Le retour en vogue du béton, porté par sa propriété d'amortir les écarts de température, n'est pas justifié. Les matériaux utilisés en cuverie doivent être stables, polyvalents et d'une totale innocuité par rapport au vin. Ce n'est pas son cas.
L'industrie vinicole utilise une grande diversité de matériaux pour la vinification, l'élevage et la conservation des vins : béton, bois, aciers revêtus, Inox ou polyester. Mais les normes ne définissent pas précisément les caractéristiques qu'ils doivent avoir pour convenir à l'élevage ou au stockage du vin. De ce fait, il est apparu nécessaire de montrer, sous forme de tableaux, les propriétés des matériaux les plus utilisés et de faire l'inventaire des problèmes que les uns et les autres peuvent causer.
La première qualité de ces matériaux doit être leur innocuité à l'égard du raisin ou du vin. Ils ne doivent pas en altérer les goûts. Il est conseillé d'utiliser un matériau noble dont on sait, par expérience, qu'il n'entraîne pas d'accident gustatif par relargage de composés étrangers au vin. La seconde qualité est la polyvalence. Le récipient doit pouvoir servir aussi bien à la vinification qu'à la conservation. Enfin, le matériau doit être inerte. Il ne doit pas vieillir, ni se modifier sous l'effet de la chaleur, de l'humidité ou des vapeurs d'anhydride sulfureux.
Force est de constater que tous les matériaux au contact du raisin et du vin n'ont pas ces propriétés. Ils ne sont pas tous d'une grande sécurité. Le bois est considéré comme un matériau noble. Cependant, il l'est uniquement dans les conditions d'utilisation et d'hygiène optimales. Cette rigueur demande une main-d'oeuvre qualifiée et nombreuse.
Et que penser du béton brut ? Au contact du raisin et du vin, si ce béton n'a pas subi un entretien délicat et régulier, il risque d'altérer le vin par des ' faux goûts ', trop souvent rencontrés au cours des dégustations d'agrément. Voilà quelques exemples de ces défauts : goût de moisi dû aux fissures dans le ciment ; goût de papier mâché dû aux tartres secs ; goût de rance dû aux proliférations microbiennes.
N'oublions pas que le ciment devient poreux lorsqu'il se dégrade. En vieillissant, il sera de plus en plus difficile à nettoyer. Des personnes le choisissent malgré tout en raison de son inertie thermique. Mais ce critère ne doit pas entrer comme facteur déterminant du choix, sachant que l'on maîtrise sans difficulté les températures dans les bâtiments et dans les cuves. Les facteurs déterminants doivent être les suivants : une grande longévité des matériaux et une polyvalence d'utilisation. C'est en retenant ces deux critères-là que l'on débouche sur les coûts de production les plus faibles et le meilleur respect de l'environnement.
L'élevage d'un même vin rouge dans divers containers est riche d'enseignements. Notre expérience d'oenologues-conseils et de dégustateurs nous permet d'affirmer qu'un même vin, réparti dans quatre contenants bâtis dans des matériaux différents, va donner quatre produits différents après huit à douze mois d'élevage. La qualité gustative ne sera malheureusement pas préservée dans tous les cas.
On constate régulièrement que l'élevage d'un même vin dans l'Inox, le béton brut, le béton revêtu ou le polyester stratifié aboutit à des caractéristiques gustatives différentes, malgré le travail d'élevage. Dans une cuve en Inox, le vin conserve un caractère plus réducteur, dû à l'herméticité de cet acier. Dans une cuve en béton revêtu, le même caractère se retrouve. Dans le béton affranchi, le vin évolue davantage du fait de la pénétration d'oxygène. Parfois, il acquiert des faux goûts (goût de sec) persistants. Dans le polyester, le vin prend un caractère oxydatif. Il faut souvent réajuster le SO 2 pour maintenir un niveau suffisant de libre.
Au vu de ces constats, deux questions se posent : est-ce le matériau qui doit influencer l'élevage ? Ne serait-il pas préférable que le maître de chai puisse maîtriser l'élevage dans des matériaux fiables avec un travail régulier du vin, comprenant des soutirages et une oxygénation si cela est nécessaire ?
Aujourd'hui, les contraintes de l'hygiène alimentaire et la mise en place du système HACCP vont certainement entraîner un tri sélectif des matériaux au contact des denrées alimentaires. Ces évolutions conduiront à accorder de plus en plus d'importance à la facilité d'entretien. En effet, les risques d'apparition de mauvais goûts ou de pollution sont d'autant moindres que la cuverie est tenue propre par une hygiène stricte et un entretien régulier. Ce constat n'engage pas seulement la responsabilité des viticulteurs, mais aussi celles des constructeurs qui se doivent de fournir des récipients exempts de tout défaut, ce qui n'est pas encore le cas à 100 %. Les professionnels qui appliquent les revêtements époxy ou qui construisent des cuves en matériau composite doivent absolument s'entourer d'une charte de qualité.