A l'est de la Californie, les Foothills, premiers contreforts de la Sierra Nevada, attirent de plus en plus de vignerons. La plupart des producteurs sont à la tête d'exploitations familiales, une particularité pour le premier Etat viticole des Etats-Unis.
Pour l'heure dans l'ombre de la Napa Valley, de nombreux vignobles pourraient apparaître rapidement sur le devant de la scène cali- fornienne. ' Notamment ceux des Sierra Foothills, prometteurs aussi bien en termes de volume que de qualité ', affirme Paul Molleman, représentant du Wine Institute pour l'Europe. Les Foothills sont les premiers contreforts de la Sierra Nevada, montagne située à l'est de l'Etat de Californie. Quelque 80 wineries s'y échelonnent sur environ 250 km entre Yuba, au nord, et Mariposa, au sud. 90 % des surfaces plantées sont concentrées dans les comtés d'El Dorado, Amador et Calaveras : on y trouve près de 60 wineries, 300 viticulteurs et 4 000 ha de vignes. Ici, on plante beaucoup et les statistiques ne sont pas toujours à jour... Mais les conditions pédo-climatiques sont favorables à la vigne et le foncier est beaucoup moins cher que dans la Napa Valley. Les terres se négocient entre 37 500 et 100 000 euros l'hectare. ' Rien que dans notre comté, cinq ou six nouvelles wineries vont ouvrir l'an prochain et on estime à 4 000 ha les surfaces aptes à donner de bons vins. Or, seuls 600 ha sont plantés ', remarque Greg Boeger, 59 ans, issu d'une famille de vignerons de la Napa Valley. C'est le premier à s'être installé à El Dorado en 1972, initiant ainsi le retour de la viticulture dans la région.
Au milieu du 19 e siècle, lorsque la ruée vers l'or attira des milliers de prospecteurs, des émigrants français et italiens se lancèrent dans cette activité. Mais l'épuisement des filons, puis la prohibition lui portèrent un coup fatal. ' A mon arrivée, il ne restait que 11 ha de vignes ', se souvient Greg Boeger. Avec sa femme et son fils, il exploite 36 ha, produit 240 000 cols, avec vingt employés : ' Des Mexicains, car ils sont courageux, expérimentés, et surtout ce sont les seuls à vouloir faire ce travail. '
Boeger est l'une des plus importantes wineries des Sierra Foothills. Ces entreprises sont en quasi-totalité familiales, exception faite de trois domaines d'Amador et d'Ironstone Vineyards, à Calaveras, qui totalisent 1 700 ha de vignes. Il est vrai qu'en altitude, le relief limite la création de grandes parcelles. Par ailleurs, de nombreux vignerons de la région sont des nouveaux venus dans le métier. Ainsi en est-il de John Mac Cready, ex-ingénieur, dont la winery, Sierra Vista, est la seconde d'El Dorado. Ayant débuté en 1974, il possède 16 ha et produit 84 000 cols/an, dont les deux tiers en rouges. Assisté de sa femme, sa fille et son gendre, il emploie huit personnes. ' Plus dix à douze Mexicains lors des vendanges, quatre à cinq pour la taille, et parfois un stagiaire français, une source d'échange intéressante ', précise ce fervent partisan des cépages des Côtes du Rhône. Il a été le premier à planter de la syrah, à laquelle il a ensuite adjoint le grenache, le viognier, le mourvèdre et le cinsault. ' Ils s'acclimatent parfaitement ici ', assure-t-il.
Un avis partagé par William Easton, du domaine de la Terre Rouge, à Amador. ' Nos terroirs ont des similitudes avec ceux de la vallée du Rhône . ' Plus généralement, des cépages du monde entier s'épanouissent dans la région : le zinfandel, le cabernet et le barbera dominent, devant le merlot et le chardonnay. ' La multiplicité des altitudes et des expositions créent autant de microclimats pour lesquels nous sommes toujours à la recherche des variétés les plus adaptées , explique Greg Boeger qui cultive 28 cépages ! De plus, cette diversité nous permet de nous démarquer des wineries de la Napa Valley qui, par leur taille, peuvent faire davantage de publicité que nous . '
Si la notoriété des vins de la région s'accroît, c'est parce qu'ils font jeu égal avec les grands dans les concours, tout en étant bien moins chers. 9 à 12 euros la bouteille pour les crus standard, 20 à 25 euros pour les premiums, pour un coût de production de 2,9 à 3,3 euros par bouteille. En conséquence, les ventes augmentent.
' Etre proche de Sacramento est également un avantage ', estime John Mac Cready qui, comme Greg Boeger, vend autour de 35 % de sa production à la winery et 40 % en dehors de Californie via des distributeurs. A cela s'ajoutent 5 % d'exportations pour le second. A signaler aussi qu'un tiers des raisins d'El Dorado prend la direction de la Napa Valley pour environ 1 200 euros/t.
Bien que leurs vignobles s'étagent entre 360 et 915 m, les gelées sont rares. Par précaution, les parcelles les plus exposées sont équipées de sprinklers servant aussi à irriguer. Sinon, cette tâche est effectuée par un système de goutte-à-goutte. En effet, il est fréquent de n'avoir aucune précipitation d'avril à novembre. Les journées estivales peuvent être torrides et les nuits fraîches. L'hiver, la température peut descendre à - 6°C avec, en prime, de fréquentes chutes de neige. Ici, il n'y a pas de maladie de Pierce, ni de phylloxera. Le measles (une maladie du bois), l'eutipa et l'oïdium sont les problèmes les plus sérieux, mais ce dernier est maintenu sous contrôle par quatre à cinq traitements par an. La présence de chevreuils oblige à clôturer les vignes plantées de 1 200 à 1 750 pieds/ha. ' Il faut un interrang assez large. Du fait de la déclivité, on ne peut pas utiliser d'enjambeurs et les tracteurs glissent parfois un peu ', explique Greg Boeger.