Pour avoir droit à une indemnité pour améliorations culturales, le preneur doit s'assurer que le bailleur l'autorise à planter.
Dans les rapports bailleur-preneur, les contentieux sur les plantations de vignes sont nombreux. Les problèmes d'interprétations des textes touchent, par exemple, l'article L 411-69 du code rural, relatif aux indemnités pour améliorations culturales en cas de départ du preneur. Selon ce texte, quelle que soit la cause qui met fin au bail, le preneur qui a réalisé une plantation a droit à une indemnité égale au coût des travaux - y compris la main-d'oeuvre - sous déduction d'un amortissement par année d'utilisation à partir de l'entrée en production. Attention, l'indemnité n'est due que si le propriétaire avait autorisé cette plantation soit dans le contrat de bail, soit par un acte séparé postérieur. A défaut de cette autorisation, le preneur peut être autorisé par le tribunal paritaire à passer outre un refus.
Mais sans l'accord du bailleur ou du tribunal, le preneur qui laisse une plantation n'a droit à aucune indemnité. Il ne peut même pas se baser sur la notion d'enrichissement sans cause du propriétaire (Cour de cassation, 10-07-91) !
Dans certains cas, toutefois, la jurisprudence a admis l'existence d'autorisation tacite comme, par exemple, le fait pour un propriétaire d'avoir demandé l'augmentation du fermage pour tenir compte de la plantation mise en place (Cour de cassation, 19-04-89). Les tribunaux se réservent aussi le droit de corriger des formules ambiguës d'autorisation.
Dans une affaire du 5-06-02, les juges ont eu à se prononcer sur les termes d'une convention pour déterminer si elle impliquait, ou non, une autorisation de plantation. Il était prévu que ' le preneur ne pourra s'opposer aux plantations ayant pour objet d'assurer la permanence et la qualité de celles qui existaient lors de la conclusion du présent bail, conformément à l'article 1 719 du code civil ou pour augmenter la rentabilité de la propriété '. Le bailleur se réserve la faculté, comme la loi lui en fait obligation, d'assurer la pérennité du vignoble. Le contrat stipulait aussi : ' Si les plants sont fournis par le bailleur, le preneur ne peut demander une indemnité pour les frais de main-d'oeuvre . ' Cela correspond au contenu de la plupart des prescriptions des commissions consultatives. Il était écrit : ' Le preneur devra laisser à sa sortie une qualité de vignes en bon état de production au moins égale à celle qu'il a trouvée au début du présent bail. A cet effet, il sera dressé contradictoirement entre les parties un calendrier des arrachages et replantations pour permettre au bien loué de conserver le même potentiel de production. Lors des plantations nouvelles, la société bailleresse assurera le paiement des frais de défoncement, plants, piquets, fil de fer, et le preneur effectuera les plantations, les greffera, les tuteurera et les entretiendra . '
Là où les choses se compliquent, c'est qu'en l'espèce, en l'absence de calendrier des arrachages et des replantations, le preneur avait effectué des plantations et, à son départ, il réclamait l'indemnisation prévue par l'article L 411-69 du code rural. Il n'était pas en mesure de justifier d'une autorisation du bailleur, ni d'un accord du tribunal paritaire, mais il soutenait que la rédaction de la clause ci-dessus équivalait à autorisation. Selon le preneur, l'attitude passive du bailleur correspondait à une autorisation tacite.
Les juges ont rejeté cet argument et, du même coup, la demande d'indemnisation. Selon eux, les stipulations du contrat ne pouvaient être assimilées à une autorisation, car elles visaient l'obligation du bailleur de maintenir la pérennité du vignoble et faisaient défense au preneur de s'y opposer. Les travaux à la charge du preneur correspondaient à ceux qu'il doit supporter au cas où le bailleur assure les replantations. Certes, on avait prévu un calendrier pour ces remplacements de plantations, mais cela ne signifie pas qu'en l'absence de ce document, le preneur était autorisé à se substituer au bailleur.
Quelles que soient les difficultés pour l'application de cette clause contractuelle ambiguë, du moment que le propriétaire ne remplissait pas son obligation, dont il avait lui-même détaillé l'exécution dans la clause du bail, il appartenait au preneur de saisir le tribunal paritaire pour obtenir condamnation à l'exécution de l'obligation légale et, au besoin, sous astreinte. Comme le dit le précepte, ' on ne se fait pas justice soi-même '.
Par ailleurs, si l'autorisation tacite est possible, encore faut-il qu'il s'agisse d'actes positifs du bailleur exprimant de façon claire, non équivoque, une volonté précise à l'égard des plantations envisagées par le preneur. Le silence ne valait pas approbation.