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Couleur des rosés : difficile de viser la juste nuance

La vigne - n°135 - septembre 2002 - page 0

Le terroir, la date de récolte, la macération, le pressurage ou les levures sont autant de facteurs qui influencent la couleur des rosés. Dans le Var, un centre de recherche a organisé un colloque le 4 juillet pour faire le point sur la question.

'L'obtention des rosés, c'est la quadrature du cercle, explique Gilles Masson, directeur du Centre provençal de recherche et d'expérimentation sur le vin rosé, à Vidauban (Var). Les vignerons recherchent à la fois un vin sans trop d'alcool, avec suffisamment d'arômes, mais également d'une couleur pas trop intense. ' En effet, tous ces paramètres sont difficilement réunis.
Le Centre du rosé veut fournir des réponses aux besoins des vignerons pour réussir la couleur de leurs rosés. Les résultats permettront aux producteurs de rosés dans d'autres régions viticoles d'améliorer, eux aussi, leur façon de travailler. Le colloque du 4 juillet s'est donc centré sur la problématique de la couleur. Rappelons qu'un vin rosé est tout d'abord jugé à sa teinte. Il sera ensuite apprécié pour ses qualités organoleptiques.
Afin de décrire sans ambiguïté la couleur et suivre son évolution, les oenologues du Centre du rosé ont mis au point un nuancier. Jusqu'à présent, il n'y avait pas assez de termes pour décrire la multitude de tons et de nuances que peut offrir un rosé. Actuellement, le nuancier est sur papier, et compte 143 teintes différentes. Le Centre du rosé travaille sur l'élaboration d'un nuancier sous forme d'échantillons liquides, ce qui rendrait la comparaison plus facile pour le dégustateur. Au moment d'une dégustation, chaque membre du jury choisit la case qui correspond, selon lui, à la couleur du vin, la moyenne des réponses donnant la couleur de référence du vin. ' Ce nuancier a obtenu un écho très favorable. Les vignerons commencent à l'utiliser comme outil de cave ', remarque Gilles Masson.
Pour tenir ses objectifs de couleur, il faut connaître les facteurs qui l'influencent. C'est en premier lieu le terroir. Trois années d'études de la chambre d'agriculture du Var montrent qu'il est à l'origine d'une grande variabilité de l'intensité colorante des rosés de grenache et de cinsaut de Provence. Cette variabilité se révèle autant par les analyses de laboratoire qu'à l'oeil. Elle est plus grande dans le cas du grenache que du cinsaut. L'intensité colorante du premier varie de 1 à 5 selon le terroir, celle du second seulement du simple au triple. A une même date de récolte et pour un même mode de vinification, certains terroirs varois fournissent des rosés pâles alors que d'autres en offrent de bien plus foncés.

Ensuite, la maturité du raisin intervient en jouant sur l'extractibilité des anthocyanes. L'extraction des pigments se faisant en phase aqueuse, c'est plus leur extractibilité qu'il faut considérer que la teneur en anthocyanes des raisins. En effectuant des vinifications de raisins récoltés plus ou moins tardivement, l'ITV a montré que la couleur évolue. En ce qui concerne le mourvèdre, une récolte plus tardive renforce la composante jaune. Les vins sont alors plus foncés, mais aussi plus orangés. Pour les cépages cinsaut, grenache et syrah, les proportions de jaune et de rouge varient peu, ou alors en faveur du rouge. Mais dans certains cas, la couleur n'évolue pas de cette façon et peut même diminuer, car les anthocyanes deviennent moins extractibles. Il est donc nécessaire de connaître au mieux la matière première pour préjuger du comportement du vin. Des essais de stabilisation de la couleur par addition de tannins sont également réalisés.
La macération a un impact sur la couleur. Les oenologues utilisent le froid et la durée de macération pour modérer l'extraction d'antho- cyanes, tout en obtenant des arômes. La macération à froid limite parfois la libération d'arômes, mais cela peut être compensé par ceux libérés lors de la fermentation.

Les levures ont également une influence sur la couleur. Aujourd'hui, aucune activité enzymatique favorisant l'extraction des anthocyanes n'a été décelée dans ces ferments. En revanche, leur capacité d'adsorption des pigments dans leurs parois peut beaucoup varier. C'est ce qu'on appelle l'effet ' éponge '. Les cellules auraient alors une forte incidence sur la quantité et la qualité des anthocyanes restant dans le vin.
L'autolyse des levures et donc le relargage des polysaccharides pariétaux pouvant se lier aux anthocyanes, auraient également une certaine influence sur la teinte des vins rosés. Leur présence favoriserait essentiellement la stabilisation de la couleur. Enfin, il existe des levures n'ayant pas d'activité b-glycosidase. Elles ne peuvent donc pas diminuer la concentration de la forme glycosylée des anthocyanes, qui est la plus stable. La couleur précipite alors moins facilement.
Enfin, le SO 2 a bien évidemment un impact sur la couleur des rosés puisqu'il entraîne la décoloration des anthocyanes. Et plus un vin rosé est riche en éthanal combinant le SO 2, plus sa couleur tend vers le rouge.

Lors du sulfitage des rosés, il faut donc trouver un compromis entre une bonne stabilisation des vins par ce conservateur et la préservation de leur couleur afin de répondre à la demande du marché. La couleur du rosé évolue beaucoup au cours de la vinification. La concentration en SO 2 libre a un rôle déterminant sur l'appréciation de la couleur au fur et à mesure de la vinification. Au moment du débourbage, il est difficile d'apprécier la couleur en raison de la présence de SO 2 libre. Au démarrage de la fermentation alcoolique, le SO 2 libre diminue et la couleur revient. L'analyse de la couleur ne peut donc pas être significative sans connaître la teneur en SO 2 libre.
Sur trois millésimes, le Centre du rosé a pu déterminer qu'il y a une perte d'environ 50 % des anthocyanes entre le débourbage et le moment où le vin est mis en bouteilles. L'intensité colorante chute d'environ 80 %, essentiellement durant les deux premières journées de la fermentation alcoolique. Il est donc assez périlleux d'estimer la couleur finale d'un vin en appréciant celle d'un jus au moment du débourbage. Mais c'est pourtant l'un des objectifs visés par le Centre du rosé.

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