Le 21 novembre, le conservatoire du vignoble charentais organisait une journée sur l'intérêt des cépages tombés dans l'oubli. Rares sont ceux qui pourraient en sortir.
La France a abrité jusqu'à 1 500 cépages. Il en reste aujourd'hui une cinquantaine en production. Ici et là, des hommes tentent de retrouver ceux d'autrefois pour en évaluer les vertus et, le cas échéant, les remettre en production. Le sujet a été largement expliqué et débattu le 21 novembre à Cherves-Richemont, lors d'une réunion organisée par le conservatoire du vignoble charentais.
' Dans le Bordelais, il est difficile d'imaginer que d'anciennes variétés puissent reprendre le dessus. Actuel- lement, on en est plutôt à une politique d'élimination des cépages secondaires, a constaté Louis Bordenave, de l'Inra de Bordeaux. Quant à la Bourgogne, seuls le pinot noir et le chardonnay sont présents dans les grands crus. Tout se joue ensuite sur la variabilité des clones. On n'est pas prêt d'y réhabiliter une variété ancienne. '
En revanche, d'autres régions mènent des recherches sur ces cépages quasiment disparus et créent des conservatoires. C'est la mission du conservatoire du vignoble charentais. Au départ, il devait évaluer leur intérêt pour la production de cognac. Aujourd'hui, il veut également savoir s'ils ont des aptitudes à la production de vins de pays. Le conservatoire s'est approvisionné auprès du domaine de Vassal pour retrouver les cépages plantés autrefois en Charentes et qui ont disparu, chassés par l'ugni blanc. Il a réalisé ses premières plantations en 1999. Au total, il a réuni une cinquantaine de cépages, dont les premières récoltes ont été vinifiées cette année. L'an prochain, le conservatoire effectuera les premières distillations.
Les participants à la journée ont pu goûter six vins vinifiés par le conservatoire : trois blancs (colombard, merlot blanc et select, un ancien croisement de jurançon et d'ugni blanc) et trois rouges (douce noire, gros marocain, appelé cinsaut dans le Midi, et cabernet franc). Parmi tous ces vins, le rosé de cinsaut a été jugé particulièrement intéressant par le public. Peut-être pourrait-il retrouver une place dans les Charentes, car il y fut cultivé autrefois, portant le nom de marocain.
Dans d'autres régions, quelques cépages sont déjà sortis de l'oubli. C'est le cas du prunelard en Quercy, du petit courbu et de l'arrufiac dans le Béarn, du trousseau dans le Jura, ou encore du duras à Gaillac, ' intéressant parce qu'il apporte des goûts sauvages, de la charpente ', explique Louis Bordenave. Ce dernier cite également l'exemple de Cahors, où plusieurs cépages sont mis en oeuvre. ' C'est un vignoble qui se cherche encore ' et qui, de ce fait, est ouvert à ces cépages anciens. Ou encore du Languedoc, traditionnellement orienté vers les vins de table industriels, et qui voit aujourd'hui émerger des vins de pays qui cherchent leur originalité par les cépages.
Aujourd'hui, neuf conservatoires ont été implantés dans différents vignobles français. Ils travaillent, en réseau, à mieux connaître les vertus des clones et des vieux cépages, et au final, à apporter aux vins des qualités nouvelles, à moins qu'il s'agisse tout simplement de qualités oubliées.