Au nord de l'Italie, à proximité des frontières suisse et autrichienne, le Trentin abrite 9 600 ha de vigne. Coopératives et producteurs réalisent d'importants investissements pour accueillir les touristes dans leurs chais. Parallèlement, ils mènent une politique qualitative qui passe par la baisse des rendements.
Au pied des Alpes, les terres cultivables sont rares et chères, car l'industrie et le commerce concurrencent l'agriculture. Les 9 616 ha de vigne de la province autonome du Trentin appartiennent à de nombreuses familles, qui vendangent à la main pour les coopératives locales. La surface moyenne ne dépasse pas 1,5 ha, mais cette dispersion n'a pas empêché le vignoble d'évoluer.
En 1980, les cépages rouges représentaient 80 % des surfaces. Aujourd'hui, chardonnay, müller-thurgau, pinots blanc et gris en couvrent la moitié. Leurs moûts sont destinés à l'élaboration de spumante, un vin de méthode champenoise. Dans la Piana Rotaliano, merlot et cabernet sont les plus représentés des rouges. Les cépages locaux restent minoritaires (teroldego rouge : 6,4 % des surfaces ; nosiola blanc : 1 %).
Sandro Pancher exploite 4 ha de vigne, à Mezzocorona, avec des Polonais saisonniers. ' La conduite de la vigne évolue. Le guyot se développe, car il résiste mieux aux maladies, en particulier au botrytis. La vigne est aérée et les traitements des deux côtés sont plus efficaces que sous la pergola. Pour améliorer la qualité, la tendance est de limiter les rendements à 100 q/ha, alors que l'appellation contrôlée autorise jusqu'à 150 q/ha en chardonnay et 170 q/ha en teroldego . ' Comme 90 % des vignerons de la région, Sandro Pancher est membre d'une coopérative, en l'occurrence la Mezzacorona, qui le rémunère de 1,05 euros/kg pour le chardonnay, à 1,60 euros/kg pour le teroldego et le pinot gris.
Avant 1919, le Trentin appartenait à l'Autriche. Comme le sud tyrolien, il a négocié son autonomie législative et fiscale, avec la possibilité d'appliquer ses lois, en particulier sur l'environnement. Ainsi, la lutte contre l'eudémis et la cochylis s'effectue ainsi par pièges hormonaux et confusion sexuelle.
La coopérative Gruppo Mezzacorona rassemble 1 300 adhérents et 2 100 ha pour un chiffre d'affaires annuel de 100 Meuros. Elle vient de construire un site géant pour l'élaboration du vin : 327 000 q de raisins récoltés en 2001, 20 millions de bouteilles par an et un stock de 14 millions de bouteilles de rotari, un vin de méthode champenoise. Le site dénommé Citadella del Vino reçoit des touristes (40 000 visites et dégustations gratuites par an). Son objectif est de lier émotion, sensation et... consommation du vin. ' Avec 13 ha couverts, il s'agit de la plus grande structure d'Italie , affirme Maurizio Bassetti, directeur de la communication. Les cuves sont enterrées à 9,50 m, le quart des installations est visible, le reste est enfoui sous terre et recouvert d'un tapis de vigne ; le toit en bois reprend la forme de pergola double typique du Trentin . ' Cet investissement s'élève à 120 Meuros. La coopérative, qui fêtera son centenaire en 2003, vient également d'acquérir 230 ha de vigne en Sicile.
A une dizaine de kilomètres au sud, Gianni Gasperi, responsable qualité de la coopérative La Vis (800 membres, 100 000 q de raisins) paie le raisin jusqu'à 2,50 euros/kg ' en fonction de sa qualité, du sucre, de la zone de production, de la variété et du rendement par hectare. Nous conseillons de 100 à 110 q/ha en blanc, 70 q pour les crus '. La tendance au blanc s'inverserait-elle ? ' Actuellement, la demande privilégie le rouge, mais nous conseillons de planter du blanc, qui est la vocation naturelle de la région . '
Pour ses membres, la coopérative publie l'étude pédologique et agronomique de chaque zone, le choix des variétés, le mode de conduite, de taille et de désherbage préconisés. ' On désherbe peu, car l'herbe favorise l'humus, l'activité microbiologique et la terre demeure souple , signale Corrado Aldrighetti, responsable qualité vigne. 10 % de la vigne est en espalier. Nous conseillons ce mode de conduite, car le raisin est plus mûr et plus sain, surtout le rouge. La pergola donne de bons résultats pour des vins de base de spumante, mais exige 500 h par an, contre 250 h pour le guyot. '
Chez Endrizzi, l'oenologue Pierfranco Giovannini estime plutôt à 800 h/an le travail nécessaire par hectare de pergola. Cette société privée possède 17 ha et achète le raisin de 23 autres. ' Nous demandons aux vignerons de réduire leurs rendements pour ne produire que 80 q/ha et les payons comme s'ils en avaient produits 170, soit 23 000 à 30 000 euros/ha/an. ' Cette limite de rendement vaut pour les blancs et les rouges. Dans son chai neuf, Pierfranco Giovannini pratique la thermovinification et la micro-oxygénation. Il utilise de l'oxygène pour aérer les moûts en fermentation, et de l'azote pour protéger les vins de l'oxydation. Les blancs sont élaborés dans des foudres de 80 hl.
Au dehors, une parcelle pédagogique a été plantée avec 21 cépages, accompagnés de fleurs et d'arbres fruitiers évoquant les arômes de ces cépages. Des enfants viennent la vendanger. Le vin, issu des raisins mélangés, est offert à la loterie de l'école.
Le nouveau chai d'Endrizzi est prêt à recevoir les oenotouristes. Des bandes antidérapantes ont même été installées dans le chai. Une bouteille coûte de 5 à 11 euros, et 20 euros pour le vin de dessert. ' Nous vendons par tradition 95 % dans la zone germanique. Il y a moins de vin et les gens y sont plus riches ! ', sourit Paolo Endrizzi, propriétaire. Il vient d'acquérir 60 ha en Toscane, dans une zone où la terre coûte 6 000 euros/ha et demande moins de travail à une main-d'oeuvre meilleur marché.