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La pyrale, fléau du passé

La vigne - n°139 - janvier 2003 - page 0

La pyrale a sévi jusqu'à ce qu'un propriétaire du Beaujolais découvre l'efficacité de l'ébouillantage des ceps.

La pyrale s'est manifestée, à la fin du XVIII e siècle, dans plusieurs régions. Mais sa présence est plus ancienne. En 1562, elle avait sévi à Argenteuil et, en 1629, à Colombes. On la signale à nouveau à Argenteuil en 1783 et elle est décrite avec précision en 1786. Au printemps 1787, l'abbé Roberjot, curé de Saint-Véran (Mâconnais), propose un ' moyen propre à détruire les chenilles qui ravagent la vigne ' : le feu. L'insecte reparaît en 1807, mais c'est l'invasion des années 1831-1841 inquiète le plus, à Argenteuil, dans le Mâconnais et dans le Beaujolais où on l'appelle le ver coquin.
La pyrale est un papillon de 10 à 14 mm de long, qui pond, début août, jusqu'à 200 oeufs, sur la face supérieure des feuilles de vigne. Les oeufs éclosent sous neuf à seize jours et donnent naissance à des chenilles appellées vers blancs, par opposition à une autre chenille, celle de la teigne, le ver rouge. Les chenilles, qui peuvent atteindre 3 cm de long, se réfugient aussitôt sous l'écorce des ceps ou dans les fentes des échalas pour hiberner pendant neuf mois dans un cocon. Elles ne font donc aucun dégât la première année. Mais lorsqu'elles sortent l'année suivante, début maie, elles dévorent les feuilles, rarement les grappes. Dans la seconde quinzaine de juin, elles se métamorphosent en chrysalides. Elles deviennent papillons le mois suivant. Les destructions opérées par les pyrales sont graves. Survenant au printemps, elles entraînent l'arrêt du développement de la végétation.
En 1837, le maire d'Argenteuil estime la perte à 600 000 F pour les 1 000 ha de son vignoble et alerte l'Académie des sciences. Jean-Victor Audouin, spécialiste des insectes, est dépêché. Impuissant, il conseille d'arracher la vigne et de faire d'autres cultures, ou de cueillir les pontes plutôt que de ramasser les chenilles après éclosion. Il conseille également d'installer de petits feux, à la tombée du jour, tous les 25 pieds environ, en disposant des plats remplis d'huile. Le 6 août, dans un clos de 150 ares, une expérience permet, le lendemain avec 200 plats, de recueillir 150 papillons par plat, soit 30 000 papillons environ, dont 6 000 femelles pleines représentant 900 000 oeufs. On s'aperçoit bien vite qu'il faut recommencer l'opération plusieurs jours de suite et qu'il faudrait traiter toutes les vignes de la région en même temps. Tâche impossible. La pratique des feux, si elle attire bien les papillons (pyrale vient d'un mot grec qui signifie feu), est donc inefficace.
Au même moment, Benoît Raclet, propriétaire à Romanèche, avait déjà eu l'idée d'employer l'eau bouillante. C'est en 1834 qu'il a commencé à ébouillanter les souches pour détruire les chrysalides nichées sous l'écorce. Mais il a longtemps fait mystère de sa découverte, sans doute pour mieux l'exploiter. Audouin meurt en 1841, sans avoir trouvé de moyen de lutte. Pendant l'hiver 1842, Raclet fait une expérience publique, à Romanèche, sur une vigne de 180 ares. Deux chaudières d'eau, chauffées à la houille, fournissent alternativement de l'eau chaude. A raison d'une cafetière d'eau bouillante versée sur les cornes de chaque cep, en prenant soin des bourgeons, il traite, avec deux ouvriers travaillant douze jours, les 180 ares. Il a fallu payer 18 F de charbon et 36 F de salaires (1,50 F/jour/ouvrier), soit 54 F, soit 30 F/ha. En mai 1843, la vigne de Raclet est une oasis au milieu d'un désert... En septembre, il récolte plus de 30 hl/ha (deux grêles ont détruit une partie de la récolte), mais ses voisins rentrent à peine 5 hl/ha. L'échaudage est donc la solution, en attendant mieux. Rendons à Benoît Raclet ce qui lui appartient. Il a maintenant son musée et ce n'est que justice.

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