Le domaine du Siorac, tenu par les frères Landat, a relancé la production de verjus du Périgord. Des restaurateurs et des épiceries, à l'affût de saveurs rares, l'ont remis au goût du jour.
En 1986, le domaine du Siorac, vingt-cinq hectares de vigne en AOC Bergerac, à Saint-Aubin-de-Cadelech (Dordogne), recherche une voie de diversification pour contrecarrer la crise des blancs d'appellation. De ce fait, une production confidentielle de verjus du Périgord est alors entreprise. Jadis, ce condiment était très employé dans la cuisine. Depuis le Moyen Age, il servait pour déglacer les plats de viande blan- che, de gibier, de poisson ou de champignons, et pour préparer des marinades. Il tomba dans les oubliettes au XVIII e siècle, poussé par l'arrivée du vin blanc, du vinaigre et du citron. Seules quelques familles perpétuèrent son utilisation. Le verjus est extrait de raisins verts cueillis à la main à divers moments : avant la maturité, lors de l'éclaircissage de la vigne ou après les vendanges, lorsqu'il reste des grappillons verts qui ne mûriront pas, les meilleurs aux dires des spécialistes. Ses saveurs acerbes et acides donnent aux mets ' une certaine légèreté qui facilite la digestion ', dit-on.
Officiellement, le domaine du Siorac est le seul à produire du verjus du Périgord. Au début de l'aventure, quelque vingt à trente hectolitres sortent du domaine tous les ans, puis, en 1993, la production grimpe à cent cinquante hectolitres. Un premier livret de recettes inspirées de la littérature gastronomique est élaboré avec vingt chefs de la Dordogne qui ont pignon sur rue. Foie gras poêlé au verjus, confit d'oie mijoté au verjus, gigot d'agneau mariné au verjus...
Aujourd'hui, les restaurateurs à l'affût de produits et de saveurs rares, oubliés et remis au goût du jour, en redemandent. Ainsi, Chabrol à Brantôme, L'Esplanade à Domme et le Saint-Albert à Sarlat ont à leur carte des plats au verjus. L'épicerie fine Fauchon le distribue à Paris et, de manière plus surprenante, certains clients étrangers - japonais, canadiens et australiens - en sont très friands. Depuis l'an 2000, Jean-Paul, Jean-Pierre et Jean-Philippe Landat, les trois frères à la tête du domaine, sont passés à la vitesse supérieure. Ils élaborent deux cent cinquante hectolitres de verjus tous les ans, soit 15 % du volume total qui sort de leur chai. ' Le plus difficile a été de trouver une solution pour le conserver ', souligne Jean-Paul Landat. Il a fallu le pasteuriser. La production ne nécessite aucun autre matériel particulier. ' Nous avons seulement augmenté la capacité de stockage à basse température ', précise Jean-Paul.
Plusieurs cépages entrent dans la composition du verjus. Le périgord y est intégralement destiné. Toutes ses grappes sont récoltées au stade de la véraison. ' C'est lui qui, par son acidité, donne sa typicité au verjus ', affirme Jean-Paul. A cette base, s'ajoutent des jus de sémillon et, certaines années, de merlot, tous deux récoltés au moment de l'éclaircissage. Dix vendangeurs sont employés pendant une semaine. La récolte est pressée, filtrée sur membrane, conservée au froid pendant quinze jours pour empêcher sa fermentation, puis mise en bouteilles de 33 cl sur place après une pasteurisation en continu. Le col est vendu au prix de 3,4 euros. Le domaine commercialise également en bocaux de 21 cl ou 37 cl des raisins au verjus du Périgord, aux tarifs respectifs de 2,7 et 3,5 euros. Le conditionnement des raisins est sous-traité à une société girondine.