Le vin héberge de nombreuses bactéries. Presque toutes sont indésirables. Même certaines souches d'O. oeni, responsables de la malo, causent des altérations.
De très nombreuses espèces de bactéries lactiques et acétiques peuvent s'installer spontanément dans le vin et s'y maintenir, si elles ne sont pas contrôlées. ' Le nombre d'espèces est difficile à évaluer, car la taxonomie évolue chaque jour ', précise Aline Lonvaud-Funel, professeur à la faculté d'oenologie de Bordeaux. Toutes ces bactéries sont susceptibles de causer des altérations. Même OEnococcus oeni, la seule espèce d'intérêt oenologique, est indésirable, lorsque le vinificateur ne souhaite pas que ses vins subissent la malo. OEnococcus oeni ne transforme pas seulement l'acide malique en acide lactique. Elle dégrade aussi l'acide citrique et forme de l'acide acétique. De ce fait, l'acidité volatile augmente au cours de la malo, normalement de 0,15 g/l H 2SO4. La bactérie libère encore du diacétyle (odeur de beurre qui participe au bouquet du vin), de l'acétoïne et du butanediol. La palette des modifications engendrées par les autres espèces est large, allant des brunissements jusqu'aux troubles et dépôts, en passant par les mauvaises odeurs et les mauvais goûts. Très souvent sans danger pour la santé humaine, les conséquences peuvent toucher gravement la qualité gustative des produits.
Un vin est piqué lorsque sa teneur en acide acétique dépasse 0,5 à 0,8 g/l avec apparition d'une odeur caractéristique, due à l'acétate d'éthyle à partir de 120 à 150 mg/l. L'examen microbiologique montre la présence de bactéries acétiques de l'espèce Acetobacter aceti avec, parfois un léger trouble ou un voile en surface.
La population de bactéries acétiques, faible et stable pendant la fermentation alcoolique et la malo, augmente rapidement en présence d'oxygène et à température élevée. Elle oxyde l'éthanol en acide acétique et en acétate d'éthyle. Pendant l'élevage, à chaque soutirage avec aération, on observe une forte croissance des bactéries acétiques, avec le risque de montées successives en acidité volatile.
Même à des doses élevées, le SO 2 ne permet pas de maîtriser la population de bactéries acétiques. Pour les combattre, il faut renforcer l'hygiène générale, en insistant sur les refuges potentiels de foyers de contamination (cuves, barriques, tuyaux et robinets). Les aérations du vin sont aussi à contrôler. Enfin, en situation difficile, on réduit la population bactérienne par des filtrations très serrées (les bactéries font 0,4 à 2 µm) et un traitement par la chaleur. L'autre piqûre est lactique. Elle s'observe en fin de fermentation alcoolique ou lors de l'élevage. Elle s'accompagne d'une augmentation de l'acidité volatile, parfois de l'acidité totale, et d'une apparition d'odeurs lactées. L'analyse révèle des bactéries lactiques. Elles consomment les sucres qu'elles transforment en acide lactique sous ses deux formes, D et L (la fermentation malolactique ne produit que la forme L). Lorsque la concentration en acide D-lactique dépasse 200 mg/l, on parle de piqûre lactique. Dans certains cas, il y a aussi formation de mannitol à partir du fructose, le vin devient aigre doux. On parlait autrefois de piqûre mannitique.
Les bactéries lactiques peuvent dégrader divers autres constituants du vin :
- l'acide malique : c'est la fermentation malolactique causée par OEnococcus oeni.
- l'acide tartrique, c'est la maladie de la tourne. Le vin est fade, gazeux, ' tourné '.
- le glycérol : c'est la maladie de l'amertume. Il y a formation d'acroléine et de saveurs amères par réaction avec les polyphénols.
Ces altérations sont, sans doute, causées par des souches particulières de n'importe quelle espèce.
La piqûre lactique, la tourne et l'amertume altèrent gravement la qualité organoleptique du vin, de façon irréversible. Autrefois, ces maladies provoquèrent de gros dégâts. Maintenant, elles sont rares. Les conditions qui les favorisent sont les suivantes : une fermentation difficile de moûts très sucrés, un pH élevé (supérieur à 3,5), un moût contaminé en bactéries, des températures élevées non con- trôlées, une carence en oxygène, en azote ou en thiamine conduisant à des arrêts de fermentation alcoolique.
La maladie des vins filants est réapparue depuis quelques années. Le vin prend un aspect huileux, visqueux. L'analyse indique une quantité excessive d'un polysaccharide (le glucane), formé par certaines souches de bactéries lactiques de l'espèce Pediococcus damnosus. Très résistantes, elles se développent même si le vin a un taux d'alcool assez élevé, un pH assez bas et s'il contient du SO 2 libre. On diminue la viscosité par aération et brassage. Pour prévenir les contaminations, on maintient le SO 2 libre vers 30 mg/l, on contrôle les assemblages, on filtre au maximum, on traite par la chaleur avant la mise en bouteilles... en renforçant l'hygiène de toutes les installations.
D'autres affections sont plus rares. Le goût de souris, tenace et désagréable, peut apparaître lorsque les fins de fermentations alcooliques sont languissantes. Il serait dû à l'action de certaines bactéries lactiques sur des acides aminés et l'éthanol. En présence d'acide sorbique et en l'absence de SO 2 libre, certaines bactéries peuvent former des composés à forte odeur de géranium.
Toutes ces altérations sont perceptibles. D'autres n'apparaissent qu'à l'analyse. A partir d'un acide aminé du moût, l'arginine, les levures forment de l'urée et les bactéries lactiques de la citrulline.
Ces deux composés réagissent avec l'éthanol pour former du carbamate d'éthyle. Le risque cancérigène du carbamate d'éthyle ne se manifesterait qu'avec des consommations énormes de vins. Toutefois, on essaie d'en diminuer la concentration dans le vin. Les teneurs sont plus élevées en cas de surfertilisation azotée de la vigne, en cas de macérations intenses (hautes températures, longues durées). On peut détruire le carbamate d'éthyle par ajout de l'uréase, une enzyme.
Par ailleurs, certaines souches de bactéries lactiques transforment des acides aminés du vin en amines biogènes. Ces substances peuvent provoquer des allergies chez le consommateur et la teneur est limitée dans certains pays. Le traitement à la bentonite réduit les teneurs en amines biogènes. Mais la meilleure manière d'éviter que ces substances polluent les vins consiste à les ensemencer avec une souche sélectionnée d' OEnococcus oeni pour qu'elle opère la fermentation malolactique.