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Campanie

La vigne - n°135 - septembre 2002 - page 0

Dans le vignoble très morcelé de Campanie, au sud de l'Italie, près de Naples, on joue à fond la carte des cépages locaux avec un certain succès. Dans de superbes paysages, des investisseurs tentent même leur chance dans la viticulture.

Les vignobles du Vésuve et de la Campanie, au sud de l'Italie, recèlent bien des surprises. Tout d'abord, le sol volcanique, riche en potassium et en phosphore, est considéré comme défavorable au phylloxéra. Ensuite, la dispersion de la vigne dans de minuscules parcelles et jardins a favorisé la persistance de cépages anciens, aujourd'hui recherchés.
Compte tenu de cette atomisation du vignoble, les 41 000 ha annoncés restent approximatifs. La production est mieux connue : les 284 700 t de raisins de cuve ont donné 2,249 Mhl de vin et de moût en 2000. Les vins de table et de pays sont plutôt rouges (deux tiers des volumes). En revanche, les vingt appellations d'origine correspondent à du vin blanc pour 61 %. La production de ces DOC (dont une DOCG, Taurasi) - équivalent de nos AOC - augmente : elle a quintuplé en dix ans, mais ne dépasse pas 6 % des volumes. Les cépages dits internationaux ne représentent que 1 % des surfaces : aucun n'entre dans les décrets d'appellation où on ne trouve que des cépages locaux, en rouge (aglianico, piedirosso...) ou en blanc (fiano, coda di volpe, greco, falanghina...).

En Campanie, le développement des cépages locaux s'appuie sur les vestiges de Pompéi et sur des écrits antiques, en particulier Historia Naturalis, de Pline. Des chercheurs ont même reconstitué des parcelles ensevelies sous les cendres du Vésuve en l'an 79. Les moules des racines de ceps et de piquets ont été conservés, ainsi que la cave avec les vases où fermentait le moût. Ces vignobles étaient conduits en pergola avec des ceps rapprochés (1,1 × 1,1 m) sur des piquets hauts de 2,40 m ' pour assurer un fort rendement en zone urbaine où la terre est rare, afin de limiter les adventices par l'ombre portée au sol et garantir à la vigne la quasi-totalité de la réserve hydrique et minérale. La pergola cache aussi les grappes aux oiseaux et les soustrait aux prédateurs terrestres ', lit-on dans Pallas, une revue d'études antiques.
Aujourd'hui, peu de choses ont changé, même si les modes de conduite ont évolué. L'objectif de cette reconstitution historique est double : mieux connaître les techniques antérieures au phylloxéra et communiquer sur la dimension historique du vin en Campanie. ' Cependant, les méthodes de vinification actuelles permettent d'avoir des vins moins rudes à boire ! ', sourit Vincenzo Mercurio, oenologue de la maison Mastroberardino, frais émoulu d'une école française.
A 74 ans, Antonio Mastroberardino dirige sa société familiale avec son fils Piero. Pour promouvoir le passé local, il s'entoure d'une équipe jeune, formée à l'étranger. ' En France, le phylloxéra est arrivé vers 1860, ici seulement en 1930. Ma famille a donc exporté beaucoup de vin à cette époque. Après-guerre, l'école de viticulture conseillait de planter des variétés françaises ; j'ai refusé l'uniformisation du goût et retrouvé les cépages du passé . Je me suis dit que la guerre finie, les gens songeraient au bien-être et au tourisme. Que les vins locaux doivent accompagner notre cuisine. Que le blanc correspond mieux au goût américain, car il se boit froid comme le whisky . '
Sur 2,8 millions de bouteilles annuelles, Mastroberardino produit 80 % de vin blanc. Il possède 130 ha, répartis dans onze vignobles sur toute la Campanie, et achète du raisin à 450 familles totalisant 350 ha, à environ de 2 euros/kg. ' Mais ce prix varie du simple au double selon le cépage et la qualité. ' Le parcellaire évolue, les vieux propriétaires vendent leur parcelle à partir de 8 000 euros/ha (prix de base sans vigne) ; des droits de plantation sont également achetés. Les dix-huit employés conseillent les petits propriétaires dans la conduite de leur vigne.

Chez Grotta del Sole, une autre maison, on sait aussi gérer la dispersion : les raisins de 250 familles sont collectés et le goulot de chaque bouteille porte une étiquette avec leur nom pour les motiver dans la démarche qualité. Certaines ont augmenté leurs surfaces à l'initiative de Grotta del Sole. La superficie finale est difficile à connaître... ainsi que le rendement que la DOC limite de 100 (Taurasi, Greco...) à 150 q/ha (Solopaca). Les grappes de différents cépages sont souvent pressées ensemble. Grotta del Sole, comme Mastroberardino, distribue presque toutes ses bouteilles à la restauration et ne vend pas aux supermarchés.
En Campanie, les coopératives représentent 31 % des volumes. Cantina Sociale Val Calore, la plus importante d'entre elles, vinifie 3 000 hl avec les raisins de 1 400 coopérateurs.

Autre approche assez fréquente dans la région : banquiers, industriels et grandes entreprises investissent dans la vigne et rémunèrent de prestigieux vinificateurs ' à prix d'or '. ' Ils font augmenter le prix de l'hectare ', observe Jean-Jacques Marzanno, jeune français directeur des ventes de Mastroberardino. Produire du vin est également à la mode ici.
Torre Gaia constitue un exemple d'entreprise non familiale administrée par des investisseurs : le château avec piscine et sporting club est destiné aux réceptions d'entreprise ou privées et à l'agrotourisme. Les 64 ha de vigne bio sont vendangés avec l'une des rares machines de Campanie. Comme dans les précédentes caves, les prix vont de 4 euros la bouteille à 25 euros pour le vin vedette : Torre Gaia 97 ou, chez Mastroberardino, l'étonnant Naturalis Historia, création personnelle titrant 14,2°, classée en vin de pays... et réservée plusieurs années à l'avance.

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