extraire davantage de composés phénoliques des baies de raisin : la macération préfermentaire à chaud, utilisée depuis longtemps en Beaujolais, se réalise avant la fermentation alcoolique ; la macération finale à chaud, préconisée en Bourgogne, se positionne après la fin des sucres.
La macération préfermentaire à chaud est un type de thermovinification développé pour obtenir des vins fruités et structurés. La vendange entière est chauffée à 60-65°C et on la laisse macérer à chaud pendant une dizaine d'heures. L'ensemble est ensuite refroidi et levuré lorsque la cuve atteint 20-25°C. Le reste de la vinification est traditionnelle. Toutefois, la durée de macération peut être écourtée, voire réduite de moitié. ' Cette technique permet d'extraire davantage de tanins que la thermovinification classique, et la couleur obtenue est stable dans le temps ', résume Philippe Cottereau, de l'ITV Nîmes.
' On chauffe le jus en circuit fermé, assez rapidement pour ne pas stagner aux alentours de 40°C, température où sont activées les enzymes d'altération du moût (laccase, oxydases du raisin) ', précise Valérie Lempereur, à l'ITV de Villefranche-sur-Saône. La destruction des enzymes par la chaleur, bénéfique lors de vendanges altérées, pose des problèmes lors du pressurage et de la clarification, car les pectinases du raisin sont détruites. Leur absence se ressent d'autant plus que le chauffage augmente l'extraction des pectines du raisin. Or, ces composés freinent le débourbage naturel des moûts. Des enzymes pectolytiques résistantes à 65°C, facilitant la clarification, sont d'ailleurs depuis peu mises sur le marché.
En Beaujolais, la macération préfermentaire à chaud, utilisée depuis une quinzaine d'années, est testée depuis 1994 par l'ITV et la Sicarex. Le gain en couleur est net par rapport à la vinification traditionnelle (semi-carbonique en grappes entières). L'intensité colorante augmente en moyenne de 48 %. Les vins sont plus riches en polyphénols totaux. Si l'augmentation de couleur est appréciée, la tanicité supplémentaire est parfois jugée excessive en dégustation des cuvées pures (vendange éraflée ou non). Enfin, les arômes obtenus sur gamay, plus intenses et dominés par les notes cassis et bourgeon de cassis, se distinguent des arômes amyliques de la vinification traditionnelle. L'ITV conseille d'utiliser ces cuvées en assemblage.
En Languedoc-Roussillon, des essais menés depuis 1999 sur vendange égrappée et foulée, il ressort que l'équilibre acide final n'est pas ou peu modifié. Que la matière première ait un petit ou un fort potentiel polyphénolique, le gain en tanins est nettement plus élevé par rapport au gain en couleur.

Cette richesse polyphénolique est stable dans le temps. L'intensité fruitée, renforcée chez le gamay, n'augmente pas pour les cépages testés ici. Seul le profil aromatique est modifié pour certains cépages. Le chauffage diminue le caractère ' poivron ' sur cabernet franc, cabernet sauvignon, fer servadou (testé par l'ITV de Gaillac) et sur marselan. Ces observations restent préliminaires. ' On en est encore au stade pilote , précise Philippe Cottereau. On cherche à savoir sur quel cépage et quel type de vendange cette technique serait intéressante. '
En vallée du Rhône, des essais ont été effectués sur les cépages méridionaux. Il en résulte un net gain de couleur et une concentration supérieure en tanins. En revanche, les profils aromatiques et leur intensité ne semblent pas modifiés. ' Cette technique a une application limitée, remarque Nicolas Constantin, oenologue d'Inter Rhône, car elle demande un fort équipement en calories et en frigories, afin de réaliser ces variations de température, ainsi qu'une cuverie capable de supporter ces contraintes thermiques. ' Il faut, par exemple, éviter les cuves en ciment, qui se fissurent sous l'effet de la chaleur.
En fin de fermentation, c'est la macération finale à chaud qui peut donner des résultats intéressants. Elle a été adaptée par l'ITV de Beaune pour les vins de Bourgogne. Lorsque la fermentation alcoolique est terminée et avant de procéder au décuvage, la cuve est chauffée à 40-42°C. L'idée est d'obtenir la meilleure extraction possible des polyphénols, tout en conservant les qualités organoleptiques.

La technique donne de bons résultats sur les vins de pinot noir : 25 % d'intensité colorante et 15 % de polyphénols en plus. Les qualités visuelles sont nettement améliorées, les qualités sensorielles dans une moindre mesure. Une étude est en cours pour caractériser les modifications aromatiques engendrées par la macération finale à chaud. Les nuances de fruits rouges peuvent être modifiées et des notes de fruits secs, de foin, de tabac peuvent apparaître. Des variantes, comme le profil thermique exponentiel, qui consiste à refroidir la vendange en fin de fermentation à 14°C, puis à la réchauffer, par étapes, en huit jours, jusqu'à 42°C avant de la refroidir à nouveau, permettent une meilleure expression de la qualité sensorielle. Dans tous les cas, une macération finale à chaud se pratique sur cuve fermée ou couverte pour éviter une perte d'alcool par évaporation. Le chauffage à 40°C en fin de cuvaison permet, en outre, d'éliminer l'activité laccase dans le cas d'une vendange botrytisée. Enfin, ' une macération finale à chaud n'entraîne pas d'élévation anormale du taux de carbamate d'éthyle, comme cela a pu être observé dans le Bordelais pour des températures plus élevées ', témoigne Vincent Gerbaux, à l'ITV de Beaune.
La macération finale à chaud a aussi été testée en Suisse, sur pinot noir et gamay, pendant respectivement quatre et deux millésimes. Ce chauffage à 42°C pendant un à un jour et demi améliore la qualité sensorielle des vins, surtout de pinot. Le vin s'enrichit en tanins soyeux, tendres et enrobés. Les résultats sont meilleurs pour des rendements à la vigne de 1 kg/m², que sur des vignes fortement limitées (0,5 à 0,6 kg/m²). Autant que la région et le cépage, l'objectif de produit fini, l'organisation et l'équipement à la cave déterminent le mode d'extraction de la couleur à adopter. Avec toujours, la qualité de la matière première au centre des préoccupations.

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